EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La crise de covid-19 a rappelé l'enjeu de disposer d'un stock stratégique national de produits de santé, de médicaments et dispositifs médicaux comme des masques, des blouses et des gants.

En France, l'Agence nationale de santé publique est chargée de la gestion des stocks pour protéger la population face à des menaces sanitaires graves ou pour faire face à des tensions aiguës sur les approvisionnements. Selon l'état de l'inventaire de Santé publique France (SPF) de janvier 2024, le stock stratégique inclut 2,1 milliards de masques, dont 1,35 milliard de masques chirurgicaux, 680 millions de masques FFP, 67 millions de masques pédiatriques et 100 000 masques FFP3.

Parmi eux, 706 millions sont déjà périmés et la totalité des masques acquis pendant la crise sanitaire sera périmée en 2026. Pour rappel, les masques chirurgicaux et les masques FFP2 acquis par l'État durant la pandémie ont coûté 1,2 milliard d'euros hors taxes.

Or, en l'état de la législation il est impossible pour l'Agence nationale de santé publique de céder gratuitement les produits acquis, notamment vers les établissements publics de santé en raison des dispositions actuelles du code général de la propriété des personnes publiques qui limitent les cessions matérielles entre entités publiques.

Par conséquent, les produits arrivant à péremption devront être détruits avec un coût budgétaire et environnemental significatif. À titre d'exemple, s'agissant des masques sanitaires, la seule économie liée au coût des opérations de destruction ou de recyclage s'élèverait en moyenne annuelle à environ 1 à 3 millions d'euros selon Santé Publique France.

Dans un contexte d'augmentation des dépenses de santé, il apparaît utile de veiller à la bonne gestion des deniers publics et d'éviter le gaspillage des stocks de masques qui pourraient être transférés gracieusement aux hôpitaux avant qu'ils arrivent à péremption.

Un amendement avait été adopté en ce sens lors de l'examen du projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2022 avant d'être censuré par le Conseil Constitutionnel1(*) considérant qu'il n'avait pas sa place dans une loi de financement et que cette mesure devait faire l'objet d'un véhicule législatif ordinaire.

Dans son rapport sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale de mai 2025, la Cour des comptes a consacré son chapitre VI à la gestion du stock stratégique de masques où elle recommande notamment de : « Faire évoluer le cadre juridique permettant la cession à titre gratuit des produits issus du stock d'État détenu par Santé publique France » et « d'organiser en période ordinaire le circuit de distribution des masques avant leur péremption, en fonction des besoins des hôpitaux publics »2(*).

Ce texte propose d'ajouter une nouvelle dérogation à l'interdiction de céder des biens à titre gratuit en permettant à l'Agence nationale de santé publique de céder à titre gratuit des biens acquis aux établissements, structures ou collectivités publics qui en ont besoin pour réduire le gaspillage lié à la péremption de masques.

Cette mesure de bon sens reprend les préconisations effectuées par la Cour des comptes, le Haut Conseil de la santé publique et n'obère en rien les réflexions en cours sur une nouvelle doctrine sur le niveau de stock de masques et sur les conditions de leur distribution.

Il s'agit de sortir d'une situation ubuesque et incompréhensible pour nos concitoyennes et nos concitoyens qui subissent les réductions des services publics de proximité au motif de la recherche d'économies.

Nous avons la conviction que sur cette proposition consensuelle, les parlementaires et le Gouvernement peuvent dépasser leurs clivages.

Tel est le sens de cette initiative.

L'article unique de cette proposition de loi modifie l'article L. 3212-2 du code général de la propriété des personnes publiques, qui fixe la liste des cessions de biens mobiliers qui peuvent être réalisées gratuitement, en y ajoutant les biens meubles de Santé publique France au profit des établissements publics de l'État, des collectivités territoriales, de leurs groupements et établissements publics, et des établissements publics de santé.

* 1 Décision n° 2021-832 DC du 16 décembre 2021.

* 2 https://www.ccomptes.fr/fr/publications/securite-sociale-2025.

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