EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

ArcelorMittal, malgré 17 milliards d'euros de fonds propres et la perception d'aides publiques massives, a annoncé la suppression de 636 emplois en France, dont 400 postes de production.

Ce faisant, le groupe met en danger toute l'industrie sidérurgique française alors qu'il a bénéficié de 298 millions d'euros d'aides en 2023 dont 195 millions d'euros concernant l'énergie, près de 850 millions d'euros pour son projet de décarbonation de deux hauts-fourneaux (projet qui n'a pas vu le jour), 4 millions pour les investissements, 10 millions au titre du Fonds européen de développement régional, 40 millions de crédit d'impôt recherche, 6 millions au titre du chômage partiel longue durée, 41 millions en allégement de cotisations et 2 millions au titre de l'apprentissage. Il s'est permis de distribuer 600 millions d'euros de dividendes l'an dernier et de procéder à 12 milliards d'euros de rachats d'actions en quatre ans.

En fournissant des secteurs essentiels tels que l'automobile, l'énergie, la construction ou la défense, la sidérurgie est une composante majeure de notre souveraineté industrielle.

Or, la disparition de la voie dite « intégrée », qui produit de l'acier à partir de hauts-fourneaux et est une composante historique de la sidérurgie, pourrait mener à la perte de milliers d'emplois directs et indirects et aurait des incidences majeures sur le secteur manufacturier.

Ainsi, pour ne prendre qu'un exemple, dans le Dunkerquois, c'est tout un écosystème qui serait fragilisé : déstabilisation des activités portuaires et ferroviaires, perte de synergies avec des infrastructures clés comme la centrale DK6, qui valorise les sous-produits des hauts-fourneaux pour produire de l'électricité, érosion d'un écosystème industriel local stratégique ayant des répercussions sur tout le bassin d'emplois.

Or, le Président d'ArcelorMittal France a lui-même confirmé, devant la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale, l'impossibilité de « prendre le moindre engagement » sur le maintien de l'activité en France à court ou à moyen terme.

Face à cette situation, nous proposons, à l'image des initiatives prises en Italie et au Royaume-Uni, de nationaliser les actifs d'ArcelorMittal situés en France et de créer une société publique chargée de leur exploitation et de leur reconversion.

Cette nationalisation répond à trois impératifs majeurs :

Un impératif en termes de transition écologique et de calibrage des investissements nécessaires à la décarbonation de la production d'acier, en particulier la conversion des hauts-fourneaux à l'hydrogène et l'introduction de technologies de captage du carbone.

Un impératif en termes de sauvegarde des emplois directs et indirects et des compétences liés à la production d'acier en France, dans un secteur stratégique pour l'industrie nationale.

De plus, l'acier constitue une matière première critique, comme l'a rappelé récemment la Commission européenne ; c'est donc un impératif de souveraineté industrielle et énergétique.

Enfin, la sécurisation de l'approvisionnement en acier décarboné permettra de stabiliser les coûts et d'éviter les interruptions de production dans ces industries clés.

En ce sens, la nationalisation pérenne des actifs français d'ArcelorMittal représente un investissement stratégique pour assurer la transition énergétique et renforcer la souveraineté industrielle.

Cette nationalisation pourra être financée par une taxe exceptionnelle sur les superprofits des multinationales, par l'émission d'emprunts obligataires d'État ouverts aux citoyens et aux investisseurs institutionnels, ou encore par le remboursement anticipé des aides publiques perçues par ArcelorMittal.

L'État peut aussi solliciter le financement de l'Union européenne pour les projets de transition énergétique, notamment à travers le mécanisme de financement du Green Deal et les programmes Horizon Europe.

Enfin la production future des sites, due à l'augmentation de la production d'acier décarboné et à la réduction des importations, contribuera à amortir les coûts de la nationalisation.

Près de 45 ans après la nationalisation d'Usinor-Sacilor, il est temps de renouer avec une ambition industrielle forte. La sidérurgie française peut redevenir un fleuron de la transition énergétique et de la souveraineté européenne.

L'article 1er de notre proposition de loi prévoit la nationalisation des actifs d'ArcelorMittal situés sur le territoire national.

L'article 2 identifie les sites qualifiés d'intérêt général concernés par la nationalisation.

L'article 3 précise les conditions de l'indemnisation des actionnaires.

En effet, cette indemnisation due au titre de la nationalisation sera réduite de la valeur des aides publiques déjà reçues par ArcelorMittal, qu'il s'agisse de subventions directes, de prêts, ou de toute autre forme de soutien financier apporté par l'État ou l'Union européenne. Un organisme indépendant sera constitué pour leur évaluation.

L'article 4 prévoit la création de la Société Nationale de l'Acier, entreprise publique placée sous le contrôle de l'État, afin d'assurer l'exploitation de ses sites, leur modernisation, la préservation des emplois et de répondre aux objectifs de décarbonation de l'industrie sidérurgique, conformément aux engagements pris par la France dans le cadre de l'accord de Paris et de la stratégie nationale bas-carbone.

Article 5 : Mesures transitoires

Cette proposition allie pragmatisme économique et ambition écologique, en s'appuyant sur des précédents. Elle offre une alternative crédible permettant de donner un avenir à la sidérurgie dans notre pays.

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