EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

L'organisation des Lebensborn est l'une des pages les plus méconnues de l'histoire du nazisme et de la seconde guerre mondiale qui a impacté une grande partie des pays européens.

Les Lebensborn ont été créés dès 1935 par Heinrich Himmler, chef de la SS dans le cadre d'un projet racial de création d'une « race aryenne » et d'élimination des « races » dites inférieures et des individus présentant un handicap.

Ces « fabriques des enfants parfaits » pour reprendre le titre du livre que le journaliste Boris Thiolay leur a consacré en 2012, avaient pour vocation de créer des enfants selon des critères spécifiques : blonds aux yeux bleus, grands de taille, aptes aux tâches physiques les plus difficiles et solides psychologiquement...

Ils ont d'abord été mis en place en Allemagne, puis dans toute l'Europe conquise, en Norvège, en Autriche, au Danemark, en Pologne, en Hollande, au Luxembourg, en Belgique, jusqu'en France, à Lamorlaye, dans l'Oise.

Entre 10 000 et 20 000 enfants seraient ainsi nés dans ces pouponnières nazies : naissances volontaires répondant à l'appel du Reichsführer, naissances de femmes célibataires en Allemagne et hors Allemagne si elles répondaient aux critères de sélection raciale, puis à partir de 1942, enfants raflés en Pologne et dans les pays scandinaves, là encore selon leurs critères physiques. Ces enfants n'ont pas d'état civil ni de lieu de naissance pour la plupart : ils appartiennent intégralement aux Lebensborn.

Selon l'historien allemand Georg Lilienthal, auteur du livre de référence sur le sujet, paru en 1985, les enfants reçurent, au sein de ces institutions, une éducation sans affection, les préparant aux choix impitoyables auxquels le régime entendait les préparer : ils étaient ainsi destinés à devenir des élites.

À la fin de la guerre, au moment de la débâcle allemande, les enfants qui n'avaient pas été réclamés par leurs mères furent transférés de Lebensborn en Lebensborn par les SS jusqu'en Bavière.

C'est ainsi qu'en mai 1945, 162 d'entre eux furent découverts dans la maison-mère du Lebensborn, à Steinhöring, près de Munich, en Allemagne, dans des conditions d'hygiène déplorables.

Recueillis par les Nations-Unies puis par la Croix Rouge, 17 enfants, dont la mère était supposée française, ont ensuite été acheminés vers Commercy, dans la Meuse fin 1946. Les conditions très difficiles du transfert mais aussi l'état de santé des enfants ont causé la mort d'au moins sept d'entre eux.

Ces enfants ont été pour la plupart adoptés par des familles françaises ou confiés à la DDASS. En avril 1947, ces 17 enfants ont été francisés et déclarés nés à Bar le Duc en Meuse.

Jugés à Nuremberg en 1948, les employés et les cadres du Lebensborn n'ont été condamnés ni pour la mise en place de ce projet eugéniste, ni pour les enlèvements de masse, ni pour infanticides liés à la sélection. Les archives ont pourtant mis en exergue l'euthanasie d'au moins 17 enfants parce qu'ils présentaient des tares à la naissance.

À partir de la fin des années 80, les enfants ont eu la possibilité d'accéder à leur dossier DDASS. Certains découvrirent alors la réalité de leur naissance et trouvèrent la force de témoigner sur leur parcours, leur quête d'identité confrontée à l'absence d'archives et de reconnaissance.

À deux reprises, en 1999 et 2018, l'État norvégien a reconnu, par la voix de son Premier ministre, sa responsabilité dans les maltraitances subies après-guerre par les enfants des Lebensborn nés sur son territoire.

Le conseil municipal de la ville de Commercy a instauré une journée de commémoration annuelle le 5 octobre qui correspond à l'arrivée dans cette ville des enfants du Lebensborn ainsi que d'autres orphelins en provenance de la zone d'occupation française.

Il n'existe néanmoins en France aucun statut particulier permettant la reconnaissance des souffrances endurées par ces enfants des Lebensborn, tous aujourd'hui âgés de plus de 80 ans.

L'article unique de la présente proposition de loi entend accorder à titre symbolique le statut de victime de guerre aux enfants nés des Lebensborn.

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