EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Depuis la dernière révision en 2014 de la directive européenne sur les produits du tabac, de nombreux produits se sont développés sur le marché français, dont les sachets de nicotine, qui échappent à la fois à la législation européenne mais également à la réglementation française. Considérés de fait comme des biens de consommation, leur commercialisation comme leur composition ne sont donc pas encadrées.

Face à ce vide juridique, la ministre chargée de la santé a récemment annoncé sa volonté d'interdire les produits contenant de la nicotine, à usage oral.

En effet, l'absence d'une limite maximale de nicotine dans le produit, l'absence d'interdiction de vente aux mineurs, l'absence de limitation des canaux de distribution ou encore l'absence d'obligation faite aux fabricants de notifier le produit à l'Agence nationale de sécurité sanitaire, de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES) constituent un réel danger pour la santé publique. L'ANSES relevait d'ailleurs dans son rapport de toxicovigilance de 2023 plusieurs cas d'intoxications par ingestion liées aux fortes doses de nicotine (jusqu'à 50 mg) avant d'appeler toutefois à la mise en place d'un cadre réglementaire européen1(*). La même année, un travail parlementaire mené par l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST)2(*) abondait en ce sens en appelant à mettre urgemment en place une réglementation dédiée au produit en France. Un récent rapport de la mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale (Mecss) de la commission des affaires sociales du Sénat, présenté par Élisabeth Doineau et Cathy Apourceau-Poly, encourageait lui aussi la mise en place d'un cadre de commercialisation plus élaboré3(*).

Afin de répondre à cette urgence, la mise en place d'un cadre réglementaire, à commencer par une limitation du taux de nicotine, permettrait de répondre efficacement à cette urgence sanitaire notamment en s'appuyant sur l'expertise des seules agences européennes à avoir produit des évaluations scientifiques sur le produit. En effet, le BfR (autorité allemande indépendante d'évaluation des risques) qui a conclu à une nocivité réduite des sachets par rapport à la cigarette, pointe le besoin d'encadrer le taux de nicotine dans les produits, à un niveau maximal de 16,6 mg/sachet4(*). De son côté, l'AFMPS (agence fédérale belge des médicaments et des produits de santé) fixe cette limite, par analogie avec le droit européen pour le vapotage, à 20 mg/sachet5(*). À l'occasion de l'examen du projet de loi de finances pour 2025, plusieurs amendements ont d'ailleurs été adoptés au Sénat visant à fiscaliser le produit, l'interdire quand il dépasse le seuil de 16,6 mg/sachet et à en confier la vente au seul réseau légal des buralistes. Ainsi, l'interdiction du produit annoncée par le Gouvernement, alors même que le ministère des comptes publics s'est montré favorable dans les dernières discussions budgétaires à confier un monopole exclusif et encadré aux buralistes, aurait pour principal effet que ses ventes se fassent en dehors du réseau légal.

De plus, l'interdiction d'un produit entraîne souvent le développement d'un marché parallèle incontrôlable, sur le même modèle que le trafic de drogue et de tabac. Ainsi en Belgique, après l'interdiction des sachets de nicotine, de nombreux produits présentant des taux de nicotine relativement élevés sont aujourd'hui présents sur le marché. La Finlande, qui avait dans un premier temps fait le choix d'interdire les sachets de nicotine, est revenue sur sa décision pour mettre en place un cadre réglementaire et fiscal, voyant les effets contre-productifs de cette interdiction (explosion des achats transfrontaliers).

Cette clandestinisation du marché pourrait ainsi accentuer les cas d'intoxications tout en permettant aux produits contrefaits de se développer, ce qui représenterait un nouveau danger pour la santé publique. Le danger que représente ce phénomène, observé sur les cigarettes contrefaites, a été récemment rappelé par le laboratoire des douanes françaises6(*) qui a décelé la présence de ciment, de sciures de bois, de plastiques, de morceaux de tissus, de cheveux, de poils, de déjections en plus de concentrations anormalement élevées d'arsenic, de mercure et de plomb.

Ainsi, l'absence d'évaluation scientifique française sur le produit ne devrait pas justifier l'application d'un principe de précaution qui aurait finalement des conséquences néfastes pour la santé publique. Le Gouvernement garderait par ailleurs la possibilité d'interdire le produit, une fois la communauté scientifique alignée sur le rapport bénéfice-risque du produit.

C'est pourquoi cette proposition de loi prévoit, par son article 1er, d'encadrer la commercialisation des sachets de nicotine en limitant leur distribution aux seuls buralistes.

L'article 2 vise à fiscaliser les sachets de nicotine dont le taux de nicotine n'excède pas 16,6 mg de nicotine.

L'article 3 crée dans le code de la santé publique un cadre réglementaire afin que la commercialisation du produit soit interdite si le taux de nicotine dépasse le seuil de 16,6 mg, que la vente du produit soit interdite aux mineurs, que la publicité sur le produit soit interdite et enfin que le produit soit notifié à l'ANSES afin que sa composition puisse être contrôlée par les autorités sanitaires.

Enfin, l'article 4 propose de renforcer les contrôles et les sanctions notamment en prévoyant des amendes fixées entre 45 000 et 100 000 euros pour les fabricants qui ne respecteraient pas la législation.

* 1 Rapport de l'ANSES relatif aux produits du tabac, produits connexes et arômes

* 2 Les Notes scientifiques de l'Office

* 3 Rapport d'information sur la fiscalité comportementale dans le domaine de la Santé

* 4 Health risk assessment of nicotine pouches

* 5 Les sachets de nicotine ne sont plus considérés comme des médicaments | AFMPS

* 6 Ce que contiennent les cigarettes de contrebande

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