EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Une personne pouvant être enceinte sur trois a recours à un avortement dans sa vie.

Or, de nombreux·ses Français·e·s vivent dans des États où l'avortement est difficile d'accès, restreint, voire illégal. À travers le monde, 24 États l'interdisent complètement et dans de nombreux autres, il reste limité aux cas de viol, inceste, malformation du foetus ou encore danger pour la vie de la mère. Au total, ce sont près de 40 % des femmes en âge de procréer qui résideraient dans des pays où la législation sur l'avortement est restrictive, soit 700 millions de personnes.

Même dans des pays où ce droit fondamental semblait acquis, l'internationale réactionnaire a entraîné des reculs majeurs, en en restreignant l'accès ou en l'interdisant complètement. Le 24 juin 2022, la Cour suprême des États-Unis a annulé l'arrêt Roe vs Wade, qui accordait aux Américaines le droit d'avorter dans tout le pays, laissant les États fédérés libres d'interdire l'IVG. À ce jour, 14 ont prononcé son interdiction.

Dès lors, et bien que depuis le 8 mars 2024, la Constitution française fasse de l'accès à l'interruption volontaire de grossesse un droit fondamental, ce droit ne peut être garanti à tous·tes les Français·es résidant dans ces pays.

Par ailleurs, même lorsque l'avortement est légal dans le pays de résidence, il n'est pas rare que les professionnel·les de santé refusent de le pratiquer, comme en Italie par exemple où près de 90 % des médecins s'y refusent dans certaines régions pour des raisons religieuses.

Les Français·e·s résidant dans ces pays doivent pouvoir identifier les professionnel·les de santé de confiance réalisant des IVG.

Ainsi, et afin que ce droit fondamental puisse être garanti, il est nécessaire d'inclure dans les listes de notoriété médicale des chefs de postes consulaires, les médecins généralistes et obstétriciens-gynécologues acceptant de performer des IVG (article 1) et, lorsque la réalisation d'IVG est impossible dans le pays de résidence, la France doit rapatrier ses ressortissant·es ayant besoin d'un avortement (article 3).

Toutefois, les coûts de ces rapatriements étant très élevés pour l'État, permettre une IVG médicamenteuse directement dans le pays de résidence constitue la solution la plus simple ; à la fois plus accessible et moins coûteuse. Ainsi, afin que les Français·es établi·es dans un pays où leur vente n'est pas autorisée, puissent se procurer une pilule abortive lorsqu'elle a bien été prescrite par leur médecin, il ne sera désormais plus nécessaire qu'elles se rendent elles-mêmes en pharmacie pour se la voir délivrer - ce qui pouvait se révéler impossible, faute d'officine à proximité. Le médicament pourra être remis à une tierce personne en France, ou envoyé directement par voie postale (article 4). Pour les Françaises établies sur le territoire français également, cette disposition permettra un accès facilité, notamment dans des cas de mobilité réduite.

Afin que ces différentes options puissent être portées à la connaissance de la personne demandeuse, et afin de lui fournir l'accompagnement, l'information et l'orientation adéquats, les agents des services consulaires doivent bénéficier d'une formation spécifique (article 2).

Mais notre ambition ne doit pas s'arrêter là.

D'un côté, depuis 2018, les politiques publiques du ministère de l'Europe et des Affaires étrangères en matière d'égalité femme-homme se sont vues dotées de l'appellation de diplomatie féministe. De l'autre, alors que la France a maintenant affirmé, avec force et avec raison, que l'avortement est un droit fondamental, la responsabilité qui en découle est d'élargir ce droit au maximum.

C'est précisément l'objectif de cette proposition de loi que de s'aligner avec la position que revendique la France et de faire en sorte qu'à l'étranger aussi, et pas uniquement pour les ressortissantes françaises, ce droit soit plus accessible.

De même, dans la continuité de sa position sur la scène internationale, lors de la journée mondiale pour le droit à l'avortement en septembre 2024, le gouvernement français réitérait cette volonté : « la France réaffirme l'importance de défendre, partout dans le monde, le droit de chacun à pouvoir disposer librement de son corps ». Il affirme aussi, après que la France est devenue le premier pays dans le monde à inscrire l'IVG dans la Constitution, que « la dépénalisation universelle de l'interruption volontaire de grossesse est une priorité pour la France, qui est engagée en faveur de son inscription dans la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. »

Il découlerait logiquement de ces affirmations que les femmes et personnes étrangères pour qui l'avortement est interdit dans leur pays puissent bénéficier d'un accès sécurisé à l'avortement en France. L'avortement doit alors devenir un motif d'obtention de titre de séjour pour vie privée et familiale (article 5) tout comme un motif de droit d'asile (article 6).

Qui plus est, pour être à la hauteur de notre appellation de diplomatie féministe, et au-delà des dispositifs de ce texte, la France doit enfin allouer les moyens nécessaires à l'atteinte des objectifs d'égalité qu'elle vise. En effet, la majorité des fonds alloués à l'aide au développement ne vise finalement pas les femmes spécifiquement mais l'aide humanitaire dans sa globalité, quand bien même la France s'est engagée à ce qu'à l'horizon 2025, 75 % des projets financés par l'aide publique française favorisent l'égalité de genre. Pour cela, elle doit tant garantir la transparence et la redevabilité des investissements que renforcer les moyens dédiés, notamment ceux du Fonds de soutien aux organisations féministes (FSOF).

À l'heure où les droits des femmes et personnes pouvant procréer reculent partout dans le monde et notamment en Europe, il nous appartient de non seulement faciliter l'accès à l'interruption volontaire de grossesse aux Français·e·s établies partout dans le monde, mais également d'utiliser notre voix à l'international, accompagnée de mesures concrètes et de financements, afin que chacun·e puisse avoir un contrôle libre de son corps.

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