EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Face à l'expansion des réseaux criminels et du narcotrafic en France, sur laquelle avait notamment alerté la commission d'enquête sénatoriale dans son rapport remis en mai 2024, l'action publique a rapidement pris la mesure de l'ampleur du phénomène et a consolidé sa réponse pénale.

Le rapport rendu en 2019 par les députés Jean-Luc Warsmann et Laurent Saint-Martin sur la mission de l'Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (AGRASC) avait souligné le caractère particulièrement dissuasif des saisies et des confiscations et avait formulé des propositions visant à en simplifier le recours par les juridictions.

La loi n° 2024-582 du 24 juin 2024 améliorant l'efficacité des dispositifs de saisie et de confiscation des avoirs criminels de notre collègue député Jean-Luc Warsmann s'est inscrite dans cette droite continuité, en étendant les personnes publiques susceptibles de se voir affecter des biens mobiliers saisis et en créant une procédure de confiscation automatique de certains biens.

Malgré cela, le produit des saisies et confiscations reste toujours important. En 2023, le montant des saisies dépassait 1,4 milliard d'euros, soit + 87 % sur une année, tandis que celui des confiscations atteignait 175,5 millions d'euros. En 2024, ces montants s'élevaient à 1,35 milliard d'euros de saisies et 255 millions d'euros de confiscations.

Informé de la persistance de plusieurs obstacles procéduraux identifiés par l'AGRASC, l'auteur de la présente proposition de loi souhaite ainsi soumettre à l'examen du Parlement une série de mesures permettant de faciliter encore davantage les outils placés à disposition des magistrats dans l'application de la réponse pénale.

Par ailleurs, dans le cadre de ses travaux sur le rapport d'information sur les frais de justice (n° 3, 2025-2026), l'auteur de la proposition de loi avait été saisi de retards persistants de la rémunération des expertises mandatées par l'autorité judiciaire. En raison de l'aspect limitatif des frais de justice alloués en début d'exercice, les experts doivent attendre le début de l'exercice budgétaire suivant pour percevoir leur traitement, occasionnant ainsi d'importantes disparités entre juridictions et faisant courir le risque d'une désaffection des experts pour les prestations missionnées par la justice. Cette situation est particulièrement préjudiciable au bon déroulement de certaines procédures judiciaires dans lesquelles l'intervention d'un expert psychiatre ou d'un psychologue est prévue par la loi.

La présente proposition de loi introduit aussi un délai raisonnable de paiement et prévoit la désignation dans chaque cour d'appel d'un expert référent pour les frais de justice désigné par le président de juridiction.

L'article 1er vise à favoriser le droit des victimes avec la possibilité de leur restituer des sommes saisies sur des comptes bancaires dans le cadre d'escroquerie faisant l'objet d'enquêtes préliminaires dirigées par le Parquet. Il harmonise les deux régimes relatifs à la restitution des objets placés sous main de justice avant jugement, prévus aux articles 41-4 et 99 du code de procédure pénale, en permettant au procureur de la République de restituer ou faire restituer ces objets à la victime de l'infraction dans le cadre de l'enquête comme cela est permis pour le juge d'instruction.

L'article 2 offre au procureur de la République la possibilité d'ordonner la destruction des véhicules saisis ou confisqués, dont l'estimation est inférieure à 1 500 euros. Les frais de gardiennage et de stockage de ces véhicules, qui peuvent monter à plusieurs dizaines d'euros par jour, excèdent ainsi rapidement le gain susceptible d'être récupéré par l'Agence dans le cadre d'une vente.

L'article 3 permet au juge de prononcer l'exécution provisoire de la décision de remise de biens à l'AGRASC pour une vente immédiate sans attendre l'épuisement des recours, dans le but d'accélérer les procédures et de régler les frais afférents.

L'article 4 autorise la vente avant jugement des cryptoactifs au moment de leur saisie pour figer dans le temps la valeur du bien. La volatilité importante de leur cours fait peser un risque important d'action en responsabilité de l'État dans la mesure où la saisie rend le bien indisponible alors que ce dernier n'a aucun caractère probatoire et que l'on souhaite en figer la valeur. Elle pose également d'importants problèmes en matière de gestion et en cas de restitution compte tenu de l'impossibilité d'informer les créanciers publics.

L'article 5 a pour objet de pouvoir exécuter plus vite les décisions de confiscations rendues à l'encontre des individus en fuite, avec une publicité de la décision sur le site internet du ministère de la justice, qui vaudrait notification à personne et permettrait d'exécuter les confiscations.

L'article 6 prévoit la fixation d'un délai raisonnable de paiement des experts missionnés par les juridictions, fixé à 180 jours, avec une révision du circuit de traitement des demandes qui nécessiterait la prise d'un décret d'application par l'autorité réglementaire. Il prévoit aussi une revalorisation des indemnités et une simplification de la gestion administrative, avec l'unification des statuts social et fiscal des experts judiciaires. Ces mesures permettraient de simplifier les procédures pour l'administration et opéreraient des recettes supplémentaires de TVA pour le budget de l'État.

L'article 7 prévoit la désignation dans chaque cour d'appel d'un expert-référent chargé des frais de justice, avec pour bénéfice une réduction des coûts pour l'État grâce un allègement de la charge de travail des greffes experts et une centralisation des échanges des juridictions avec les différentes catégories d'experts.

Tel est l'objet de la présente proposition de loi.

Partager cette page