N° 324

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2000-2001

Annexe au procès-verbal de la séance du 15 mai 2001

PROPOSITION DE LOI

relative à la clarification des modalités de la mise à disposition des fonctionnaires,

PRÉSENTÉE

Par MM. Jacques OUDIN, Patrice GÉLARD, Louis ALTHAPÉ, Pierre ANDRÉ, Jean BERNARD, Roger BESSE, Laurent BÉTEILLE, Jean BIZET, Paul BLANC, Gérard BRAUN, Dominique BRAYE, Mme Paulette BRISEPIERRE, MM. Louis de BROISSIA, Robert CALMEJANE, Auguste CAZALET, Gérard CÉSAR, Jacques CHAUMONT, Gérard CORNU, Charles de CUTTOLI, Xavier DARCOS, Désiré DEBAVELAERE, Luc DEJOIE, Robert DEL PICCHIA, Charles DESCOURS, Michel DOUBLET, Alain DUFAUT, Daniel ECKENSPIELLER, Michel ESNEU, Bernard FOURNIER, Alain GÉRARD, François GERBAUD, Charles GINÉSY, Francis GIRAUD, Daniel GOULET, Adrien GOUTEYRON, Georges GRUILLOT, André JOURDAIN, Gérard LARCHER, Robert LAUFOAULU, Jacques LEGENDRE, Max MAREST, Philippe MARINI, Pierre MARTIN, Paul MASSON, Bernard MURAT, Paul NATALI, Paul d'ORNANO, Joseph OSTERMANN, Henri de RICHEMONT, Louis SOUVET, Martial TAUGOURDEAU et Alain VASSELLE,

Sénateurs.

(Renvoyée à la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement).

Fonction publique.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La mise à disposition de fonctionnaires se définit juridiquement comme :  « la situation du fonctionnaire qui demeure dans son corps d'origine, est réputé occuper son emploi, continue à percevoir la rémunération correspondante mais qui effectue son service dans une autre administration que la sienne ».

Utilisée initialement en marge des statuts, la mise à disposition fut présentée comme une innovation importante lorsqu'elle fut légalisée, sans réels débats ni analyses approfondies, par les lois n°84-16, 84-53 et 86-33 des 11 et 26 janvier 1984 et du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives, respectivement à la fonction publique de l'État, à la fonction publique territoriale et à la fonction publique hospitalière. Par la suite, la loi n° 91-715 du 26 juillet 1991 facilita la mise à disposition des fonctionnaires au profit des services extérieurs de l'État.

La mise à disposition ne constitue pas une véritable « position d'activité» mais une des modalités de la position d'activité. Mesure exceptionnelle à l'origine, la mise à disposition s'est considérablement développée tant auprès des administrations que des établissements publics ou des associations. Il en résulte que cette pratique, non contrôlée, engendre aujourd'hui de nombreux dysfonctionnements et abus auxquels il convient d'apporter certaines limites.

D'une part, elle fausse de façon particulièrement grave la sincérité et la transparence des comptes publics puisque les budgets votés par le Parlement sont détournés par l'application de ces dispositifs pour être affectés vers d'autres administrations ou organismes soit privés soit d'intérêt général. Le développement de cette pratique porte ainsi atteinte au droit de tous les citoyens de suivre par eux-mêmes ou leurs représentants l'emploi de la contribution publique à laquelle ils ont consenti.

D'autre part, elle rend plus opaque la connaissance des effectifs réels de la fonction publique puisque les fonctionnaires mis à disposition n'occupent pas leur poste budgétaire et que les administrations ou organisme d'accueil ne rendent pas compte de ces emplois. A cet égard, il faut souligner que le Parlement manque cruellement de données pour dresser un bilan précis et technique des mises à disposition.

Toutes les interrogations que se pose le Parlement se heurtent aujourd'hui à l'absence de rapport officiel rendant compte du nombre de fonctionnaires mis à disposition.

Certains parlementaires et notamment Adrien Gouteyron, sénateur de Haute-Loire, et Gérard Braun, sénateur des Vosges, ont dénoncé l'insuffisance de la connaissance et de la gestion des effectifs de l'éducation nationale et de la fonction publique en générale. En effet, les chiffres avancés par les ministères ne correspondent pas au récapitulatif du ministère de la fonction publique et de la réforme de l'État. Dans ces conditions, on peut légitimement s'interroger sur l'exactitude des chiffres avancés en matière de mise à disposition.

Ainsi, afin de mieux connaître la réalité actuelle, il est nécessaire que d'une part, le Parlement soit naturellement informé de l'état des mises à disposition et d'autre part que l'observatoire de l'emploi public , crée par un décret du 13 juillet 2000, puisse travailler en étroite liaison avec la Cour des comptes, qui sera ensuite chargée de contrôler l'exactitude des chiffres et des situations. Tel est l'un des objectifs de cette proposition de loi.

La clarification des comptes publics exige que soit résolu le point essentiel concernant la charge financière qui résulte de la prise en charge de la rémunération du fonctionnaire. L'objectif de la présente proposition de loi est de faire supporter à l'organisme d'accueil la charge de ces rémunérations. A l'inverse, si cette obligation n'est pas respectée, l'administration devra faire clairement apparaître l'aide financière qui est ainsi attribuée à l'organisme d'accueil.

En effet, à l'origine, l'objectif initial des dispositions législatives était de légaliser une pratique existante et, par voie de conséquence de l'assortir de garanties au bénéfice des fonctionnaires. Toutefois, ces textes législatifs ne règlent pas le problème essentiel de la prise en charge de la rémunération des fonctionnaires mis à disposition et ne déterminent pas de façon claire quelle administration supportera la charge financière de la mise à disposition. Dans les rapports parlementaires préalables aux lois 84-16, 84-53 et 86-33, les observations sur ce point sont très minces et seuls quelques parlementaires avaient fait part de leurs réserves sur les éventuels abus liés au développement des mises à dispositions sans cadrage financier bien déterminé.

En fait, il faut se reporter aux décrets d'application pour qu'apparaisse l'obligation de remboursement de la rémunération et des charges sociales par l'administration ou l'organisme d'accueil dans le cadre d'une convention passée entre l'organisme d'origine et l'organisme d'accueil.

Cette convention peut toutefois prévoir l'exonération partielle ou totale, temporaire ou permanente de ce remboursement. Force est de constater que dans la pratique, la signature de cette convention est très rare et jamais contrôlée.

Le remboursement du traitement versé aux fonctionnaires, était l'intention initiale, l'exonération totale ou partielle du remboursement demeurant l'exception.

Actuellement, c'est l'inverse qui est la règle commune puisque la charge financière incombe à l'administration d'origine, l'administration ou l'organisme d'accueil ne s'acquittant pas ou peu de ce remboursement.

Pour tenter de régulariser cette situation, deux ministères ont envisagé de mettre en oeuvre des conventions de régularisation mais ces mesures restent actuellement à la fois embryonnaires et largement insuffisantes. A l'heure actuelle, aucune information sur le suivi de ces démarches n'a été transmise au Parlement. C'est pourquoi, l'instauration d'une obligation à la charge de l'organisme d'accueil de rembourser le coût total de la rémunération du fonctionnaire semble primordiale. En l'absence de convention, la mise à disposition sera donc considérée comme une subvention allouée par l'administration d'origine à l'organisme d'accueil et annoncée comme telle.

Il importe donc que l'organisme soit soumis à une obligation de déclaration. Tel est l'objet de l'état dressé par chaque administration ou établissement faisant apparaître le nombre de ses fonctionnaires mis à disposition et le nombre de fonctionnaires mis à sa disposition. Cet état est inclus dans le rapport annuel aux comités techniques paritaires et transmis pour information au ministre chargé de la fonction publique et au ministre chargé du budget. Il semble primordial de le transmettre également au Parlement dans un souci de transparence et de meilleure information.

Ainsi, les sommes allouées par le Parlement ne seront plus détournées de leur objet, les abus éventuels liés à la prise en charge de la rémunération prendraient fin, et le nombre exact de fonctionnaires mis à disposition pourrait être connu, permettant par-là même une gestion plus efficace et plus saine de la fonction publique.

Mieux connaître la réalité actuelle par une meilleure information du Parlement et régulariser toutes les mises à disposition sans compensation financière, tels sont les objectifs essentiels de cette proposition de loi.

Ainsi l'article 1er rend obligatoire l'instauration d'une convention entre l'organisme d'origine et l'organisme d'accueil tendant à compenser la mise à disposition par le remboursement du coût de la rémunération, pour les mises à disposition des fonctionnaires d'État.

Les articles 2 et 3 prévoient un dispositif identique pour la fonction publique territoriale et la fonction publique hospitalière.

L'article 4 vise à encadrer l'observatoire de l'emploi public et permettre un contrôle de cet organisme par la Cour des comptes.

Aujourd'hui, il est impossible de chiffrer avec précision les effectifs de la fonction publique, c'est ce que relèvent plusieurs rapports et notamment le rapport particulier de la Cour des comptes de décembre 1999. Pour tenter de connaître les effectifs de la fonction publique, un organisme a été crée par un décret du 13 juillet 2000 : l'observatoire de l'emploi public. Cet organisme est chargé d'assurer la collecte, l'exploitation et la diffusion de l'information sur l'emploi public et présente chaque année au Parlement un état statistique annuel des effectifs de la fonction publique d'État. Cependant, face à certaines inquiétudes sur les véritables objectifs de cette structure nouvellement créée, il semble important d'encadrer cet organisme et de permettre son contrôle par la Cour des comptes.

L'article 5 prévoit, pour la fonction publique d'État, la transmission pour information du rapport annuel aux comités techniques paritaires, au ministre chargé de la fonction publique, au ministre chargé du budget et au Parlement.

Les articles 6 et 7 prévoient, pour la fonction publique territoriale, et la fonction publique hospitalière le même dispositif.

C'est autour de ces objectifs que s'articulent les mesures de cette proposition de loi.

PROPOSITION DE LOI


TITRE I


DES CONDITIONS DE LA MISE À DISPOSITION

Article 1er

Après l'article 44 de la loi n°84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'État, il est inséré un article additionnel, ainsi rédigé:

« Art. 44-1. - Toute mise à disposition doit, sous peine de nullité, faire préalablement l'objet d'une convention entre l'administration d'origine et l'organisme d'accueil prévoyant une obligation de remboursement intégral de la rémunération du ou des fonctionnaires intéressés à la charge de l'organisme d'accueil

« Un décret pris en Conseil d'État précisera les modalités d'application de cette présente loi ».

Article 2

Après l'article 63 de la loi n°84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, il est inséré un article additionnel ainsi rédigé:

« Art. 63 bis . - Toute mise à disposition doit, sous peine de nullité, faire préalablement l'objet d'une convention entre l'administration d'origine et l'organisme d'accueil prévoyant une obligation de remboursement intégral de la rémunération du ou des fonctionnaires intéressés à la charge de l'organisme d'accueil.

« Un décret pris en Conseil d'État précisera les modalités d'application de cette présente loi ».

Article 3

Après l'article 50 de la loi n°86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière, il est inséré un article additionnel ainsi rédigé:

« Art. 50 bis . - Toute mise à disposition doit, sous peine de nullité, faire préalablement l'objet d'une convention entre l'administration d'origine et l'organisme d'accueil prévoyant une obligation de remboursement intégral de la rémunération du ou des fonctionnaires intéressés à la charge de l'organisme d'accueil.

« Un décret pris en Conseil d'État précisera les modalités d'application de cette présente loi ».


TITRE II


CONTRÔLE DES MISES À DISPOSITIONS

Article 4

L'observatoire de l'emploi public est soumis au contrôle de la Cour des comptes. Ce contrôle est destiné à évaluer l'efficacité de l'action de l'observatoire, à mesurer les résultats au regard des objectifs fixés, et à harmoniser les investigations de l'observatoire de l'emploi public avec les contrôles de la Cour des comptes. Un décret pris en Conseil d'État précisera les modalités d'application de cette présente loi.

Article 5

Il est inséré, in fine, à l'article 43 de la loi 84-16 du 11 janvier 1984 précitée, un alinéa ainsi rédigé :

« Ce rapport est transmis pour information au ministre chargé de la fonction publique, au ministre chargé du budget et au Parlement. »

Article 6

Il est inséré, in fine, à l'article 63 de la loi 84-53 du 26 janvier 1984 précitée, un alinéa ainsi rédigé :

« Ce rapport est transmis pour information au ministre chargé de la fonction publique, au ministre chargé du budget et au Parlement. »

Article 7

Il est inséré, in fine, à l'article 50 de la loi 86-33 du 9 janvier 1986 précitée, un alinéa ainsi rédigé :

« Ce rapport est transmis pour information au ministre chargé de la fonction publique, au ministre chargé du budget et au Parlement. »

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