EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

L'expansion rapide des infrastructures numériques et, en particulier, des centres de données (ou data centers), constitue un défi stratégique majeur pour notre pays. La France est valorisée par les entreprises internationales qui souhaitent implanter de nouveaux centres de données sur le territoire. L'Île-de-France est une terre d'accueil intéressante pour ces structures : 160 sur les 315 centres de données construits en France le sont dans cette région. Le plateau de Saclay, en Essonne, illustre parfaitement cette dynamique, car il offre un climat favorable à l'accueil des centres de données dont le nombre ne cesse d'augmenter.

Selon une étude menée par EY-Parthenon, la France comptait environ 250 centres de données en 2022, avec une croissance estimée à 11 % par an sur les dix prochaines années. Cela porterait le nombre de centres à environ 700 d'ici 2033.

Si les data centers sont essentiels pour la souveraineté numérique et l'économie du numérique, leur impact sur l'emploi reste relativement faible au regard des investissements colossaux qu'ils nécessitent. Une réflexion doit être menée pour mieux répartir ces infrastructures sur le territoire et favoriser l'inclusion de la main-d'oeuvre locale dans ces projets.

La protection des données est également un enjeu primordial. Dans cette logique, nous ne pouvons que soutenir l'implantation des centres de données.

Le développement exponentiel des capacités de calcul et du stockage de données, accéléré par l'émergence de l'intelligence artificielle mise en valeur lors du Sommet international de l'IA 2025, a accentué la demande en infrastructures toujours plus puissantes. La filière des centres de données prévoit d'investir 12 milliards d'euros en France au cours des dix prochaines années, principalement en Île-de-France. Cependant, ces structures, concentrées en grand nombre sur un territoire, font peser sur les collectivités et les populations des nuisances qui peuvent se révéler considérables : artificialisation des sols, pression sur le foncier disponible, chaleur fatale non réutilisée, consommation et pollution d'eau en grande quantité et de nombreuses tensions sur les réseaux de distribution électrique.

Ces enjeux sont multiples et interdépendants. La consommation d'eau, souvent ignorée dans le débat public, constitue une préoccupation croissante des collectivités territoriales. Les centres de données utilisent des systèmes de refroidissement très consommateurs en eau, mettant sous tension des ressources hydriques déjà fragilisées par le changement climatique. Selon une étude de 2022, réalisée par l'Arcep et l'ADEME, portant sur l'évaluation de l'impact environnemental du numérique en France, la « quasi-totalité du volume d'eau prélevé par les centres de données est de l'eau potable provenant du réseau local ou de l'eau douce ». Par ailleurs, en 2022, le volume d'eau prélevé directement par les centres de données a « progressé de 20 % par rapport à 2021 pour atteindre 482 000 mètres cube sur l'année ». Ce texte vise donc à mieux encadrer la consommation en eau, aujourd'hui ressource rare, de ces structures. En outre, la concentration de ces infrastructures dans des zones denses pose la question de l'aménagement territorial et de la nécessaire répartition équilibrée de ces activités à l'échelle nationale. En effet, ces centres de données sont inégalement répartis sur le territoire français : 58 % d'entre eux sont situés en Île-de-France. Enfin, la chaleur fatale émise par ces installations demeure sous-exploitée, alors qu'elle pourrait être réutilisée pour des projets de réseau de chaleur urbain ou des équipements publics.

Selon les dernières études menées dans le cadre des discussions internationales sur l'intelligence artificielle, l'enjeu de la soutenabilité environnementale de ces technologies devient une priorité. L'organisation du sommet international de l'IA en France a, par ailleurs, mis en avant la nécessité d'un modèle de développement qui intègre pleinement ces préoccupations écologiques. Les différentes annonces lors de ce sommet concernant des investissements massifs à venir en France ainsi que l'implantation exponentielle de nouveaux centres de données en France inquiètent les collectivités territoriales.

Dès lors, il devient essentiel d'accompagner cette transition numérique en mettant en place des mécanismes de régulation qui permettent à la fois d'encourager l'innovation et d'assurer un développement soutenable. Cette proposition de loi vise donc à renforcer le cadre juridique et à instaurer des mesures adaptées afin de favoriser une implantation vertueuse des structures numériques.

L'article 1er de cette proposition propose, via le schéma de cohérence territoriale (SCoT), de permettre aux élus locaux de maîtriser et de coordonner pleinement l'implantation des centres de données sur leur territoire et de s'inscrire dans une stratégie concertée qui intègre autant les enjeux d'aménagement et d'attractivité des territoires que les enjeux énergétiques et de consommation d'espace.

L'article 2 vise à instaurer une taxation plus juste pour les centres de données par l'instauration d'une redevance sur le prélèvement et la consommation d'eau par les centres de données ainsi que par une imposition en tant qu'infrastructures numériques, afin de garantir un retour financier bénéfique aux collectivités. La redevance sur l'eau consommée permettrait de responsabiliser les entreprises du secteur tout en favorisant l'adoption de solutions de refroidissement plus sobres et innovantes. En ajustant leur contribution financière à leur empreinte hydrique, les opérateurs seront incités à réduire leur dépendance à cette ressource précieuse et ainsi, à favoriser la recherche et l'innovation pour un nouveau type de refroidissement.

Par ailleurs, les centres de données bénéficient aujourd'hui d'un régime fiscal relativement avantageux dans certaines régions. Il est donc essentiel de revoir leur imposition afin qu'ils contribuent de manière équitable aux charges publiques et au développement des territoires qui les accueillent. Cette taxation permettra non seulement de compenser les coûts indirects engendrés par leur présence, mais aussi de générer des recettes substantielles pour les collectivités locales.

L'article 3 vise à conditionner l'installation des centres de données à la présentation d'un projet de réutilisation et de valorisation de la chaleur fatale qu'ils produisent. Cette dernière, émise par les centres de données, constitue une ressource encore sous-exploitée. Son réemploi peut pourtant permettre de chauffer des infrastructures publiques comme des réseaux de chaleur urbains, des piscines municipales ou des établissements de santé. L'exemple du centre aquatique olympique de Saint-Denis, chauffé grâce à la chaleur fatale d'un centre de données, illustre le potentiel de ces dispositifs. Cette obligation incitera les acteurs du numérique à s'inscrire dans une logique d'optimisation énergétique et de réduction des déperditions thermiques.

L'article 4 vise à instaurer un programme national de recherche et d'innovation dédié aux infrastructures numériques pour renforcer les capacités nationales en matière de stockage, de traitement, de transport et de diffusion des données. L'objectif de cet article est de favoriser les synergies entre les centres de données privés, les établissements d'enseignement supérieur, les organismes de recherche et les entreprises innovantes du territoire d'implantation du centre de données. Ce partenariat permettra à la France de s'imposer dans le domaine des nouvelles technologies stratégiques comme la cybersécurité ou l'intelligence artificielle. Un décret en Conseil d'État assurera le développement des partenariats tout en protégeant les données numériques exploitées.

En adoptant ces mesures, la France affirme sa volonté de concilier innovation technologique et responsabilité environnementale. Le développement de l'intelligence artificielle et du numérique doit s'accompagner d'un modèle de croissance plus respectueux des ressources naturelles et des territoires. Cette proposition de loi s'inscrit dans cette dynamique et vise à adapter le cadre réglementaire permettant de garantir une implantation soutenable et stratégique des centres de données, au service d'un avenir numérique plus vertueux et durable.

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