EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
La proposition de règlement COM(2025) 101 final a été présentée par la Commission européenne le 11 mars 2025 afin d'actualiser les règles européennes applicables concernant le retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier dans un État membre de l'Union européenne, posées par la directive 2008/115/CE1(*), dite « directive retour » (I).
En réponse à la demande des États membres, la proposition de règlement COM(2025) 101 final tend à remplacer la « directive retour » par un cadre normatif nouveau uniformisant les pratiques des États membres pour renforcer le taux d'exécution des éloignements d'étrangers en situation irrégulière (II).
Toutefois, cette proposition de règlement suscite plusieurs interrogations au regard des principes de subsidiarité et de proportionnalité (III).
I. Les interrogations sur l'efficacité de la politique des retours des migrants en situation irrégulière dans un État membre de l'Union européenne conduisent aujourd'hui à une demande d'adaptation des règles européennes
A) La directive 2008/115/CE pose aujourd'hui des règles européennes minimales
La directive 2008/115/CE est entrée en vigueur en 2010. Elle est une directive d'harmonisation minimale qui s'applique sans préjudice de dispositions nationales plus favorables. Elle doit respecter les droits fondamentaux, en particulier, « l'intérêt supérieur de l'enfant »2(*), la vie familiale3(*) et l'état de santé du ressortissant devant faire l'objet d'une décision de retour.
Elle doit aussi respecter le « principe de non-refoulement », posé par la Convention de Genève des Nations-Unies (28 juillet 1951)4(*) pour protéger les réfugiés.
1) Les principales dispositions de la directive 2008/115/CE
a) Une définition européenne du « retour »
Le premier apport de la directive est de définir ce qu'est le « retour ». Ce dernier est défini comme « le fait, pour le ressortissant d'un pays tiers, de rentrer -- que ce soit par obtempération volontaire à une obligation de retour ou en y étant forcé, soit, dans son pays d'origine », soit « dans un pays de transit conformément à des accords ou autres arrangements de réadmission communautaires ou bilatéraux », soit, encore, « dans un autre pays tiers dans lequel le ressortissant concerné d'un pays tiers décide de retourner volontairement et sur le territoire duquel il sera admis ».
En pratique, une « décision de retour » doit être prise par une autorité ou juridiction compétente, à savoir « une décision ou un acte de nature administrative ou judiciaire déclarant illégal le séjour d'un ressortissant d'un pays tiers et imposant ou énonçant une obligation de retour ». Cette décision entraîne en principe l'« éloignement » du ressortissant concerné, c'est-à-dire, « l'exécution de (son) obligation de retour, à savoir le transfert physique hors de l'État membre ».
b) La directive prévoit un délai pour le retour volontaire des migrants irréguliers avant tout éloignement par la contrainte
Conformément à la « directive retour », une personne visée par une décision de retour doit être destinataire d'une décision écrite et motivée. En principe, à sa demande, elle doit aussi pouvoir bénéficier d'une traduction dans une langue qu'elle comprend5(*). Cette décision peut également confirmer la fin du séjour régulier de l'intéressé.
En principe, la décision doit aussi fixer à l'égard du ressortissant concerné un délai de retour volontaire, qui peut varier entre 7 jours et 30 jours à compter de la notification de la décision, ce qui signifie qu'aucun départ n'est possible dans les 7 premiers jours. La période de 30 jours peut être prolongée en fonction des circonstances6(*). Par exception, la directive prévoit que les États membres « peuvent s'abstenir » d'accorder un tel délai dans trois circonstances : risque de fuite de la personne visée par la décision de retour ; rejet d'une demande de séjour manifestement infondée ou frauduleuse ; danger pour l'ordre public, la sécurité publique ou la sécurité intérieure7(*).
Puis, lorsque la décision de retour n'a pas accordé de délai de retour volontaire à une personne ou que cette dernière a refusé d'obtempérer, les États membres peuvent prendre « toutes les mesures nécessaires » pour l'exécution de la décision. Parmi ces mesures, le recours à la coercition est possible, mais les mesures prises doivent alors être « proportionnées » et mises en oeuvre conformément aux droits fondamentaux.
Les décisions de retour peuvent être assorties d'une décision d'interdiction d'entrée (dans les États membres de l'Union européenne) si aucun délai n'a été accordé à la personne concernée pour un départ volontaire ou si ce délai de départ volontaire n'a pas été respecté. La durée maximale d'une telle décision est de cinq ans.
c) Les étrangers en situation irrégulière faisant l'objet d'une décision de retour bénéficient du droit de contester cette décision et de droits procéduraux
La personne faisant l'objet d'une décision de retour est en droit de la contester devant une autorité administrative ou une juridiction indépendante. Celle-ci peut alors suspendre temporairement l'exécution de la décision.
L'intéressé doit alors avoir la possibilité de bénéficier d'un conseil juridique et d'une représentation juridique et, en cas de besoin, d'une assistance linguistique (qui peuvent être gratuits si la législation nationale le prévoit)8(*).
Enfin, plusieurs principes fondamentaux sont applicables aux ressortissants de pays tiers visés par une décision de retour : maintien de l'unité familiale, droits aux soins médicaux d'urgence et au traitement indispensable des maladies, accès des mineurs au système éducatif de base, prise en compte des besoins particuliers des personnes vulnérables9(*).
d) En dernier ressort, un ressortissant de pays tiers en situation irrégulière dans un État membre et faisant l'objet d'une décision de retour peut faire l'objet d'une mesure de rétention
La directive 2008/115/CE ouvre la possibilité aux autorités administratives ou judiciaires d'un État membre de placer en rétention administrative un étranger en situation irrégulière faisant l'objet d'une décision de retour.
Deux cas sont explicitement visés par l'article 15 de la directive : le risque de fuite de la personne concernée ou le constat que cette dernière fait tout pour empêcher la procédure d'éloignement.
Le placement en rétention administrative est également soumis à deux conditions cumulatives :
- en premier lieu, d'autres « mesures suffisantes, mais moins coercitives » ne peuvent pas être appliquées à l'intéressé ;
- en second lieu, l'intéressé fait obstacle à la préparation de son retour ou à son éloignement.
La rétention doit être ordonnée par une décision écrite. Et si la décision résulte d'une autorité administrative, sa légalité doit pouvoir faire l'objet d'un contrôle juridictionnel accéléré. Par la suite, elle doit faire l'objet de réexamens « à intervalles raisonnables ».
Enfin, mineurs et familles ne doivent être placés en rétention qu'en « dernier ressort » et moyennant des aménagements.
2) Les dispositions en vigueur dans le droit français
Allant au-delà d'une transposition stricte de la directive 2008/115/CE, les très nombreuses modifications du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA), parfois sous l'impulsion du Conseil constitutionnel, ont mis en place des procédures plus nombreuses et plus complexes que celles exigées par le droit de l'Union européenne, en particulier, en scindant les ressortissants de pays tiers en de nombreuses catégories obéissant à des règles spécifiques ou en multipliant les délais et les interventions du juge dans la procédure de rétention.
a) Un régime de l'éloignement particulièrement complexe
Le droit français distingue plusieurs types de décisions d'éloignement, dont toutes ne relèvent pas du champ de la directive « retour » : l'obligation de quitter le territoire français (ou OQTF)10(*), qui peut être assortie d'une interdiction de retour sur le territoire français11(*), l'expulsion12(*), la peine d'interdiction du territoire français13(*), l'interdiction administrative du territoire14(*), l'interdiction de circulation sur le territoire français prise à l'encontre d'un citoyen de l'Union européenne ou assimilé15(*), la remise d'un ressortissant de pays tiers aux autorités d'un autre État membre de l'Union européenne16(*).
Les procédures les plus communément mises en oeuvre sont :
· L'OQTF
En France, le ressortissant de pays tiers installé irrégulièrement peut faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français (OQTF), prise par le préfet17(*). Cette dernière doit être écrite, en principe motivée et notifiée à l'intéressé. Elle peut être exécutée d'office.
Les catégories d'étrangers protégés contre une OQTF, assez nombreuses jusqu'à l'adoption de la loi n° 2024-42 du 26 janvier 2024 « pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration » 18(*), ont été réduites à la seule exclusion des mineurs de dix-huit ans19(*).
L'OQTF peut être prononcée pour la mise en oeuvre d'une décision d'éloignement exécutoire prise par un autre État membre de l'Union européenne ou par un État avec lequel s'applique l'acquis de Schengen 20(*).
Comme le prévoit la directive, la décision portant OQTF fixe en principe un délai de départ volontaire, qui a été uniformément fixé à 30 jours21(*) et peut imposer certaines obligations visant à éviter tout risque de fuite de l'intéressé pendant la période de départ volontaire (obligation de se présenter régulièrement aux autorités, de déposer une garantie financière adéquate, de remettre des documents ou de demeurer en un lieu déterminé) ;
En outre, une interdiction de retour sur le territoire français (IRTF)22(*), valable en principe pour une durée de cinq ans :
- est prononcée à l'encontre d'un étranger en situation irrégulière faisant l'objet d'une OQTF et qui ne s'est pas vu accorder un délai de départ volontaire ou qui est resté en France après l'expiration de ce délai ;
- peut être prononcée dans les autres cas.
· L'expulsion
L'expulsion est décidée par l'autorité administrative (préfet ou ministre de l'intérieur) à l'encontre d'un étranger âgé de plus de 18 ans en situation irrégulière et représentant une menace pour l'ordre public.
Avant toute décision d'expulsion, la personne visée doit être convoquée par une commission d'expulsion, composée du président du tribunal judiciaire du département concerné, d'un magistrat désigné par l'assemblée générale de ce tribunal et d'un conseiller de tribunal administratif, afin d'être entendu. Les débats sont publics et portent sur les faits reprochés, sur la caractérisation de la menace, ainsi que sur la situation de la personne.
La commission d'expulsion rend ensuite un avis sur le projet d'expulsion (en principe dans un délai d'un mois).
De là, si une décision d'expulsion est prise, la personne visée peut être renvoyée de force hors de France, sauf si une décision de justice l'interdit. La décision d'expulsion précise s'il s'agit d'une expulsion immédiate ou d'une expulsion différée.
· La peine d'interdiction du territoire français
L'interdiction du territoire français (ITF) est une peine complémentaire qui peut être prononcée par le juge pénal, à titre définitif ou pour dix ans au plus, contre un étranger coupable d'un crime ou d'un délit puni d'une peine d'emprisonnement d'une durée supérieure ou égale à trois ans ou d'un délit pour lequel cette peine est prévue (articles L. 131-30 et L. 131-30-2 du code pénal).
L'interdiction du territoire entraîne de plein droit la reconduite de la personne condamnée à la frontière, le cas échéant à l'expiration de sa peine d'emprisonnement ou de réclusion.
En vertu du b) du paragraphe 2. de l'article 2 de la directive « retour », ces dispositions ne sont pas obligatoirement applicables aux sanctions pénales « prévoyant ou ayant pour conséquence » le retour d'un ressortissant d'un pays tiers, à l'instar de l'ITF.
· La remise aux autorités d'un autre État européen
Il s'agit d'une décision administrative prise par le préfet qui doit être motivée. Elle prévoit la remise d'un étranger en situation irrégulière aux autorités compétentes d'un autre État européen, en application de conventions internationales ou du droit de l'Union européenne (ex : ressortissant de pays tiers séjournant irrégulièrement en France en provenance d'un autre État membre ou d'un autre État partie à la convention Schengen ou en violation de cette convention).
b) Un régime de rétention administrative bien plus restrictif
La personne qui fait l'objet d'une décision d'éloignement peut être assignée à résidence dans les conditions prévues aux articles L. 731-1 et suivants du CESEDA.
Cette assignation à résidence est organisée aux frais de la personne concernée dans un lieu choisi par l'administration. Elle vise à permettre l'exécution d'une décision d'éloignement ou à s'adapter à un report de cette exécution. Elle court en principe pour une durée maximale de 45 jours, renouvelable deux fois (soit 135 jours) ; dans certains cas, sa durée maximale peut aller jusqu'à un an23(*), voire ne pas être limitée dans le temps24(*).
Cependant, l'autorité administrative compétente peut plutôt décider de placer un ressortissant de pays tiers faisant l'objet d'une OQTF en rétention administrative si l'intéressé n'offre pas de « garanties de représentation effectives propres à prévenir un risque de soustraction à l'exécution de la décision d'éloignement et qu'aucune autre mesure n'apparaît suffisante » pour assurer cette exécution25(*).
Par exception, un étranger mineur, même accompagnant un majeur, ne peut pas être placé en rétention26(*).
Ce temps de rétention doit être « strictement nécessaire » au départ de la personne concernée. La période de rétention doit s'effectuer dans un centre fermé ou, à défaut, dans une zone isolée d'un établissement pénitentiaire.
La durée de rétention est en principe de quatre jours27(*) mais elle peut être ensuite prolongée plusieurs fois28(*) par le magistrat du siège du tribunal judiciaire compétent si l'OQTF n'a pas pu être exécutée dans les délais requis29(*), à condition que la durée maximale de la rétention n'excède pas quatre-vingt dix jours30(*).
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3) Le bilan mitigé de la mise en oeuvre de la directive 2008/115/CE
Dans l'exposé des motifs de sa nouvelle proposition de règlement31(*), la Commission européenne souligne la nécessité d'une « politique crédible et efficace en matière de retour » car « lorsque des personnes en séjour irrégulier restent sur le territoire de l'Union européenne, l'ensemble du système de migration est d'asile est compromis ». Cela « encourage les arrivées illégales et expose les personnes en séjour irrégulier à des conditions précaires et à l'exploitation par des réseaux criminels ».
Or, à l'heure actuelle, « seuls quelques 20 % des ressortissants de pays tiers ayant reçu l'ordre de quitter l'Union (européenne) obtempèrent ». Dans ses chiffres pour le dernier quart de l'année 2024, Eurostat avance plutôt un taux de 24,6 %32(*). Néanmoins, dans les deux cas, force est de constater que ce taux d'exécution des décisions de retour est faible.
En France, ce taux est encore plus bas. Si l'on se fie aux données mentionnées par M. Didier Leschi, directeur général de l'Office Français de l'Immigration et de l'Intégration (OFII)33(*), il était, en 2024, de 20 000 retours effectifs sur 140 000 décisions de retour prononcées (soit un taux voisin de 14,6 %). Le Premier ministre, François Bayrou, a, quant à lui, évoqué un taux de 7 % d'exécution des OQTF lors de sa déclaration de politique générale du 14 janvier 2025.
Certes, comme le souligne le ministère de l'intérieur, ces taux sont à utiliser avec précaution car les décisions d'éloignement prononcées et les mesures exécutées recensées n'ont pas le même champ d'application. D'une part, toutes les mesures d'exécution ne sont pas recensées (seules celles prises et mises en oeuvre par le ministère de l'intérieur le sont. A contrario, le départ du territoire français d'un étranger sous OQTF pour un autre État membre de l'espace Schengen ne le sera pas).
D'autre part, le processus d'adoption et de mise en oeuvre des décisions d'éloignement demeure parfois inachevé : le ministère de l'intérieur estime ainsi qu'en 2023, 17 % des décisions adoptées étaient devenues non exécutoires ou n'avaient plus lieu d'être34(*). Or, le taux d'exécution des mesures d'éloignement ne peut être valablement calculé que par rapport aux mesures effectivement exécutoires.
Enfin, si chaque mesure exécutée correspond effectivement à l'éloignement d'une personne, les décisions adoptées peuvent se cumuler dans le temps sur une même personne, à l'exemple d'une OQTF et d'une interdiction (judiciaire) de territoire français.
Malgré ces précautions, ce taux demeure un indicateur même imparfait de procédures de retour et de leur efficacité largement perfectible. Au niveau européen, deux explications principales peuvent être avancées :
- en premier lieu, les États membres ont rencontré des obstacles dans les procédures de retour qui ont compromis leur bonne exécution. À cet égard, la Commission européenne estime que, malgré les progrès accomplis par les États membres, les procédures de retour actuelles sont complexes, du fait d'un « manque de clarté des règles » et de la « longueur des procédures administratives »35(*). Le document de travail publié par la Commission européenne36(*) le 16 mai 2025 explique également cette complexité par la jurisprudence foisonnante de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) sur la directive « retour » (66 jugements sur ce texte depuis 2008 !). En complément, ce document relève des lacunes dans le partage d'informations entre autorités compétentes, ainsi que des divergences entre ces dernières sur le calendrier et le contenu des décisions de retour... Il faut y ajouter, selon la Commission européenne, une faible croissance des retours volontaires et une mise en oeuvre insuffisante des retours forcés, ce qui nuit à la crédibilité de la politique de retour et facilite un risque de fuite des étrangers faisant l'objet d'une décision de retour dans un État membre vers un autre État membre (« mouvements secondaires ») : ainsi 261 700 mouvements secondaires ont été détectés dans l'Union européenne en 2024. Ce constat a été partagé en 2020 par le Parlement européen dans sa résolution sur la mise en oeuvre de la directive37(*) ;
- en second lieu, l'efficacité de la politique de l'Union européenne dépend également de la coopération des pays d'origine des migrants irréguliers et des pays de transit. Or, selon la Commission européenne, cette coopération est « insuffisante » avec certains de ces pays, lorsque ces derniers refusent de délivrer les informations ou documents nécessaires au retour de leurs ressortissants, font délibérément obstacle au bon déroulement de la procédure ou refusent, contre leurs obligations de droit international, la « réadmission de leurs ressortissants »38(*). De même, lors de sa déclaration précitée, le Premier ministre français soulignait que l'exécution des OQTF ne « dépend pas principalement de la volonté du Gouvernement. Elle dépend principalement du refus des pays d'origine d'accueillir leurs ressortissants lorsqu'ils sont obligés de quitter notre territoire ».
B) La réforme avortée de 2018 et les compléments apportés à la politique de retour
1) La « refonte » avortée de la directive retour en 2018
En septembre 2018, la Commission européenne a présenté une « refonte » ambitieuse de la directive 2008/115/CE (proposition de directive COM(2018) 634 précitée). En effet, cette proposition prévoyait en particulier :
- l'établissement d'une liste de critères européens pour caractériser les risques de fuite et mouvements secondaires non autorisés d'un migrant faisant l'objet d'une décision de retour dans un État membre ;
- l'obligation, pour le ressortissant de pays tiers visé par une décision de retour, de coopérer avec les autorités compétentes en charge de son application ;
- la nécessité, pour les autorités compétentes, d'adopter une décision de retour immédiatement après leur décision de mettre fin au séjour régulier d'une personne sur le territoire de l'État membre concerné ;
- la suppression du délai minimal de 7 jours à compter de la notification d'une décision de retour pour le retour volontaire ;
- la facilitation des échanges d'informations entre autorités compétentes en charge des retours par un système commun d'information relié à l'agence européenne de grade-frontières et de garde-côtes, Frontex ;
- l'octroi de garanties suffisantes pour qu'un migrant faisant l'objet d'une décision de retour puisse effectivement contester cette dernière par un recours contentieux (délai de 5 jours pour déposer ce recours, effet suspensif automatique du recours dans le cas où la compatibilité entre la procédure concernée et le principe de non-refoulement n'a pas pu être examinée...) ;
- l'extension aux cas de menaces pour l'ordre public ou la sécurité nationale des situations permettant le placement d'une personne en rétention administrative ;
- l'instauration d'une procédure de retour simplifiée à la frontière.
Cependant, si cette proposition a été validée par le Conseil de l'Union européenne, elle n'a jamais pu être adoptée par le Parlement européen, alors très divisé sur ce dossier.
2) Une action européenne destinée à renforcer le nombre de retours
Ne trouvant pas d'accord pour une révision globale de la directive « retour », les États membres et l'Union européenne ont, par défaut, procédé au réaménagement « au fil de l'eau » du cadre normatif européen, sous une pression politique constante, alors que les franchissements irréguliers des frontières extérieures de l'Union européenne augmentaient sensiblement entre 2016 et 2023.
Quatre réformes principales doivent être signalées à cet égard :
- Le mandat de l'agence Frontex, agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes, a été renforcé pour lui confier un rôle plus important dans les opérations de retour. Frontex a désormais une mission étendue de coordination et de soutien (financier, logistique, opérationnel) des opérations de retour des États membres39(*). Elle peut même déployer des équipes affectées aux opérations de retour, de sa propre initiative et avec l'accord de l'État membre concerné ou à la demande de ce dernier ;
- La Commission européenne a présenté, le 10 février 2021, une stratégie européenne du retour volontaire40(*). Cette dernière a prévu la nomination d'un coordinateur de l'Union européenne chargé des retours, la mise en place de nouveaux outils (outil d'aide à la réintégration, programme de formation pour les conseillers « retour »...) et un renforcement du soutien financier de l'Union européenne aux retours volontaires, qui sont plus efficaces et moins coûteux que les retours forcés pour les États membres41(*) ;
- Les États membres et l'Union européenne s'emploient également à créer des partenariats mutuellement avantageux avec des pays tiers. Ils ont fait du développement de la dimension externe de la politique migratoire une priorité politique et présentent désormais un « front uni » face aux pays tiers d'origine et de transit des migrants irréguliers, afin de négocier avec eux des accords mutuellement bénéfiques. Dans ces accords, les pays tiers concernés s'engagent à prévenir les départs de migrants irréguliers vers l'Europe, moyennant un soutien financier, ainsi que des coopérations dans des politiques sectorielles, mais aussi, en cas de réticence, des restrictions dans l'octroi de visas à ses nationaux.
En pratique, cette dimension a connu un véritable essor pendant la présidence française de l'Union européenne (PFUE), en 2022, avec la mise en place du Mécanisme de coordination opérationnelle de la dimension extérieure des migrations (Mocadem), structure de coordination souple regroupant les États membres, le Service européen pour l'action extérieure (SEAE) et la Commission européenne, pour établir des évaluations conjointes des « pays tiers cibles » et définir ensemble les leviers opérationnels pour agir auprès d'eux.
À titre d'exemple, un mémorandum d'entente sur un partenariat stratégique global entre l'Union européenne et la Tunisie a été signé le 16 juillet 2023. Ce partenariat repose sur l'engagement de la Tunisie à bloquer les départs de migrants irréguliers vers l'Europe depuis ses ports, moyennant le développement de la coopération bilatérale dans les domaines de l'agriculture, de l'économie circulaire ou du numérique (projet Medusa d'interconnexion sous-marine) et un soutien financier (appui budgétaire de 150 millions d'euros versés en mars 2024).
- Enfin, dans le cadre du règlement (UE) 2024/134842(*), adopté dans le cadre du pacte européen sur la migration et l'asile (voir encadré infra), une procédure de retour à la frontière inédite a été adoptée.
Cette procédure inédite de retour à la frontière concernera les migrants ayant fait l'objet d'une procédure d'asile à la frontière43(*) et dont la demande d'asile aura été rejetée. Elle imposera aux intéressés de résider à la frontière, ou dans une zone de transit, ou à proximité, et devra avoir une durée maximale de douze semaines. Ils disposeront cependant d'un délai de départ volontaire de 15 jours.
Le pacte sur la migration et l'asile Présenté par la Commission européenne, le pacte sur la migration et l'asile, adopté définitivement au printemps 2024, a modifié le droit de l'Union européenne en recherchant une approche globale liant politique migratoire, politique de l'asile et contrôles aux frontières. À titre principal, le Pacte comprend : - un dispositif de « filtrage »44(*) des migrants irréguliers « à la frontière » d'une durée maximale de 7 jours. À l'issue de ce « filtrage », les migrants seront orientés, soit vers une procédure d'asile de droit commun, soit vers une procédure d'asile à la frontière, soit vers une procédure de retour à la frontière dans leur pays d'origine ; - l'actualisation de la base de données européenne Eurodac, qui recense les demandes d'asile, pour y intégrer l'identité des demandeurs d'asile et leurs données biométriques (empreintes digitales) ; - des garanties supplémentaires pour les demandeurs d'asile (information, conseil juridique gratuit, évaluation indépendante de la procédure, hébergements spécifiques pour les familles avec mineurs...), moyennant une obligation de coopération avec les autorités compétentes, des aménagements aux règles de leur prise en charge45(*), et une solidarité européenne accrue entre États membres46(*) ; - une adaptation des règles du Pacte en cas de crise migratoire menaçant les États membres ou l'Union européenne (ex : délais allongés pour le « filtrage » ou les opérations de retour à la frontière). En principe, les dispositions du pacte doivent entrer en vigueur en juin 2026. Cependant, à la demande d'une majorité d'États membres, la Commission européenne a décidé de présenter deux propositions de règlement destinées à anticiper la mise en oeuvre de certaines dispositions importantes du règlement précité (UE) 2024/1348 : - ainsi, la proposition de règlement COM(2025) 186 final47(*) permet aux États membres qui le souhaitent, de mettre en place, dès que possible, la procédure d'asile à la frontière pour les demandeurs d'asile qui sont ressortissants d'un pays tiers pour lequel le taux de protection est inférieur à 20 % dans l'Union européenne. Cette proposition prévoit aussi d'anticiper la possibilité offerte aux États membres, de reconnaître des pays tiers comme des « pays tiers sûrs »48(*) ou des « pays d'origine sûrs »49(*) en excluant de cette reconnaissance, certaines régions de ces pays ou certaines catégories de personnes. Enfin, elle établit la première liste européenne de « pays d'origine sûrs »50(*) ; - par ailleurs, la proposition de règlement COM(2025) 259 final51(*), présentée le 20 mai 2025, répondait à l'obligation imposée à la Commission européenne par le pacte sur la migration et l'asile, de réexaminer le concept de « pays tiers sûr ». Ce dernier permet aux États membres de rejeter la demande d'asile d'une personne dès lors que cette dernière peut bénéficier d'une protection effective dans l'un de ces pays tiers. En pratique, la proposition tend à assouplir les modalités d'utilisation de ce concept, à la fois en permettant aux États membres d'appliquer le concept de « pays tiers sûr » à un demandeur d'asile lorsqu'il existe un lien entre cette personne et un pays au sens du droit national de l'État membre concerné, en considérant que le transit d'une personne par un pays tiers sûr avant d'atteindre l'Union européenne constitue un lien suffisant pour considérer que ce pays peut assurer une protection effective pour le demandeur, et en prévoyant la mise en oeuvre de ce concept au bénéfice d'un « pays tiers sûr » avec lequel un accord ou un arrangement a été signé. En complément, la proposition tend à supprimer l'automaticité de l'effet suspensif des recours contre les décisions de rejet d'une demande d'asile fondées sur le concept de pays tiers sûr. |
C) Le choix partagé par la majorité des États membres et la Commission européenne d'actualiser le cadre normatif européen
En 2023, présentant une stratégie dédiée à la politique de retour52(*), la Commission européenne appelait à adapter cette politique afin d'augmenter le nombre de retours effectifs, de mettre en oeuvre des procédures plus rapides et d'organiser des retours conformes aux droits fondamentaux. Plusieurs pistes étaient mises en avant : accompagner systématiquement la décision mettant fin au séjour régulier d'une personne par une décision de retour, mieux articuler les procédures de retours volontaires et de retours forcés, identifier et surmonter les causes du manque de coopération de certains pays tiers, travailler sur les obstacles spécifiques au retour des criminels étrangers condamnés, numériser la procédure de retour...
Dans ses orientations politiques pour le mandat 2024-2029 de la Commission européenne, Mme Ursula von der Leyen, alors candidate à un deuxième mandat de présidente de la Commission, estimait que l'Union européenne avait « besoin d'une approche commune sur la question des retours, afin de les rendre plus efficaces et plus dignes »53(*). Dans le document publié simultanément54(*), elle fixait quatre objectifs à la réforme : accélérer et simplifier la procédure de retour, assurer des retours dans la dignité, numériser la gestion des dossiers, veiller à ce que les décisions de retour bénéficient d'une reconnaissance mutuelle dans toute l'Europe.
Ces orientations ont été confirmées par le Conseil européen, qui, dans ses conclusions du 17 octobre 2024, a appelé à une « action résolue à tous les niveaux pour faciliter, accroître et accélérer les retours depuis l'Union européenne, en utilisant l'ensemble des politiques, instruments et outils dont l'Union européenne dispose à cet effet, y compris la diplomatie, le développement, le commerce et les visas » et a invité « la Commission à présenter d'urgence une nouvelle proposition législative. »
Afin de mettre en oeuvre rapidement cette ambition, la réforme du dispositif européen sur les retours a été inscrite au programme de travail de la Commission européenne pour 2025, présenté le 11 février dernier. En pratique, la proposition de règlement a été présentée un mois plus tard par la Commission européenne (le 11 mars 2025).
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II. La proposition de règlement COM(2025) 101 final tend à instituer un système de retour uniforme pour l'ensemble des États membres de l'Union européenne
A) L'uniformisation de la procédure de retour
La Commission européenne a souhaité remplacer l'actuelle directive 2008/115/CE par une proposition de règlement, qui, en premier lieu, harmonise et actualise les définitions applicables (ressortissant de pays tiers, séjour irrégulier, pays d'origine...) par référence à celles qui ont été adoptées dans les textes du Pacte sur la migration et l'asile.
Ainsi, la proposition autorise l'éloignement d'un étranger en situation irrégulière vers tout pays dans lequel cette personne a sa résidence habituelle ou dispose d'un droit d'entrer et/ou de séjourner, et pour les demandeurs d'asile déboutés, vers un pays tiers sûr sans que leur consentement soit nécessaire (article 4).
En deuxième lieu, la proposition fixe des normes communes précises aux États membres55(*) pour l'émission des décisions de retour et d'interdiction d'entrée. Sur ce point, la proposition rappelle que la décision doit être prise par écrit et, en principe, motivée par l'autorité compétente. Le document, notifié au migrant concerné, doit aussi préciser les recours possibles et les calendriers applicables. La proposition prévoit aussi et surtout que ces décisions devront s'insérer dans un format commun - dénommé « décision de retour européenne », établi par l'intermédiaire du système d'information Schengen (SIS) 56(*). Ce format serait défini par un acte d'exécution adopté par la seule Commission (article 7).
En troisième lieu et à titre principal, la proposition de règlement prévoit de transformer le caractère facultatif de la procédure de reconnaissance mutuelle des décisions de retour en obligation57(*). Plus exactement, l'article 9 rappelle d'abord l'état du droit : un État membre dans lequel un ressortissant de pays tiers est en séjour irrégulier « peut » reconnaître une décision de retour exécutoire prise à l'égard de cette personne par un autre État membre. Mais il ajoute que cette possibilité deviendra obligation, à l'issue d'une évaluation de la mise en oeuvre de la « décision de retour européenne », au plus tard au 1er juillet 2027, et de la publication d'un acte d'exécution.
Enfin, et en cinquième lieu, la proposition établit un lien clair entre les décisions de retour et les actions de réadmission58(*), en proposant une approche procédurale commune pour l'introduction des demandes de réadmission, au moyen d'un formulaire type pour les demandes et d'un suivi systématique des décisions de retour accompagnées de demandes de réadmission (article 36).
B) Une volonté d'accélération et de facilitation des procédures de retour dans le respect des droits fondamentaux
1) Une clarification des conditions de retour volontaire et de retour forcé
Sur ce point, il y a deux évolutions majeures :
- tout d'abord, la proposition définit précisément les situations nécessitant un éloignement du ressortissant de pays tiers installé irrégulièrement (refus de coopération de l'intéressé avec les autorités compétentes, l'intéressé s'est rendu sans autorisation dans un autre État membre, le migrant irrégulier présente un risque de sécurité, l'intéressé n'a pas quitté le territoire de l'État membre concerné dans le délai qui lui avait été laissé pour son départ volontaire) (article 12) ;
- par ailleurs, en s'inspirant de la réforme avortée de 2018, la proposition supprime l'obligation de prévoir un délai de retour volontaire d'au moins 7 jours à compter de la notification de la décision de retour, avant lequel le départ du migrant concerné est impossible.
2) Une confirmation et un renforcement des garanties procédurales accordées aux migrants irréguliers aligné sur le pacte sur la migration et l'asile
Sur ce point, la proposition reflète effectivement les accords trouvés entre négociateurs européens, au printemps 2024, sur le pacte.
Au titre des confirmations, il est d'abord rappelé que les États membres doivent agir dans le respect des droits fondamentaux, en particulier dans les opérations de retour « forcé » (articles 5 et 12) et que les États membres peuvent prendre des décisions pour motifs humanitaires, par exemple, en renonçant à prononcer une mesure d'interdiction d'entrée (article 10) mais aussi en retirant, suspendant ou limitant la durée d'une telle interdiction (article 11).
De même, la possibilité de fixer un délai plus long que les 30 jours prévus en principe pour permettre le départ volontaire du ressortissant de pays tiers en situation irrégulière est maintenue, afin de tenir compte de circonstances particulières (liens familiaux, enfants scolarisés, participation à un programme d'aide au retour et à la réintégration) (article 13).
La proposition rappelle également, sans ambiguïté, le droit à l'information des ressortissants de pays tiers faisant l'objet d'une décision de retour (article 24), leur droit à un recours effectif contre une telle décision (article 26) ainsi que les droits annexes qui y sont liés (droit à une assistance juridique et à la représentation en justice, article 25). Concernant l'exercice de ces derniers, l'État membre concerné pourra toutefois en refuser la gratuité dans certains cas59(*).
Les garanties existantes sont également renforcées.
Ainsi, la proposition confirme que l'intérêt supérieur de l'enfant est une considération primordiale dans l'application de la réforme (article 18). En outre, les mesures dédiées permettant de prendre en considération la situation spécifique et le besoin de protection des mineurs non accompagnés (nécessité de s'assurer que le mineur sera remis à un membre de sa famille, à un tuteur désigné ou à une structure d'accueil adéquate) seraient confortées par l'assistance d'organismes compétents et la désignation d'un représentant du mineur en amont de la procédure de retour et par l'affirmation du principe d'une audition individuelle de ce mineur ou de son représentant par les autorités compétentes (article 20). Simultanément, les autorités de l'État membre concerné seraient en droit de procéder à une évaluation de leur âge en cas de doute.
La proposition de règlement énumère également plusieurs situations devant conduire au report d'une mesure d'éloignement : vulnérabilité d'une personne concernée, scolarisation de ses enfants, soins d'urgence, unité familiale avec des membres de sa famille présents sur le territoire de l'État concerné (article 14).
En outre, l'article 15 prévoit la mise en oeuvre d'un mécanisme d'évaluation indépendant des opérations de retour, afin de suivre ces dernières, d'analyser leur conformité aux droits fondamentaux et de dénoncer toute mesure qui contreviendrait à ces derniers.
Par ailleurs, pendant le délai d'introduction d'un éventuel recours contre une décision de retour, qui serait au maximum de 14 jours, toute possibilité d'exécuter cette décision serait automatiquement suspendue (articles 14, 27 et 28).
Enfin, les droits actuels des personnes placées en rétention (rétention aussi brève que possible, droit à l'information des personnes retenues, rétention dans des bâtiments spécifiques, droit de visite des membres de la famille, des représentants légaux et des autorités consulaires concernées, ainsi que des organisations internationales compétentes, soins médicaux d'urgence, conditions de rétention spécifiques pour les familles et les mineurs) seraient confortés (évaluation de la vulnérabilité d'une personne placée en rétention administrative, droit d'accès à un espace en plein air) (articles 29 et 34-35).
3) Une prise en compte accrue des enjeux de sécurité
a) L'instauration d'une obligation de coopération avec les autorités compétentes imposée au migrant irrégulier faisant l'objet d'une décision de retour (articles 21 à 23)
De nouveau, la proposition de règlement reprend ici une disposition du pacte sur la migration et l'asile relative aux demandeurs d'asile en instaurant une obligation de coopération du ressortissant de pays tiers faisant l'objet d'une décision de retour avec les autorités compétentes à tous les stades des procédures de retour et de réadmission (article 21). Cette obligation suppose, par exemple, l'obligation de rester sur le territoire de l'État membre concerné pendant la procédure de retour, de fournir toutes les informations et tous les documents pertinents pour expliquer leur identité, leur situation et leur parcours, ou encore, d'accepter le prélèvement de leurs données biométriques... En cas de refus du ressortissant concerné, les autorités compétentes pourront prendre des sanctions administratives à son encontre (ex : suppression ou réduction des allocations versées et des facilités prévues pour promouvoir le retour volontaire, saisie des documents d'identité, pénalités financières) (article 22).
b) L'extension de la durée maximale d'application de l'interdiction d'entrée dans un État membre de l'Union européenne (articles 10 et 11)
Cette durée maximale doit en effet passer de cinq à dix ans (avec possibilité d'étendre cette durée maximale ultérieurement, sur la base d'un examen au cas par cas, par périodes de cinq ans).
c) Des mesures pour gérer les fuites et les mouvements non autorisés entre États membres et pour encadrer la rétention administrative (mouvements secondaires) (articles 30, 31, 33, 34 et 35)
Tirant les enseignements de la réforme avortée de 2018, la proposition de règlement énumère les situations dans lesquelles les autorités compétentes devraient considérer, après examen individuel, qu'il existe un risque de fuite d'un migrant irrégulier faisant l'objet d'une décision de retour (mouvements non autorisé de l'État membre de résidence vers un autre État membre, non-respect de l'obligation de résidence ou de présentation régulière de l'intéressé devant les autorités compétentes de l'État membre de résidence - article 30). Dans les autres cas, les autorités compétentes pourraient conclure à un tel risque de fuite en cas de manque de coopération de la personne visée par une décision de retour ou d'opposition violente à sa mise en oeuvre.
De là, la proposition de règlement précise que la législation nationale des États membres devrait prévoir des mesures alternatives à la rétention (telles que l'assignation à résidence existant en droit français), en fonction de la situation spécifique d'un migrant irrégulier, en particulier son état de vulnérabilité. Elles pourraient s'accompagner de mesures de précaution (remise des documents d'identité ou d'une caution financière aux autorités compétentes) et devraient être évaluées par un juge deux mois après leur mise en oeuvre (article 31).
En cas de risque de fuite ou de non-respect de ses obligations, le ressortissant de pays tiers concerné pourrait faire l'objet d'un placement en rétention administrative, sur la base d'un examen au cas par cas.
Les garanties prévues pour les conditions de rétention des personnes, et spécifiquement, des mineurs et des familles, qui sont inscrites dans l'actuelle directive 2008/115/CE (ex : obligation de locaux séparés pour les familles...) seraient reprises par la réforme (articles 34 et 35).
La proposition souligne aussi que cette période de rétention devrait être la plus courte possible mais elle en étend néanmoins la durée maximale par rapport à la directive actuelle (24 mois contre 18 aujourd'hui60(*)). En outre, la rétention ferait l'objet d'un contrôle judiciaire (avec une réévaluation de la pertinence de cette rétention par cette même autorité judiciaire, tous les trois mois - article 33).
d) Des règles spécifiques pour assurer le retour des ressortissants de pays tiers résidant irrégulièrement dans un État membre et représentant une menace pour la sécurité publique ou la sécurité nationale (article 16)
L'article 16 de la proposition de règlement énumère les règles spécifiques applicables aux étrangers présentant un risque de sécurité, au sujet desquels il existe des motifs sérieux de croire qu'ils ont commis un crime ou qu'ils ont l'intention d'en commettre un.
Cette catégorie « dangereuse » de migrants irréguliers devrait automatiquement faire l'objet d'une procédure d'éloignement. En ce qui les concerne, la décision de retour serait systématiquement accompagnée d'une décision d'interdiction d'entrée, dont la durée maximale de principe (dix ans) pourrait être prolongée d'une période supplémentaire de dix ans. Ces personnes devraient être placées en rétention, dans des locaux séparés, et l'autorité judiciaire pourrait décider de fixer à leur égard une période de rétention supérieure au maximum « de droit commun » (12 mois). Enfin, sauf si leur éloignement immédiat contrevenait au principe de non-refoulement, il est précisé que ces personnes ne pourraient bénéficier des dispositions permettant la suspension de leur éloignement.
4) La possibilité, pour les États membres, de passer des accords avec des pays tiers pour que ces derniers accueillent des migrants irréguliers ayant fait l'objet d'une décision de retour dans des « centres de retour » (articles 4 et 17)
La proposition de règlement autorise les États membres à passer des accords ou des arrangements avec des pays tiers afin que ces derniers puissent accueillir des migrants irréguliers faisant l'objet d'une décision de retour édictée par cet État membre, dans des « centres de retour ».
Un précédent remis en cause par des procédures contentieuses : l'accord bilatéral Italie / Albanie En réalité, cette possibilité s'inspire de celle envisagée pour les demandeurs d'asile par le gouvernement italien, qui a signé un accord à ce titre avec les autorités albanaises en novembre 2023. En vertu de cet accord, les autorités italiennes peuvent en principe débarquer des ressortissants de pays tiers sûrs identifiés comme tels par les garde-côtes dans leur zone de recherche et de sauvetage ou dans les eaux internationales, dans le port albanais de Shengjin. Après un contrôle sur site, ces personnes doivent ensuite être transférées dans le centre de rétention de Gjader (situé à 20 km du port) pour y être placées en rétention administrative, y effectuer leur éventuelle demande d'asile et faire l'objet d'une procédure accélérée. Seuls des hommes adultes peuvent faire l'objet de cette « externalisation » du dispositif d'accueil des demandeurs d'asile. En pratique cependant, si un premier groupe de migrants a bien été transféré dans le centre précité le 16 octobre 2024, deux jours plus tard, ce transfert a été annulé par la section des affaires migratoires du tribunal de Rome, sur la base d'un arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) du 4 octobre 2024 affirmant que le droit de l'Union européenne s'opposait à ce qu'un État membre désigne un pays tiers comme « pays d'origine sûr » seulement pour une partie de son territoire61(*). Afin de poursuivre les transferts de demandeurs d'asile en Albanie, le gouvernement Meloni a réagi en adoptant au niveau législatif une liste de 19 « pays d'origine sûrs ». Le tribunal de Rome a alors saisi la CJUE pour s'assurer de la conformité de cette procédure au regard du droit de l'Union européenne. |
La proposition de règlement précise qu'un tel accord devrait explicitement prévoir les procédures applicables au transfert des intéressés, ainsi que leurs conditions de séjour dans le pays tiers, les éventuelles modalités de leur retour volontaire dans leur pays d'origine, la mise en place d'un mécanisme de contrôle indépendant de son application, ainsi que les conséquences d'une violation de ses dispositions.
Les mineurs non accompagnés et les familles ne pourraient pas faire l'objet d'une telle procédure.
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III. La conformité incertaine de plusieurs dispositions de la proposition de règlement COM(2025) 101 final avec les principes de subsidiarité et de proportionnalité
Incontestablement, au regard des difficultés constatées dans l'application du droit européen en vigueur, documentées par de nombreuses sources officielles62(*), une réforme de la directive 2008/115/CE apparaît nécessaire car la fragilité des procédures de retour affaiblit la lutte contre l'immigration irrégulière, et, plus généralement, la crédibilité de la politique migratoire des États membres. Le processus de réforme, comme déjà rappelé, est d'ailleurs en cours depuis 2018.
Cependant, pour comprendre les causes exactes de la faiblesse du taux de retour effectif, recenser les difficultés rencontrées dans la mise en oeuvre de la directive « retour », bien appréhender la diversité de situation des États membres sur ce dossier, et évaluer la pertinence des mesures préconisées par la Commission européenne, la présentation d'une analyse d'impact exhaustive était nécessaire pour accompagner celle de la proposition de règlement.
Certes, la Commission européenne a produit un « document de travail » accompagnant sa nouvelle proposition de règlement, pour établir un bilan (insatisfaisant, selon elle) des procédures de retour, énumérer les principales causes de cette situation, et envisager trois pistes pour l'avenir : une amélioration de la directive « retour » actuelle (option a), présenter un nouveau cadre normatif européen pour simplifier les procédures actuelles et proposer une harmonisation renforcée (option b, finalement retenue), proposer un nouveau cadre normatif européen uniforme (option c).
Malheureusement, ce document n'a pas la portée d'une analyse d'impact (il n'est bien qu'un « document de travail »). Il examine superficiellement la conformité de la réforme aux principes de subsidiarité et de proportionnalité. Et il a été présenté tardivement (le 16 mai, alors que la proposition de règlement date du 11 mars 2025).
Sur une réforme aussi importante, l'absence d'analyse d'impact est donc peu compréhensible. D'autant qu'en 2018, déjà, la Commission européenne s'était abstenue d'une telle analyse, ce qui avait contraint le Parlement européen à « commander » une analyse d'impact de substitution à des chercheurs.
Les explications de la Commission européenne sur « l'urgence » qui interdiraient la production d'une analyse d'impact ne semblent pas non plus déterminantes puisque le document de travail met en avant le fait que les problèmes ont été identifiés depuis plusieurs années, qu'elle a mené une large procédure de consultation pour connaître les avis des parties, et que de nombreux experts ont été sollicités. Il était donc, en réalité, très simple de procéder à cette analyse.
Enfin, la commission des affaires européennes du Sénat souhaite rappeler qu'une telle absence va à l'encontre de la proposition n° 5 de son rapport d'information sur la « dérive normative » de l'Union européenne63(*), qui demandait que « toutes les propositions législatives de la Commission européenne » soient accompagnées d'une étude d'impact.
Cette absence préjudiciable d'analyse d'impact constitue la première objection émise par le Sénat à l'encontre de la proposition.
Deuxième observation : l'omission de la référence aux « États membres » dans le titre de la proposition de règlement, alors qu'une telle référence est affirmée dans celui de la directive 2008/115/CE, est aussi inutile que contraire aux traités.
La Commission européenne justifie ce choix en expliquant que la seule référence à l'« Union » doit permettre aux migrants concernés par une décision de retour de comprendre que cette dernière relève, non seulement d'un État membre, mais également de l'Union européenne dans son ensemble.
Cet argument de communication politique - faiblement convaincant - s'oppose cependant à la réalité juridique de l'Union européenne.
En effet, si la mise en place d'un Espace de liberté, de sécurité et de justice par le traité de Lisbonne a confirmé le développement d'une politique commune de l'asile et d'une politique commune de l'immigration par l'Union européenne (articles 78 et 79 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne), ces dernières ne constituent pas une compétence exclusive de l'Union européenne. Au contraire, ces politiques sont d'abord mises en oeuvre par les autorités et juridictions des États membres, avec un appui juridique, financier et humain de l'Union européenne (ainsi, on peut citer, en matière de retour, le soutien logistique et opérationnel de l'agence Frontex), pas l'inverse.
En réalité, les États membres demeurent seuls responsables de la sécurité nationale (article 4 paragraphe 2 du traité sur l'Union européenne (TUE). Et conformément au traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE), les politiques communes ne doivent porter atteinte ni à cette responsabilité (article 72), ni à la délimitation des frontières des États membres (article 77), ni à leur droit de fixer des volumes d'entrée de ressortissants de pays tiers sur leur territoire dans le but d'y rechercher un emploi (article 79, paragraphe 5).
Cette absence de mention est d'autant plus incohérente que le corps de la proposition de règlement ne cesse de faire référence à cette responsabilité des États membres, d'une part, quand elle vise le « territoire des États membres » pour définir son champ d'application (article 2) et, d'autre part, quand elle mentionne les autorités des États membres pour désigner celles responsables de la détection et du contrôle des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, de la prise des décisions de retour et de l'établissement d'exceptions, ou encore, de la reconnaissance mutuelle des décisions de retour des autres États membres (articles 6, 7, 8, 9).
En troisième lieu, la Commission européenne souhaite remplacer la directive 2008/115/CE par une proposition de règlement avec l'objectif assumé « d'uniformiser » les procédures de retour applicables dans les États membres au lieu d'en assurer l'harmonisation. Cette volonté se traduit par l'instauration de la « décision de retour européenne », format unique au niveau européen pour les décisions de retour (article 7) et par la mise en place progressive d'une procédure de reconnaissance mutuelle obligatoire des décisions de retour entre États membres, au plus tard le 1er juillet 2027 (article 9).
Or, comme cela a déjà été souligné, l'absence d'analyse d'impact empêche la Commission européenne de justifier la nécessité et la valeur ajoutée du remplacement de l'actuelle directive par un règlement, ainsi que celles de ses dispositifs les plus importants.
En effet, la Commission européenne se contente d'alléguer que les divergences des législations nationales des États membres sont aujourd'hui la source principale des difficultés actuelles des procédures de retour, sans pour autant produire d'éléments probants pour illustrer la nécessité et la pertinence d'un tel choix.
En réalité, le remplacement de la directive 2008/115/CE d'harmonisation minimale par un règlement d'effet direct et l'institution des deux dispositifs précités auront trois effets immédiatement perceptibles :
- la première conséquence sera une limitation des marges d'appréciation accordées aux États membres pour mettre en oeuvre les décisions de retour, même si la proposition reconnaît le droit pour les États membres d'accorder un titre de séjour à une personne pour motif humanitaire et celui de s'opposer à la reconnaissance d'une décision de retour prise par un autre État membre, pour des raisons d'ordre public (article 9).
En conséquence de cette exception, la France pourrait-elle refuser d'exécuter une décision d'éloignement concernant un mineur adoptée par un autre État membre ou devrait-elle l'exécuter (article 20) ?
De même, la France, qui refuse pour l'heure d'éloigner des étrangers en situation irrégulière vers l'Afghanistan, devrait-elle procéder à l'éloignement de ressortissants afghans vers Kaboul, du fait de la mise en oeuvre de la décision d'un autre État membre ?
Interrogés sur ce point, les services de la Commission européenne se veulent rassurants mais il convient de rester vigilant.
Si la proposition de règlement est adoptée en l'état, quel serait le sort des mesures d'exécution d'office et des autres mesures pouvant être prises dans la continuité immédiate d'une décision de retour (assignation à résidence ; placement en rétention) ? De telles mesures semblent, en l'état du texte, incompatibles avec l'effet suspensif automatique et obligatoire instauré le temps du délai de recours de 14 jours ouvert à un étranger en situation irrégulière contre la décision de retour qui le concerne. De même selon la direction générale des étrangers en France (DGEF) du ministère de l'intérieur, alors que l'article 2-2 b) actuel de la directive « retour » actuelle permet aux États membres d'exclure explicitement de son champ d'application les procédures pénales prévoyant ou ayant pour conséquence le retour d'un étranger en situation irrégulière, telles que les ITF déjà évoquées, le projet de règlement supprimerait une telle exception, ce qui suscite des doutes sur la pérennité d'un tel dispositif.
- la deuxième conséquence sera la suppression de la possibilité, pour le Parlement français, de se prononcer sur le nouveau dispositif européen et, le cas échéant, de l'adapter aux spécificités de notre pays par l'absence de processus de transposition. Or, du fait de « l'effet cliquet » constaté dans les transferts de compétences à l'Union européenne, si une telle évolution est adoptée avec le présent texte, il sera ultérieurement très difficile pour les États membres de « revenir en arrière » ;
- la troisième conséquence sera d'engendrer des coûts supplémentaires et non maîtrisables par les États membres, du fait de la compensation financière (prévue à l'article 9) qu'un État membre exécutant une décision de retour à la place de l'État membre ayant adopté cette décision pourra exiger de ce dernier.
Signalons enfin que le rapport précité du Sénat sur la « dérive normative » de l'Union européenne a demandé à la Commission européenne de « privilégier les directives » car elles sont « plus respectueuses de la diversité des États membres puisqu'elles fixent des objectifs à atteindre tout en laissant aux États une marge pour déterminer les moyens à mettre en oeuvre pour les atteindre » (proposition n° 4).
Voilà pourquoi le présent avis s'oppose au principe d'une proposition de règlement sur la politique de retour et préconise, en lieu et place, une actualisation de la directive de 2008 comme la Commission européenne le proposait elle-même en 2018. Il faut d'ailleurs noter que les principaux apports juridiques de la présente réforme (obligation de coopération des migrants faisant l'objet d'une décision de retour ; adoption de décisions mettant fin au séjour régulier d'une personne et prévoyant son retour ; évolution des délais de retour volontaire ; clarification des conditions de rétention...) pouvaient être présentées dans une directive. C'était même l'objet du projet de directive présenté en 2018 pour adapter la directive 2008/115/CE.
En quatrième lieu, le Sénat, qui est attaché à l'exercice d'un droit au recours effectif des personnes faisant l'objet d'une décision de retour, constate simultanément que l'effet suspensif automatique de 14 jours maximal qui serait prévu par la proposition (articles 14, 27 et 28) pourrait induire la modification ou la suppression de mesures du CESEDA autorisant actuellement l'exécution d'office de certaines décisions (éloignement etc.).
En cinquième et dernier lieu, il convient de souligner et de regretter l'emploi massif d'actes d'exécution prévus à l'article 291 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE)64(*) et adoptés par la seule Commission européenne pour :
- définir le contenu et le format de la « décision de retour européenne » (article 7) ;
- instituer le caractère obligatoire de la procédure de reconnaissance mutuelle des décisions de retour entre États membres (article 9) ;
- déterminer le montant et les modalités pratiques de la compensation financière due par l'État membre d'émission d'une décision de retour à l'État membre d'exécution de cette décision (article 9) ;
- définir le contenu et le format du formulaire-type valide pour les demandes de réadmission (article 36).
Certes, ces actes seraient ensuite examinés et adoptés par les États membres à la majorité qualifiée. En revanche, les parlements nationaux des États membres, et donc le Sénat, seraient exclus de l'examen de ce changement essentiel du dispositif de la proposition, ce qui paraît démocratiquement plus que contestable. Il est en fait demandé au Sénat de donner un « blanc seing » en amont de la présentation intégrale du dispositif, sans qu'il puisse l'évaluer a posteriori.
Voilà pourquoi le présent avis motivé rappelle que le rapport précité du Sénat sur la « dérive normative » de l'Union européenne a dénoncé (dans sa proposition n° 4) le recours excessif de la Commission européenne aux actes d'exécution et aux actes délégués comme étant de nature à méconnaître les principes de subsidiarité et de proportionnalité, et à limiter le contrôle des Parlements nationaux. Ce rapport recommande aussi de restreindre le recours aux actes d'exécution aux seuls aspects techniques d'une telle réforme, à l'exclusion de toute considération de nature politique.
*
La commission des affaires européennes du Sénat a, en conséquence, adopté la proposition de résolution européenne portant avis motivé suivant :
LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
Vendredi 6 juin 2025 :
- Commission européenne :
o Mme Catherine DELACOUR, conseillère du directeur général, direction générale de la migration et des affaires intérieures ;
Vendredi 20 juin 2025 :
- Ministère de l'intérieur :
o M. Éric JALON, préfet, directeur général de la direction générale des étrangers en France (DGEF).
* 1 Directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier.
* 2 L'article 24 de la Charte européenne des droits fondamentaux souligne que « Les enfants ont droit à la protection et aux soins nécessaires à leur bien-être (...) » et que « Dans tous les actes relatifs aux enfants, qu'ils soient accomplis par des autorités publiques ou des institutions privées, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. »
* 3 L'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales souligne que « Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale. »
* 4 « Aucun des États contractants n'expulsera ou ne refoulera, de quelque manière que ce soit, un réfugié sur les frontières des territoires où sa vie ou sa liberté serait menacée en raison de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques. » (article 33).
* 5 Article 12 de la directive 2008/115/CE. Par exception, ce droit à la traduction peut ne pas être appliqué aux ressortissants d'un pays tiers ayant pénétré illégalement sur le territoire d'un État membre ou qui n'ont pas obtenu par la suite l'autorisation ou le droit d'y séjourner.
* 6 Ex : obligation de scolarisation des enfants.
* 7 Article 7 de la directive 2008/115/CE.
* 8 Article 13 de la directive 2008/115/CE.
* 9 Article 14 de la directive 2008/115/CE.
* 10 Articles L. 610-1 à L. 615-2 du CESEDA.
* 11 Articles L. 612-6 à L. 612-11 du CESEDA.
* 12 Articles L. 630-1 à L. 632-7 du CESEDA.
* 13 Articles L. 640-1 à L. 641-3 du CESEDA et articles 131-30 et 131-30-2 du code pénal.
* 14 Articles L. 214-1 à L. 214-7 du CESEDA.
* 15 Article L. 251-1 et suivants du CESEDA.
* 16 Articles L. 621-1 à L. 623-1 du CESEDA. Il s'agit d'une décision administrative qui doit être motivée. Elle prévoit la remise d'un étranger en situation irrégulière aux autorités compétentes d'un autre État, en application de conventions internationales ou du droit de l'Union européenne (ex : décision de remise d'un étranger séjournant irrégulièrement en France et détenteur d'un titre de séjour dans un autre État membre, à cet autre État membre).
* 17 L'OQTF éventuelle est alors édictée « après vérification du droit au séjour, en tenant notamment compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France et des considérations humanitaires pouvant justifier un tel droit. » (article L. 611-1 du CESEDA).
* 18 Les principales exceptions étaient les suivantes : mineur de dix-huit ans ; ressortissant étranger résidant régulièrement en France depuis vingt ans ou y résidant depuis l'âge de treize ans ; ressortissant étranger marié à un conjoint de nationalité française depuis trois ans, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé ; ressortissant étranger gravement malade ou invalide à 20 % et bénéficiaire d'une rente...
* 19 Article L. 611-3 du CESEDA.
* 20 Article L. 615-1 du CESEDA.
* 21 Article L. 612-1 du CESEDA. Par exception, les personnes représentant une menace pour l'ordre public, faisant l'objet d'un refus de délivrance d'un titre de séjour pour fraude ou risquant de prendre la fuite, peuvent faire l'objet d'une OQTF sans délai (article L. 612-2 du CESEDA).
* 22 Articles L. 612-6 à L. 612-11 du CESEDA.
* 23 Lorsque le ressortissant de pays tiers concerné n'a pas bénéficié de délai de départ volontaire ou si ce délai est dépassé, si l'intéressé doit être éloigné en application d'une interdiction de retour ou de circulation sur le territoire français ou encore, si cette personne doit être remise aux autorités d'un autre État ou éloignée par décision de ce dernier. La période initiale d'assignation à résidence d'un an peut alors être prolongée deux fois pour la même durée (soit une durée maximale de trois ans).
* 24 Situations visées : étranger faisant l'objet d'une décision d'expulsion, ou devant être éloigné en exécution d'une interdiction administrative du territoire français ou d'une peine d'interdiction judiciaire du territoire. Dans ce dernier cas, la prolongation de l'assignation à résidence au-delà de 5 ans fait l'objet d'une décision spécialement motivée faisant état des circonstances particulières justifiant cette prolongation.
* 25 Article L. 741-1 du CESEDA.
* 26 Il n'est prévu d'exception à cette interdiction qu'à Mayotte et jusqu'au 1er janvier 2027 (III de l'article 86 de la loi du 26 janvier 2024).
* 27 Article L.741-1 du CESEDA. Cette durée était de 48 heures avant l'adoption de la loi n°2024-42 du 26 janvier 2024.
* 28 Articles L. 742-1 à L. 742-4 du CESEDA.
* 29 La période de rétention peut être prolongée par le magistrat du siège du tribunal judiciaire une première fois pour 26 jours francs, puis, si nécessaire, pour 30 jours francs, puis, de nouveau, pour une ou deux périodes de 15 jours.
* 30 Par exception, cette durée maximale peut être portée à 210 jours pour les ressortissants étrangers interdits du territoire pour actes de terrorisme en vertu des articles L. 742-6 et L. 742-7 du CESEDA.
* 31 Exposé des motifs, p 1.
* 32 Selon Eurostat, sur la période visée, 112 335 ressortissants de pays tiers résidant irrégulièrement dans un État membre ont été visés par une décision de retour mais seuls 27 740 sont effectivement retournés dans un pays tiers. Les 5 premières nationalités des migrants irréguliers faisant l'objet d'une décision de retour étaient l'Algérie (10 705), le Maroc (7 995), la Syrie (7 385), la Turquie (6 420) et l'Afghanistan (5 585).
* 33 Interview à France Info en date du 26 février 2025.
* 34 3,1% des décisions n'avaient pas été notifiées, faute de pouvoir localiser leurs destinataires, 10,9% avaient été abrogées par l'administration à la suite d'un recours non contentieux, et 3,2% des décisions restantes avaient été annulées par le juge administratif à l'issue d'un recours contentieux.
* 35 Exposé des motifs de la proposition de règlement, p 2.
* 36 Document de travail de la Commission européenne accompagnant la proposition de règlement COM(2025) 101 final, 16 mai 2025.
* 37 Résolution du Parlement européen du 17 décembre 2020 ; P9_TA(2020)0362.
* 38 Voir note de bas de page n°21.
* 39 Articles 48 à 53 du règlement Frontex (règlement (UE) 2019/1896 du Parlement européen et du Conseil du 13 novembre 2019 relatif au corps européen de garde-frontières et de garde-côtes et abrogeant les règlements (UE) n° 1052/2013 et (UE) 2016/1624.
* 40 COM(2021) 56 final.
* 41 Selon le service de recherche du Parlement européen, en moyenne, un retour volontaire coûte 560 euros alors qu'une opération de retour forcé coûte 3 414 euros.
* 42 Règlement (UE) 2024/1348 du Parlement européen et du Conseil du 14 mai 2024 instituant une procédure commune en matière de protection internationale dans l'Union et abrogeant la directive 2013/32/UE.
* 43 D'une durée variant entre 12 et 16 semaines, cette procédure d'asile accélérée sera obligatoire pour les demandeurs présentant un danger pour la sécurité nationale, pour ceux ayant introduit leur demande sur la base d'un acte frauduleux et pour ceux provenant d'un pays tiers pour lequel le taux de reconnaissance de protection internationale est faible (20 %).
* 44 Le « filtrage » comprendra un triple contrôle d'identité, de santé et de sécurité.
* 45 La durée de prise en charge des demandeurs d'asile est fixée à vingt mois (un an pour les personnes débarquées dans le port d'un État membre à l'issue d'une opération de recherche-sauvetage).
* 46 Création d'une réserve européenne de solidarité fondée sur des relocalisations de demandeurs d'asile et un soutien financier entre États membres, avec des objectifs annuels de 30 000 relocalisations et de 600 millions d'euros de contributions financières directes.
* 47 Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil du 16 avril 2025 modifiant le règlement (UE) 2024/1348 en ce qui concerne l'établissement d'une liste européenne de pays d'origine sûrs, COM(2025) 186 final.
* 48 Le concept de « pays tiers sûr », prévu à l'article 59 du règlement (UE) 2024/1348, doit permettre aux États membres de rejeter la demande d'asile d'une personne dès lors que cette dernière peut bénéficier d'une protection effective dans l'un de ces pays tiers. Aux termes de l'article 59 actuel, un tel pays, qui peut être défini au niveau national comme de l'Union européenne, est un pays dans lequel la personne n'a pas à craindre pour sa vie ou sa liberté et ne risque pas de subir des « atteintes graves » (peine de mort, exécution, torture ou sanctions inhumaines et dégradantes, menaces graves contre la vie ou la personne) où les intéressés sont protégés contre le refoulement et où ils peuvent demander une protection effective.
* 49 Le concept de « pays d'origine sûr », prévu à l'article 61 du règlement (UE) 2024/1348, peut être utilisé par les états membres pour refuser la demande d'asile du ressortissant d'un pays qui, après évaluation, est considéré comme « sûr » par l'État membre concerné ou l'Union européenne, ce qui signifie que l'intéressé n'y craint aucun acte de persécution et ne risque pas de subir des « atteintes graves ».
* 50 Cette première liste comprend le Bangladesh, la Colombie, l'Égypte, l'Inde, le Kosovo, le Maroc et la Tunisie.
* 51 Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil du 20 mai 2025 modifiant le règlement (UE) 2024/1348 concernant la mise en oeuvre du concept de « pays tiers sûr », COM(2025) 259 final.
* 52 Document d'orientation « Pour une stratégie opérationnelle en vue de retours plus efficaces », 24 janvier 2023, COM(2023) 45 final.
* 53 Discours de Mme Ursula von der Leyen prononcé le 18 juillet 2024, lors de la session plénière du Parlement européen.
* 54 « Le choix de l'Europe - Orientations politiques pour la prochaine Commission européenne 2024-2029 », 18 juillet 2024, p 21.
* 55 En pratique, le Danemark décidera s'il applique la proposition dans un délai de six mois après que le Conseil aura adopté sa position à son sujet. Par ailleurs, la proposition sera applicable à l'Islande, au Liechtenstein, à la Norvège et à la Suisse en tant que développement de l'acquis Schengen.
* 56 Système d'information entre les autorités des États membres et de plusieurs pays associés (Islande, Liechtenstein, Norvège, Suisse) en charge des affaires intérieures et des contrôles aux frontières. Le système contient de nombreux signalements : signalements aux fins des décisions de retour et de non-admission, personnes recherchées en vue de leur arrestation, personnes disparues, personnes vulnérables, enfants risquant d'être enlevés, objets recherchés aux fins de saisie (véhicules, documents d'identité...).
* 57 À l'heure actuelle, cette possibilité est reconnue par la directive 2001/40/CE du Conseil du 28 mai 2001 relative à la reconnaissance mutuelle des décisions d'éloignement des ressortissants de pays tiers.
* 58 La réadmission de ses ressortissants par un pays donné est une obligation du droit international coutumier. La plupart des États membres, dont la France, ont donc signé des accords de réadmission avec des pays tiers clefs afin d'établir un cadre de coopération structuré permettant d'établir des procédures rapides et efficaces visant à identifier, documenter et renvoyer des personnes ressortissantes d'une des deux parties, en séjour irrégulier sur le territoire de l'autre partie. Depuis le traité d'Amsterdam (signé en 1997), l'Union européenne peut elle aussi signer des accords de réadmission en lieu et place des États membres. En pratique, les accords bilatéraux de réadmission signés par les États membres continuent de s'appliquer tant qu'ils sont conformes aux accords de réadmission de l'Union européenne.
* 59 Les situations suivantes sont explicitement visées : le ressortissant concerné est considéré comme ayant des ressources financières suffisantes pour payer un avocat ou une assistance juridique, le recours de l'intéressé n'a aucune chance d'aboutir ou est considéré comme abusif, la procédure est en phase d'appel ou de cassation, le ressortissant concerné est déjà assisté par un avocat.
* 60 L'article 13 de la proposition fixe la durée minimale « de principe » de la rétention à 12 mois mais autorise une prolongation de 12 mois supplémentaires lorsqu'il est probable que la procédure de retour dure plus longtemps, en raison du manque de coopération du pays tiers concerné ou de retards dans l'obtention des documents nécessaires à l'opération de retour visée.
* 61 CJUE, CV contre Ministerstvo vnitra Ceske republiky, Odbor azlove a migracni politiky, C-406/22.
* 62 Voir en particulier l'analyse d'impact de substitution du projet de refonte de la directive « retour », en date du 12 février 2019, commandée par le Parlement européen et le rapport sur la mise en oeuvre de la directive retour de la commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures du Parlement européen (« LIBE ») en date du 2 décembre 2020 et, en France, le rapport d'information n° 626 (2021-2022) sur la question migratoire de M. François-Noël Buffet au nom de la commission des lois du Sénat, en date du 10 mai 2022, ainsi que le rapport de la Cour des comptes du 4 janvier 2024 sur la politique de lutte contre l'immigration irrégulière.
* 63 Rapport d'information n°190 (2024-2025) sur la dérive normative de l'Union européenne du 4 décembre 2024, des sénateurs Jean-François Rapin, Didier Marie et Catherine Morin-Desailly au nom de la commission des affaires européennes du Sénat.
* 64 Selon cet article, « Les États membres prennent toutes les mesures de droit interne nécessaires pour la mise en oeuvre des actes juridiquement contraignants de l'Union. » mais « Lorsque des conditions uniformes d'exécution des actes juridiquement contraignants de l'Union sont nécessaires, ces actes confèrent des compétences d'exécution à la Commission (...). »