EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Au cours des dernières années, dans le double souci d'assurer un contrôle adéquat du bon emploi des deniers publics et de répondre au besoin de transparence né de la dénonciation de certaines graves défaillances dans des établissements médico-sociaux, le législateur a étendu le périmètre des organismes susceptibles d'être contrôlés par la Cour des comptes.
Ce périmètre inclut désormais :
- les centres de santé ;
- les établissements et services de droit privé à caractère sanitaire, social ou médico-social et bénéficiant de financements publics ;
- et, depuis fin 2023, les groupes contrôlant ces établissements et services.
Or certains contrôles d'entités privées, en particulier de groupes, ont récemment donné lieu à des réticences, voire à des oppositions en matière de transmission de documents financiers à la Cour des comptes, engendrant des difficultés opérationnelles pour mener à leur bonne fin lesdits contrôles.
Face à une telle attitude, les possibilités d'action de la Cour sont, en pratique, limitées, les infractions pénales actuellement prévues (« délit d'obstacle »), de par leur sévérité et leur lourdeur, ne constituant pas le moyen approprié d'atteindre l'objectif, qui est moins de sanctionner que d'obtenir les documents demandés.
Pourtant, le droit de communication des juridictions financières, comme celui des autorités de contrôle de l'État, constitue le corollaire nécessaire de l'article 15 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen qui proclame l'obligation faite aux gestionnaires publics de rendre compte de leur administration. De fait, sans le droit effectif d'accéder à tous documents, données et traitements tel que prévu par la loi, les juridictions financières ne sauraient exercer leur mission.
C'est pourquoi le présent texte propose la mise en place d'un mécanisme de sanction spécifique en cas d'obstacle à l'exercice du droit de communication des juridictions financières et du Conseil des prélèvements obligatoires (CPO) afin de disposer d'une alternative rapide aux poursuites pénales et leur permettant d'obtenir les éléments nécessaires à la conduite de leurs missions.
Ce dispositif prendrait place dans une section du code des juridictions financières faisant partie du chapitre relatif aux compétences juridictionnelles de la Cour des comptes, mais distincte des sections relatives à la responsabilité financière des gestionnaires publics (RFGP) en raison des spécificités liées au champ des justiciables envisagés (personnes physiques et morales), à la procédure et aux sanctions applicables.
Le dispositif proposé pourrait être actionné en deux temps :
- soit le cas échéant, prononcé d'une injonction préalable par le procureur général près la Cour des comptes, fixant un délai pour la transmission des documents, données ou traitements demandés, ce délai ne pouvant être inférieur à trois jours, avant renvoi à la chambre du contentieux ;
- soit directement, renvoi par le procureur général devant la chambre du contentieux, qui statue en procédure accélérée.
Le plafond de l'amende susceptible d'être prononcée serait proportionné à la gravité des manquements constatés et ne pourrait excéder 15 000 euros ou, lorsqu'une injonction a été prononcée, 1 000 euros par jour de retard dans l'exécution de l'injonction.
L'amende pourrait être prononcée aussi bien à l'encontre de personnes physiques que de personnes morales.
De même, il est proposé de créer une section propre aux règles de procédure applicables devant la chambre du contentieux lorsque celle-ci examinera une affaire relative à l'obstacle à l'exercice du droit de communication.
Les règles spécifiques visent à assurer la résolution efficace et rapide de situations de blocage auxquelles se trouveraient confrontées les juridictions financières. Il est ainsi proposé un renvoi direct devant la chambre du contentieux, qui siège à juge unique.
Enfin, il est proposé que le délai d'appel ne soit pas suspensif s'agissant de cette infraction, afin d'éviter des appels de pure opportunité, qui ne feraient que prolonger le refus de communication des éléments nécessaires aux contrôles.