EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

64 euros par mois. 768 euros par an. C'est la somme qu'économise chaque mois un locataire parisien à la suite de la mise en place du dispositif d'encadrement des loyers, d'après une étude d'impact réalisée par l'Apur et publiée en avril 2024. Pour les plus petits logements (entre 8 et 18 m2), pour lesquels l'impact est le plus fort, cela représente un loyer de 10,2 % inférieur à ce qu'il serait sans l'encadrement des loyers. 

S'il n'est sans doute pas suffisant pour endiguer la hausse des loyers et la spéculation, ce dispositif est salutaire dans un contexte où les loyers ont été multipliés par 2,5 en France en 20 ans et où, pour les 10 % les plus pauvres, le logement représente plus de 30 % des dépenses.

De nombreuses collectivités s'en sont emparées : ce sont aujourd'hui 72 villes qui l'appliquent, et plusieurs autres comme Annemasse et Cergy qui sont en attente de l'arrêté préfectoral pour le mettre en place. La décision d'appliquer cette mesure a d'ailleurs un caractère transpartisan, puisque des collectivités de droite comme de gauche ont délibéré pour l'appliquer sur leur territoire. 

Or, la poursuite de cette mesure est menacée, parce qu'elle demeure légalement une expérimentation. Ainsi, depuis novembre 2022, aucune nouvelle collectivité ne peut en solliciter l'application. Plus préoccupant encore : en l'absence d'une intervention législative, l'encadrement des loyers cessera de s'appliquer en novembre 2026. Certaines collectivités n'auront alors eu que peu de temps pour en mesurer les effets, tandis que d'autres, comme Paris, où le dispositif a déjà fait ses preuves, se verraient privées d'un outil essentiel pour contenir la hausse des loyers. Dans les territoires d'outre-mer, où la crise du logement est gravissime, ce dispositif va enfin pouvoir être mis en place à la suite de l'adoption conforme par les deux chambres de la proposition de loi de Mme Audrey Belim, qui a été adoptée à l'unanimité par le Sénat le 5 mars dernier et par l'Assemblée nationale le 5 juin, dans le cadre de la niche parlementaire du groupe GDR.

Avec une telle unanimité pour ouvrir cette expérimentation aux collectivités d'outre-mer, qui en avaient été exclues du fait du calendrier de l'expérimentation, il serait aberrant que le dispositif ne soit pas sécurisé.

Cette proposition de loi a donc pour objectif de lever cette incertitude juridique en sécurisant l'ensemble des acteurs concernés : collectivités, locataires, mais aussi bailleurs, pour lesquels la stabilité du cadre légal est essentielle. Elle vise ainsi à pérenniser un dispositif qui a largement démontré son efficacité.

En effet, tous les éléments de bilan dont nous disposons montrent que sa fin brutale serait une catastrophe. Il est également nécessaire de mener une évaluation approfondie du dispositif en vue de l'améliorer, en le renforçant afin de continuer à protéger les locataires et d'assurer une meilleure régulation du marché locatif. Cela implique sa généralisation à l'ensemble des territoires volontaires ; la possibilité, lorsque cela est nécessaire, d'encadrer les loyers à la baisse ; un encadrement renforcé des compléments de loyer, souvent abusifs ; une clarification des compétences des collectivités locales, pour mieux faire respecter la loi et accompagner les locataires, et une réflexion ambitieuse sur l'encadrement du foncier, indispensable pour agir durablement sur le coût du logement.

Cette proposition de loi s'inscrit ainsi dans une démarche d'amélioration continue du dispositif d'encadrement des loyers, qui a démontré son efficacité et sa pertinence dans de nombreux territoires. Il aura vocation à être pérennisé, amélioré et renforcé pour continuer à protéger les locataires et pour assurer une meilleure régulation du marché locatif.

Comme on l'a montré plus haut, l'encadrement a un réel effet sur la baisse sur les loyers. Ainsi, il a permis une modération de la hausse des loyers de 4,2 % entre 2019 et 2023 à Paris. Les mêmes effets ont été observés à Lille ou encore à Lyon après la mise en place de ce dispositif. Et, lorsque cet encadrement a été suspendu en 2017 à Paris, les prix ont augmenté de manière très rapide, ce qui prouve que l'encadrement des loyers atteint son but de modération de la hausse des prix.

Par ailleurs, l'idée selon laquelle l'encadrement des loyers serait responsable d'une raréfaction de l'offre locative ne repose sur aucun fondement sérieux. Si la diminution de l'offre de logements à la location est bien réelle, elle n'est nullement propre aux territoires ayant instauré l'encadrement : elle affecte également des villes qui ne sont pas concernées par le dispositif, comme Toulouse, Nice ou Strasbourg. Ce phénomène de raréfaction s'explique donc par d'autres facteurs : la hausse des taux d'intérêt, le grippage du marché immobilier ou encore la concurrence des locations touristiques, mais aussi la multiplication des résidences secondaires et le nombre important de logements vacants, qui privent le parc locatif de biens disponibles.

Concernant le respect de cet encadrement, s'il est encore insuffisant, l'observatoire de l'encadrement des loyers mis en place par la Fondation pour le logement des défavorisés montre qu'au fil des années, l'encadrement est de mieux en mieux respecté. À Paris, 30 % des annonces analysées par la Fondation dépassent le loyer-plafond légal en 2024, 5 points de moins qu'en 2021. On perçoit aussi un progrès à Lyon-Villeurbanne (29 %), Lille (32 %), Bordeaux (26 %), Est-Ensemble (25 %) et Montpellier (14 %). Au total, dans l'ensemble des villes analysées, 28 % des annonces dépassent les loyers maximaux, un chiffre en baisse de 2 points par rapport à 2023 et de 4 points par rapport à 2022. Des mesures législatives peuvent néanmoins être envisagées pour mieux le faire appliquer et des démarches volontaristes, comme celle mise en place par la Ville de Paris qui communique largement, accompagne les locataires lésés et sanctionne par des amendes les propriétaires bailleurs qui contreviennent au cadre légal, doivent être encouragées.

Toutes les analyses sérieuses montrent donc que non seulement ce dispositif a un effet concret pour des millions de locataires, réduisant leurs dépenses de logement de plusieurs centaines d'euros par an, mais qu'il est de mieux en mieux appliqué et donc de plus en plus efficient. Il est donc plus que temps de pérenniser ce dispositif, actant que l'expérimentation a été concluante.

Cette proposition de loi se veut un outil à disposition du gouvernement et des parlementaires désireux de permettre aux collectivités qui le souhaitent de conserver ce dispositif d'utilité publique, et aux millions d'habitantes et d'habitants de notre pays qui sont locataires en zones tendues de ne pas être écrasés par des loyers excessivement élevés.

L'article unique de la proposition de loi prévoit ainsi de pérenniser le dispositif d'encadrement des loyers.

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