EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

À partir de 1972 - alors que la France avait atteint le triste record de 18 000 victimes de la route -, les gouvernements successifs ont adopté une politique de sécurité routière qui s'est avérée efficace dans la durée. Pendant plusieurs décennies, le nombre de victimes de la route n'a cessé de diminuer en France : moins de 10 000 morts en 1992, près de 8 000 en 2000, environ 6 000 en 2003, jusqu'à atteindre 3 170 en 2023.

Ces résultats sont le fruit d'une série d'actions progressivement mises en oeuvre depuis 50 ans, du port obligatoire de la ceinture de sécurité au permis à points, en passant par les limitations de vitesse sur les voies de circulation ou les innombrables campagnes de sensibilisation à destination des automobilistes. Parallèlement, les véhicules ont fait des progrès significatifs en sécurité passive et active, le réseau routier s'est modernisé, et la rapidité d'intervention ainsi que l'efficacité des secours d'urgence sur les lieux des accidents se sont améliorées.

Toutefois, le nombre de décès sur les routes françaises tend à stagner entre 3 000 et 3 500 par an depuis près d'une décennie. Malgré les résultats incontestablement significatifs produits par cette politique de sécurité routière, une marge de progression subsiste : l'enjeu est désormais de réussir à passer durablement sous la barre symbolique des 3 000 morts par an.

L'évolution ainsi décrite met en lumière la pertinence de l'intitulé du colloque organisé le 20 mars 2024 avec la Ligue de Défense des Conducteurs, à l'Assemblée nationale : « 3 500 morts par an sur les routes depuis 10 ans : maintenant, on fait quoi ? ».

Une telle interrogation oblige d'abord à établir un diagnostic sans concession de la situation nationale en matière de sécurité routière, en questionnant toutes les mesures qui ont été prises depuis environ 25 ans, période où Jacques Chirac, président de la République, a érigé la sécurité routière en chantier prioritaire. Il convient de réévaluer les politiques mises en oeuvre pour déterminer les pistes d'amélioration qui permettront de franchir un nouveau palier.

Plusieurs facteurs continuent de poser des défis importants en matière de sécurité routière.

L'usage de stupéfiants et d'alcool reste un facteur aggravant significatif. Un accident sur cinq implique un conducteur positif à la prise de stupéfiants. Cette part passe à un accident sur trois la nuit, au cours des week-ends. Parmi les conducteurs positifs aux stupéfiants impliqués dans un accident mortel, la moitié présente également une alcoolémie supérieure à 0,5 g/l de sang. Nicolas Simon, professeur de médecine spécialisé en addictologie, est catégorique : le cocktail drogue-alcool multiplie par 29 le risque d'avoir un accident mortel.

La fatigue et l'inattention, souvent due à l'usage du téléphone au volant, même avec le Bluetooth, contribuent également à la sinistralité.

En outre, l'état des infrastructures routières, mis en cause dans près de 30 % des accidents mortels, et des véhicules demeure un enjeu crucial.

La diversité des territoires impose une adaptation locale des politiques de sécurité routière. Il est essentiel de prendre en compte les spécificités de chaque département pour que les mesures adoptées soient véritablement efficaces. L'exemple de la limitation de vitesse à 90 km/h ou 80 km/h sur les routes départementales, selon les besoins, est particulièrement éloquent.

Lors des discussions, il a été signalé que la transparence des données d'accidentologie entre les différents constructeurs automobiles pourrait aussi permettre de mieux comprendre les causes des accidents et de mettre en place des actions préventives ciblées.

Un aspect plus méconnu a été abordé, celui des risques liés à la chute de blocs de glace qui se détachent des bâches des camions l'hiver, en particulier dans les régions montagneuses. Ce danger, bien que peu identifié dans les statistiques, représente une menace réelle et mérite une coopération accrue avec les autres pays européens pour développer des solutions techniques visant à prévenir ce type d'accident, notamment en dégivrant systématiquement l'eau accumulée sur le toit des camions.

Face à ces enjeux, il est proposé d'appeler le Gouvernement à réaliser un audit des politiques de sécurité routière menées au cours des vingt-cinq dernières années. Cet audit permettra d'évaluer les résultats obtenus, de mesurer l'efficacité des moyens déployés et d'identifier les pistes d'amélioration. De nouvelles mesures doivent être proposées pour réduire encore plus significativement le nombre de victimes sur les routes françaises.

La présente résolution vise à renforcer l'engagement collectif en faveur d'une sécurité routière accrue, afin de protéger des vies humaines et d'éviter que d'autres familles ne soient touchées par les drames de la route. Il est de notre devoir de poursuivre cet objectif avec détermination et de mobiliser tous les moyens nécessaires pour y parvenir.

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