EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

L'article 1er de la Constitution proclame que « la France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances. Son organisation est décentralisée. »

Dans la même logique, l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 dispose que la loi « doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse ».

Notre droit constitutionnel ne connaît ainsi « que le peuple français, composé de tous les citoyens français sans distinction d'origine, de race ou de religion ».

Enfin, « la loi garantit à la femme, dans tous les domaines, des droits égaux à ceux de l'homme », selon le troisième alinéa du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946.

L'unicité du peuple constitue un principe fondamental de notre pacte républicain. Pourtant, notre société tend aujourd'hui vers une juxtaposition de communautés revendiquant leurs différences avec la communauté nationale. Aussi, ces revendications communautaires affaiblissent notre pacte républicain.

Nous le savons désormais, ce sont dans les lieux de culte, des associations ou encore des écoles, que les Frères musulmans tentent de s'étendre en France selon un rapport des renseignements présenté au centre d'un conseil de défense mercredi 21 mai 2025 à l'Élysée à l'initiative du ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau.

Selon ce rapport, la France est « minée de l'intérieur par une confrérie, une organisation secrète » : les Frères musulmans. Dans le pays, un « risque frériste » concernerait « une vingtaine de départements ». Le rapport évalue à moins de 200 les lieux de culte affiliés à cette mouvance. Cela correspond à 91 000 fidèles et 7 % des lieux de culte musulmans répertoriés en France.

Aussi, le lundi 26 mai 2025, le ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau a dévoilé les contours d'un plan de bataille contre les Frères musulmans qui ont pour mission de faire basculer la France sous le joug de la charia et d'un État islamique. Mais ils ne constituent pas la seule menace islamiste.

Bruno Retailleau a ainsi proposé d'ajouter la phrase suivante dans la Constitution : « Nul ne peut se prévaloir de sa religion, de ses croyances, de ses origines, pour échapper à la règle commune. »1(*) Selon lui, « l'entrisme islamiste a pour but d'échapper à la règle commune, de la tordre, de la déplacer progressivement et de l'influencer de telle façon à ce qu'elle devienne compatible avec l'islamisme ».

D'ailleurs, concernant nos écoles, sur les quatre premiers mois de l'année scolaire 2024/2025, le port de tenues et de signes religieux constitue la première des atteintes (315 faits), suivi par les contestations d'enseignement (303) et les provocations verbales (285). Les chiffres de l'Éducation nationale publiés sans commentaire montrent une recrudescence des signalements en octobre 2024 (702).

En théorie, ces incidents concernent toutes les religions, car la loi ne permet pas de les catégoriser en fonction des confessions. Mais « l'écrasante majorité des faits concernerait l'Islam », selon la presse.

Des jeunes utilisent également les réseaux sociaux, au premier rang desquels TikTok, pour encourager leurs followers à porter un voile ou une abaya dans leur école, en guise de défi, et à tenter de négocier directement avec leur chef d'établissement.

La loi du 11 octobre 2010, parfois appelée « loi sur la burqa », interdit de « dissimuler son visage » dans l'espace public, notamment à l'aide d'un masque, d'une cagoule ou d'un voile islamiste intégral. Sont concernés la burqa - qui cache entièrement le corps, y compris les yeux derrière un tissu à mailles - et le niqab - qui couvre le visage pour n'en montrer que les yeux. Ici, ce n'est pas le signe religieux qui est mis en cause, mais bien la dissimulation du visage qui en découle.

Le « hijab » (qui masque la chevelure mais laisse le visage dégagé) ne rentre donc pas dans le champ d'application de cette mesure. Qu'en est-il, lorsqu'il s'agit d'enfants en plein développement physique et intellectuel ?

La loi de mars 2004 sur les signes religieux dans les écoles précise que « le port de signes ou tenues par lesquels les élèves manifestent ostensiblement une appartenance religieuse tels que le voile islamique, quel que soit le nom qu'on lui donne, la kippa ou une croix de dimension manifestement excessive, est interdit ». Cette interdiction s'applique également au personnel de ces établissements.

Il y a lieu ici de s'interroger sur la symbolique de ce voile islamique et de faire respecter l'intérêt supérieur de l'enfant conformément à la Convention de l'ONU relative aux droits de l'enfant que la France a ratifiée il y a plus de trente ans.

Comme l'explique parfaitement la philosophe et islamologue Razika Adnani : « la première caractéristique de l'islamisme est l'imbrication du spirituel et du politique, autrement dit, la politique s'exerce au nom de la religion. La seconde caractéristique réside dans les privilèges accordés aux hommes, au détriment des femmes. Partout où l'islamisme cherche à s'implanter, il commence par imposer le voile »2(*).

Michèle Vianès, présidente de Regards de femmes et essayiste, rappelle d'ailleurs très justement : « si une fillette sur cinq est, en moyenne, victime d'agressions sexuelles, un garçonnet sur treize l'est aussi. Alors, pourquoi ne pas voiler les petits garçons également ? ».

Chahdortt Djavann, Iranienne devenue Française, avait 13 ans quand elle s'est battue en vain pour ne pas porter le voile. Quand elle voit une femme qui le porte, pour elle, c'est insoutenable. Elle déclare que : « le voile est un symbole qui ôte toute capacité à la femme d'être un être pensant. Quand un seul de ses cheveux peut susciter le désir sexuel le plus fruste de l'homme, elle est réduite à un appât sexuel. Ce symbole pornographique autorise toute forme de violence à l'encontre des femmes et les place dans le non-droit. Quand on voile une petite fille, on lui inculque la culpabilité de sa sexualité féminine. On lui dit que ses cheveux et les formes de son corps peuvent à tout moment faire perdre le contrôle de soi aux hommes. »

Cela porte atteinte à la dignité des enfants de la République, qu'ils soient filles ou garçons.

Le voile est fait pour dissimuler le corps des femmes aux regards sexualisés des hommes, constituant ainsi également une forme d'infantilisation des hommes. Si c'est la dignité des filles et leur soumission qui sont visées par le voile, voiler les mineures est aussi constitutif d'une image dégradante d'eux-mêmes pour le garçon, incapable de se raisonner, de se maîtriser, de « s'empêcher » pour reprendre l'expression d'Albert Camus3(*). La transmission de ces stéréotypes enferme la fille dans des préjugés archaïques qui ne vont pas dans le sens de l'émancipation et de l'égalité des sexes et qui sont contraires à nos moeurs. Quelle est alors la signification de voiler une fillette ?

Si les défenseurs du voile évoquent le libre choix des femmes à le porter, qu'en est-il lorsqu'il s'agit d'enfants en bas âge ou d'adolescentes n'ayant pas atteint l'âge du consentement ?

Rappelons-le, l'article 371-1 du code civil prévoit que « l'autorité parentale est un ensemble de droits et de devoirs ayant pour finalité l'intérêt de l'enfant. Elle appartient aux parents (...) pour assurer son éducation et permettre son développement, dans le respect dû à sa personne. L'autorité parentale s'exerce sans violences physiques ou psychologiques. Les parents associent l'enfant aux décisions qui le concernent, selon son âge et son degré de maturité. »

Nous devons considérer que le voilement des mineures peut représenter des risques pour l'épanouissement physique, mental, moral et social des enfants.

C'est pourquoi nous devons envisager non pas seulement l'interdiction du port de signes ou tenues manifestant ostensiblement une appartenance religieuse dans les lieux publics pour les mineures, mais également les signes ou tenues marquant l'infériorisation de la femme à l'homme.

Tel est le sens de l'article 1er.

Certains pourraient considérer qu'une telle proposition serait inapplicable, pourtant ce dispositif avait été proposé4(*) et voté le 30 mars 2021, lors de l'examen au Sénat du projet de loi « confortant le respect des principes de la République » avant d'être écarté par la commission mixte paritaire du 13 avril 2021.

L'avantage est de protéger les jeunes filles que l'on veut soumettre, qui sont les plus menacées, en protégeant leur liberté de conscience.

Par ailleurs, prévoir des sanctions à l'encontre d'une mineure, sur le modèle de la contravention de dissimulation du visage dans l'espace public qui est punie d'une amende de la deuxième classe (150 €), n'aurait pas grand sens puisque le présupposé est que la mineure est bien contrainte par sa famille.

En tout état de cause, le principe étant l'absence de responsabilité parentale en matière pénale5(*), les parents ne sont pas tenus de s'acquitter des amendes de leur enfant, qui est le plus souvent insolvable, ce qui relativise l'effectivité d'une telle mesure.

Pour autant, le code pénal condamne de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 € d'amende « le fait, par le père ou la mère, de se soustraire, sans motif légitime, à ses obligations légales au point de compromettre la santé, la sécurité, la moralité ou l'éducation de son enfant mineur »6(*).

Ces obligations légales sont celles qui s'attachent à l'autorité parentale, dont les finalités sont évoquées dans le code civil7(*) : protéger l'enfant dans « sa sécurité, sa santé et sa moralité, pour assurer son éducation et permettre son développement (...) ».

Au nom de ces obligations légales, l'article 2 prévoit de sanctionner les titulaires de l'autorité parentale qui imposent ou qui n'interdisent pas à leur enfant le port de signes ou de tenues marquant l'infériorisation de la femme à l'homme dans l'espace public.

La violation de cette interdiction serait punie dans un premier temps d'une contravention de la quatrième classe (750 € maximum). Si une nouvelle violation intervenait dans un délai de quinze jours, l'amende serait celle prévue pour les contraventions de la cinquième classe (1 500 € maximum).

Si quatre violations intervenaient dans un délai de trente jours, les faits deviendraient délictuels et seraient punis de six mois d'emprisonnement et de 3 750 € d'amende. Il s'agit là d'une reprise de la riposte graduelle prévue en cas de violation des mesures de confinement.

Oui, le voilement des mineures représente une forme de maltraitance. Nous ne pouvons séparer nos enfants en classant d'un côté « les pudiques » et de l'autre « les impudiques ». Le voile porté par des petites filles signifie qu'elles sont des objets de désir qu'il faut dissimuler pour ne pas exciter sexuellement les hommes. Ajoutons que porter le voile dès l'enfance vise à les habituer à une forme de « soumission » envers les hommes pour « ne pas qu'elles se rebellent », à l'adolescence, afin de les empêcher d'accéder pleinement à une liberté de conscience.

Enfin, et surtout, la question du voilement des mineures n'est pas qu'une question religieuse, mais surtout une question de maltraitance infantile. En effet, le voile a un impact psychologique sur ces jeunes filles en les culpabilisant d'être une fille, en imposant une vision erronée et contraire à nos valeurs républicaines des rapports garçon/fille où la fille est considérée comme une proie et le garçon comme un prédateur.

Rappelons-le, le droit pénal fait déjà beaucoup pour la protection de l'enfance, mais il nous faut aller plus loin et dire non au voilement des mineures.

Nous devons dire à ces filles et ces femmes qui veulent sentir le vent dans leurs cheveux que la France est une terre d'émancipation et n'accepte pas que les petites filles y soient infériorisées, dissimulées, cachées, voilées.

Rappelons-le, les dérives sectaires, constitutives d'abus de la liberté d'opinion ou de religion, mais aussi de l'ignorance et de la faiblesse d'autrui, ou de mise en péril des mineurs, sont parfaitement appréhendées par le droit pénal. Mais nous devons aller plus loin aujourd'hui en ayant le courage de dire non au voilement des mineures.

Si nous voulons lutter contre le totalitarisme islamique, combattons ce qui en est le symbole. Si nous voulons prôner la liberté d'émancipation des jeunes et l'égalité entre les hommes et les femmes et la protection des enfants, soyons cohérents. Si nous voulons protéger les jeunes filles, disons non à cette forme de maltraitance.

Burqa, tchador, abaya, niqab, hijab... ils constituent un enfermement dans le sexe, une négation de la personne, un interdit de liberté, un interdit d'égalité, un interdit de fraternité.

Ce n'est pas un problème d'étiquette politique. Ce n'est pas qu'un problème religieux. Ce n'est pas qu'un problème d'égalité entre les hommes et les femmes. C'est avant tout un sujet de dignité humaine et de protection de l'enfance.

Il est de notre responsabilité d'affirmer avec force qu'en France, nous ne pouvons accepter qu'une mineure soit voilée.

Nous le devons aux Français. Nous le devons à ces jeunes filles. Enfin, nous le devons aussi à ces « combattantes de la liberté », ces femmes qui, à travers le monde, risquent avec courage leur vie pour refuser de porter le voile.

* 1 Reprenant ainsi la proposition de loi constitutionnelle n° 317 (2024-2025) de MM. Philippe BAS, Mathieu DARNAUD, Hervé MARSEILLE, Mme Muriel JOURDA et plusieurs de leurs collègues, déposée au Sénat le 7 février 2025, visant à garantir la prééminence des lois de la République.

* 2 https://www.ouest-france.fr/societe/religions/entretien-voile-dans-le-sport-la-ou-lislamisme-veut-simplanter-il-commence-par-le-voile-ecde299a-030d-11f0-b813-760796e3e8a4

* 3 « Non, un homme, ça s'empêche. Voilà ce que c'est un homme... », Le Premier Homme, Albert Camus, Gallimard, 2000.

* 4 Amendement 162 rect. bis de Valérie Boyer et plusieurs de ses collègues.

* 5 En vertu de l'article 121-1 du code pénal qui prévoit que : « Nul n'est responsable que de son propre fait ».

* 6 Article 227-17 du code pénal.

* 7 Article 371-1 du code civil : « L'autorité parentale est un ensemble de droits et de devoirs ayant pour finalité l'intérêt de l'enfant. Elle appartient aux parents jusqu'à la majorité ou l'émancipation de l'enfant pour le protéger dans sa sécurité, sa santé et sa moralité, pour assurer son éducation et permettre son développement, dans le respect dû à sa personne. L'autorité parentale s'exerce sans violences physiques ou psychologiques. Les parents associent l'enfant aux décisions qui le concernent, selon son âge et son degré de maturité ».

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