EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La loi n° 2025-444 du 21 mai 2025 visant à harmoniser le mode de scrutin aux élections municipales afin de garantir la vitalité démocratique, la cohésion municipale et la parité, portée par Mme Élodie JACQUIER-LAFORGE, soulève plusieurs difficultés fondamentales qui compromettent sérieusement sa mise en oeuvre à l'occasion du prochain renouvellement municipal. La présente proposition de loi vise à accorder aux collectivités, et en particulier aux communes de moins de 1 000 habitants, le temps nécessaire pour anticiper les différents écueils qui se profilent et pouvoir les aborder sereinement.

Un grand nombre de petites communes subissent de plein fouet le caractère abrupt de cette réforme, qui intervient à moins d'un an des prochaines élections municipales. Ces communes, premiers échelons de la République, colonnes vertébrales de la ruralité, véritables poumons de nos campagnes, risquent l'asphyxie. Pire encore, c'est leur existence même qui est menacée si nous n'anticipons pas plusieurs problèmes majeurs posés par le dispositif adopté.

Il convient de rappeler que la loi n° 2025-444 précitée a été adoptée conforme en première lecture à l'Assemblée nationale à moins d'un an des échéances municipales. La Commission de Venise considère qu'un délai minimum d'un an constitue une règle essentielle à la démocratie. Bien que le risque d'inconstitutionnalité lié à ce grief ait été écarté par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2025-883 DC du 15 mai 2025, ce court délai n'est pas sans conséquence. En effet, l'examen du dispositif adopté laisse apparaître trois difficultés fondamentales qui n'ont été ni anticipées, ni convenablement appréhendées.

En premier lieu, la question de la complétude des listes.

L'article L. 2121-2 du code général des collectivités territoriales prévoit que les conseils municipaux concernés comptent de 7 à 15 membres. En application de la nouvelle rédaction de l'article L. 262 du code électoral, une liste est recevable si elle comprend au moins cinq candidats pour une commune de moins de 100 habitants, avec une composition strictement paritaire. Cela rend l'élection impossible dans les communes où le nombre de personnes éligibles est inférieur à cinq. Il est important de noter que ce nombre ne correspond pas au nombre d'habitants recensés par l'INSEE. Certaines communes rurales ne disposent tout simplement pas d'un vivier suffisant de candidats potentiels. Ce constat, aussi surprenant soit-il, traduit une réalité grave.

En second lieu, la question de la prime majoritaire.

L'article L. 262 prévoit l'attribution d'une prime majoritaire à la liste arrivée en tête au tour décisif. Le nouveau dispositif rend son application impossible dans le cas de listes incomplètes. Le mode de scrutin varierait alors d'une commune à l'autre, portant ainsi atteinte au principe d'égalité devant le suffrage. Dans notre système électoral, la prime majoritaire constitue un élément fondamental du scrutin de liste. Même si le système actuel peut être amélioré, une telle distorsion est inacceptable.

En troisième lieu, la question des disparités démographiques.

Dans les communes de moins de 500 habitants, et a fortiori dans celles de moins de 100 habitants, la parité se heurte à de fortes disparités de population entre hommes et femmes. Ces déséquilibres démographiques, parfois très prononcés, rendent matériellement impossible le respect strict de la parité.

Ensemble, ces trois difficultés posent un problème de taille pour nombre de communes qui ne bénéficient pas du temps nécessaire pour bien les anticiper. Or, l'objet de la mise en oeuvre du principe de parité n'est pas d'induire un redécoupage direct ou indirect des communes : il s'agit là de deux réformes différentes et distinctes mais c'est bien cela que nous risquons aujourd'hui.

Afin de corriger cette erreur, la présente proposition de loi prévoit, par un article unique, le report de l'application de la loi n° 2025-444 précitée au deuxième renouvellement communal suivant sa promulgation, soit aux élections municipales de 2032.

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