EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
La justice est le coeur battant de la République ; c'est d'elle que dépend la confiance des citoyens dans l'État, la cohésion de la Nation et, au fond, le sentiment qu'il existe encore une règle commune qui protège les honnêtes gens et sanctionne ceux qui la violent. Mais depuis trop longtemps, la justice française souffre d'un déséquilibre : entre la fermeté nécessaire et les garanties légitimes, entre l'efficacité de la sanction et le respect du droit.
Au nom de la rapidité ou de l'émotion, on a peu à peu laissé s'installer des pratiques qui affaiblissent la lisibilité de la justice et nourrissent la défiance. Parmi elles, l'exécution provisoire d'une peine, c'est-à-dire la possibilité de mettre en oeuvre une condamnation avant même qu'elle ne soit devenue définitive, doit aujourd'hui être regardée en face.
Loin d'être un sujet technique, c'est un enjeu fondamental : celui du rapport entre la puissance de l'État et les libertés individuelles. Car l'exécution provisoire n'est pas une simple formalité procédurale. Elle engage la liberté d'un homme avant que la justice n'ait statué définitivement sur sa culpabilité. Elle touche à la présomption d'innocence, à la dignité humaine, à la confiance dans la parole du juge. Elle remet en cause profondément le double degré de juridiction, à savoir la faculté pour un justiciable de soumettre son litige devant un juge au niveau supérieur afin qu'il soit à nouveau statué en fait et en droit.
Il ne s'agit évidemment pas de désarmer la justice. Personne, sur nos bancs, ne veut d'une justice impuissante, lente ou paralysée. Nous savons que la République a besoin d'une justice forte, réactive, respectée. Mais la force véritable n'a jamais été dans la précipitation. Elle réside dans la clarté des règles, la solidité des décisions et la cohérence de la sanction.
Une justice forte, ce n'est pas une justice expéditive ; c'est une justice juste, assumée, et respectueuse des principes qui la fondent.
Depuis plusieurs années, l'extension de l'exécution provisoire a transformé une exception en habitude. On la prononce trop souvent, parfois sans motivation précise, parfois pour donner l'impression d'agir vite.
Mais agir vite ne veut pas dire agir bien. L'autorité ne se décrète pas dans l'urgence : elle se construit dans la durée, par la rigueur, par la justesse.
Le désordre dans la justice est le prélude au désordre dans la société. Lorsque les citoyens ne comprennent plus comment la justice agit, lorsqu'ils ont le sentiment que les décisions se contredisent ou s'exécutent avant d'être confirmées, alors c'est la légitimité de l'institution tout entière qui vacille.
L'idéal républicain a toujours défendu une idée simple : sans autorité, il n'y a pas de liberté ; sans justice stable, il n'y a pas de paix civile.
La présente proposition de loi vise donc à rétablir cet équilibre républicain :
- en encadrant strictement le recours à l'exécution provisoire ;
- en exigeant une motivation spéciale, fondée exclusivement sur la prévention d'un risque de réitération, de récidive, de fuite ou de trouble à l'ordre public ;
- en ouvrant un droit de recours effectif afin que le condamné puisse, dans un délai bref, demander l'arrêt de cette mesure avant que son sort ne soit définitivement scellé.
Il ne s'agit pas de protéger les coupables, mais de protéger la justice elle-même, de la préserver contre la tentation du réflexe ou de l'arbitraire. Parce que dans une République digne de ce nom, la justice n'est pas l'expression d'un sentiment, mais la traduction d'un principe.
Nous croyons qu'il n'y a pas de société forte sans un État fort, et pas d'État fort sans une justice crédible.
Nous croyons que l'ordre n'est pas un mot honteux, mais la condition même de la liberté. Et nous croyons que le respect du droit n'est pas une faiblesse, mais le socle de l'autorité.
Cette proposition de loi s'inscrit dans l'attachement à l'ordre républicain, au respect du juge, mais aussi à la protection des citoyens contre toute dérive.
Elle affirme que la justice doit rester humaine, mesurée, équilibrée, et que l'exécution d'une peine ne peut être décidée que lorsque la culpabilité a été définitivement établie, sauf cas exceptionnels rigoureusement encadrés.
Nous ne voulons ni d'une justice molle ni d'une justice aveugle. Nous voulons une justice ferme et loyale, respectueuse de la loi, digne de la République et capable de parler à tous les Français.
Parce qu'une démocratie forte, c'est une démocratie qui sait où elle met la limite entre la fermeté et l'arbitraire.
En réaffirmant ces principes, cette proposition de loi veut redonner du sens à la peine, de la force à la décision judiciaire et de la confiance à nos concitoyens.
C'est ainsi, et seulement ainsi, que la justice pourra redevenir ce qu'elle doit être : le bras ferme mais juste de la République.
Concrètement, l'article 1er encadre davantage le prononcé d'une exécution provisoire : elle devra désormais faire l'objet d'une motivation spéciale et avoir pour seul but de prévenir un risque de réitération, de récidive, de fuite ou de trouble à l'ordre public, conformément aux motivations qui animaient à l'époque l'introduction d'une telle mesure exceptionnelle.
L'article 2 ouvre un droit de recours contre les exécutions provisoires en matière correctionnelle en prenant le soin d'inclure les jugements qui auraient été rendus avant l'entrée en vigueur de la présente proposition de loi. Ce recours serait fait auprès du président de la chambre des appels correctionnels et non auprès du premier degré de juridiction de sorte à renforcer l'impartialité et l'indépendance de la décision statuant sur l'arrêt ou le maintien de l'exécution provisoire.