N° 76

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2005-2006

Annexe au procès-verbal de la séance du 14 novembre 2005

PROPOSITION DE LOI
ORGANIQUE

tendant à autoriser le vote par correspondance sous pli fermé et le vote électronique des Français établis hors de France pour l' élection du Président de la République et les référendums ,

PRÉSENTÉE

Par Mme Monique CERISIER-ben GUIGA, MM. Richard YUNG, Jean-Pierre BEL, Mme Nicole BRICQ, MM. Roland COURTEAU, Jean-Pierre DEMERLIAT, Claude DOMEIZEL, Mme Josette DURRIEU, M. Claude HAUT, Mme Odette HERVIAUX, MM. Philippe LABEYRIE, Serge LAGAUCHE, Louis LE PENSEC, Roger MADEC, François MARC, Bernard PIRAS, Mmes Gisèle PRINTZ, Michèle SAN VICENTE, Patricia SCHILLINGER, MM. Jacques SIFFRE, Jean-Pierre SUEUR, Simon SUTOUR, Mme Catherine TASCA, MM. Pierre-Yvon TRÉMEL, André VÉZINHET et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés,

Sénateurs.

( Renvoyée à la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement).

Élections et référendums.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Parmi les deux millions de Français établis hors de France, moins de 390 000 citoyens sont inscrits sur les listes électorales pour l'élection du Président de la République et moins de 460 000 pour les référendums. Outre la faiblesse numérique des inscrits, la participation électorale très peu élevée constitue une caractéristique du vote des ressortissants français établis à l'étranger. Lors des élections présidentielles de 2002, pourtant marquées par une forte participation, le taux d'abstention a atteint plus de 62 % au 1 er tour. Pour le référendum sur le traité portant Constitution européenne, ce taux a grimpé à plus de 67 %.

Cette situation n'est pas la conséquence d'un quelconque incivisme ou d'une soi-disant démobilisation démocratique. Bien au contraire, cet état de fait relève de l'organisation des scrutins à l'étranger, qui ne permet pas toujours, en dépit des efforts de notre réseau consulaire, le vote de nos concitoyens dans les meilleures conditions.

En effet, le principal obstacle à l'expression du suffrage des Français vivant à l'étranger, c'est bel et bien la distance, souvent très importante, qui les sépare du bureau de vote dont ils dépendent. Du reste, au fil des ans, la rupture entre le citoyen-électeur et son bureau de vote s'accentuera dans la mesure où notre réseau consulaire tend à se réduire.

Pour contrecarrer cette « fracture électorale », certains procédés exceptionnels tels que le vote par correspondance sous pli fermé ou, exceptionnellement, le vote par voie électronique 1 ( * ) ont été mis en place afin de faire abstraction de l'éloignement par rapport au bureau de vote. Toutefois, à ce jour, ces modalités ne concernent que l'élection des membres de l'Assemblée des Français de l'Étranger, qui a remplacé le Conseil Supérieur des Français de l'Étranger en 2004.

Depuis leur entrée en vigueur, ces mesures n'ont fait l'objet d'aucune critique sérieuse et le risque de fraude électorale semble marginal. En outre, le Gouvernement a fait savoir dans sa réponse à la question écrite de l'un de nos collègues députés (n°62.164, réponse en date du 7 juin 2005) qu'il était favorable à l'introduction du vote électronique des Français de l'étranger pour les échéances électorales de 2007.

Au sein de l'Union européenne, seize États sur vingt-cinq (Allemagne, Autriche, Belgique, Danemark, Espagne, Estonie, Grèce, Italie, Lettonie, Lituanie, Luxembourg, Pays-Bas, Portugal, Royaume-Uni, Slovénie et Suède), soit près des deux tiers des États membres, permettent à leurs ressortissants installés à l'étranger de prendre part à distance, selon diverses modalités, à leurs élections nationales respectives. À titre d'exemple, la Constitution grecque a récemment été modifiée pour permettre la participation électorale des Grecs de l'étranger. De même, une association des Suédois dans le monde, il y a quelques années, a convaincu le Parlement suédois d'autoriser le vote à distance au bénéfice des Suédois de l'étranger. Ces modalités de vote à distance n'ont débouché sur aucun contentieux électoral.

Par conséquent, pourquoi permettre aux citoyens établis hors de France de voter à distance dans le cas particulier de l'élection de l'Assemblée des Français de l'Étranger et ne pas l'autoriser pour l'élection du Président de la République et les référendums ?

Compte tenu du fait que la loi organique n°76-97 du 31 janvier 1976 sur le vote des Français établis hors de France pour l'élection du Président de la République s'applique aussi bien à cette élection qu'aux référendums (article 20 de la loi), il suffit de modifier ce seul texte pour étendre le vote par correspondance sous pli fermé ou par voie électronique à ces deux consultations.

La présente proposition de loi organique a donc pour objet, conformément d'ailleurs à la position du Conseil de l'Europe 2 ( * ) , en créant un nouvel article 13-1 de la loi organique de 1976, d'élargir le vote par correspondance aux élections présidentielles et aux référendums.

Certes, le vote à distance représenterait une exception au regard des principes traditionnels du droit électoral mais cette technique permettrait surtout d'établir une égalité réelle entre les citoyens de l'hexagone, d'une part, et les citoyens établis à l'étranger, d'autre part.

Néanmoins, ce nouveau procédé devrait être strictement encadré. C'est la raison pour laquelle il a paru souhaitable d'insérer dans cette proposition des dispositions tendant à assurer la transparence et la régularité de ces consultations populaires. Les nouveaux articles 13-2 et 13-3 de la loi organique, qui s'inspirent notamment, d'une part, de l'expérimentation du vote électronique pour l'élection de l'Assemblée des Français de l'Étranger, et, d'autre part, du décret n°84-252 du 6 avril 1984 portant statut du Conseil Supérieur des Français de l'Étranger et fixant les modalités d'élection de ses membres, ont pour objet de mettre en place ces règles, respectivement pour le vote par voie électronique et pour le vote par correspondance sous pli fermé.

Telles sont les raisons pour lesquelles il vous est proposé d'adopter la présente proposition de loi organique.

PROPOSITION DE LOI ORGANIQUE

Article unique

Après l'article 13 de la loi organique n°76-97 du 31 janvier 1976 sur le vote des Français établis hors de France pour l'élection du Président de la République, il est inséré les articles 13-1 à 13-3 ainsi rédigés :

« Article 13-1 - Les électeurs votent soit dans les bureaux ouverts en application de l'article 2, soit par correspondance sous pli fermé ou par voie électronique.

« Article 13-2 - Le vote par voie électronique est régi par les dispositions suivantes :

« I. L'électeur ayant exercé son droit de vote par voie électronique n'est admis à voter ni par correspondance sous pli fermé ni en se présentant dans l'un des bureaux de vote ouverts en application de l'article 5 de la loi du 7 juin 1982 susvisée.

« II. Les données relatives aux Français inscrits sur la liste électorale prévue dans chaque circonscription consulaire par l'article 2 de la loi du 7 juin 1982 susvisée ainsi que celles relatives à leur vote font l'objet, selon les modalités techniques fixées par arrêté du Ministre des Affaires Étrangères, de deux traitements automatisés d'information distincts, respectivement dénommés « fichier des électeurs » et « contenu de l'urne électronique ».

« Le traitement dénommé « fichier des électeurs » a pour objet de fournir à chaque électeur, à partir de la liste électorale tenue par chaque consulat, des codes lui permettant d'exprimer son vote par voie électronique, d'identifier les électeurs ayant pris part au vote électronique et d'en éditer la liste.

« Le traitement dénommé « contenu de l'urne électronique » a pour objet de recenser, par bureau, les votes exprimés par voie électronique. Les données de ce second fichier sont cryptées et ne peuvent comporter de lien permettant l'identification des électeurs.

« Les postes consulaires où sont installés un ou plusieurs bureaux de vote transmettent au secrétariat général de l'Assemblée des Français de l'Étranger la liste des électeurs dès sa validation par la commission administrative locale prévue à l'article 2 bis de la loi du 7 juin 1982 susvisée.

« III. Il est attribué à chaque électeur un code permettant de l'identifier et un mot de passe unique.

« L'autorité consulaire adresse à tous les électeurs une circulaire et un bulletin de vote de chaque liste ou candidat, l'adresse du site Internet auquel l'électeur doit se connecter pour voter et, dans des conditions garantissant leur confidentialité, les deux informations mentionnées à l'alinéa précédent.

« IV. Le droit de vote peut être exercé par voie électronique aux dates et heures fixées par décret publié au plus tard dans les huit jours qui précèdent le scrutin.

« Pour voter par voie électronique, l'électeur, après connexion au site Internet mentionné au III du présent article, s'identifie au moyen des éléments d'identification personnelle qui lui ont été attribués, exprime son vote et le valide. La validation du vote le rend définitif et empêche toute modification.

« V. Avant l'ouverture du scrutin, la liste des électeurs ayant voté par voie électronique est communiquée par l'autorité consulaire au président du bureau de vote afin que leur vote soit mentionné sur la liste d'émargement.

« VI. Lors du dépouillement des votes, le président du bureau et l'un des assesseurs reçoivent de l'autorité consulaire, selon les modalités garantissant leur confidentialité, deux codes distincts permettant d'accéder aux données du fichier dénommé « contenu de l'urne électronique ».

« Le nombre de suffrages exprimés par voie électronique, ainsi que le nombre de voix ainsi obtenues par chaque liste, est édité sur une feuille de dépouillement distincte, dont le président donne lecture.

« Le bureau contrôle que le nombre total de suffrages exprimés par voie électronique correspond au nombre des mentions de vote par voie électronique sur la liste d'émargement.

« Le nombre total de suffrages exprimés par voie électronique, ainsi que le nombre de voix obtenues par chaque liste sont portés au procès-verbal sur une ligne distincte intitulée : votes par voie électronique.

« Un décret en Conseil d'État fixe, le cas échéant, les conditions d'application du présent article.

« Article 13-3 - Le vote par correspondance sous pli fermé est régi par les dispositions suivantes :

« I. Les électeurs votent par correspondance dans les pays où il ne leur est pas possible de se rendre au bureau de vote. Dans les autres pays ils peuvent voter par correspondance à condition d'en avertir par écrit l'autorité consulaire au plus tard le 31 mars précédant la date du scrutin.

« II. L'autorité consulaire leur envoie en temps voulu, avec les bulletins de vote, une enveloppe portant une formule d'identification ainsi que l'enveloppe de scrutin opaque et non gommée destinée à contenir le bulletin qu'ils auront choisi.

« Toutefois, après la date du 31 mars, si des circonstances imprévues empêchent sa présence le jour du scrutin, tout électeur peut, jusqu'à 18 heures (heure locale) du deuxième jour précédant le scrutin, demander à voter par correspondance, à condition de se présenter personnellement devant l'autorité consulaire pour retirer le matériel électoral.

« L'électeur adresse sous pli fermé à l'autorité consulaire ou préfectorale l'enveloppe d'identification renfermant elle-même l'enveloppe de scrutin contenant le bulletin de vote. Ce pli doit parvenir à destination au plus tard le jour précédant la date de l'élection. Les plis parvenus en retard ne seront pas ouverts et seront incinérés en présence de l'autorité compétente qui en dressera procès-verbal.

« Les plis contenant les votes par correspondance sont conservés par l'autorité consulaire ou préfectorale jusqu'au matin du scrutin et apportés dans la salle de vote au commencement des opérations de vote. Ils sont remis au président qui en donne décharge.

« III. Avant de déposer dans l'urne l'enveloppe contenant le suffrage d'un électeur votant par correspondance, le président vérifie son identité de la manière suivante :

« 1. En ce qui concerne les électeurs immatriculés, par comparaison de la signature portée sur la formule d'identification et de la signature portée sur la fiche d'immatriculation ou sur la demande de vote par correspondance, la signature, dans ce dernier cas, ayant été préalablement authentifiée par l'autorité consulaire.

« 2. En ce qui concerne les militaires en stationnement et les membres de leur famille, par comparaison de la signature portée sur la formule d'identification et de la signature authentifiée par l'autorité militaire sous le contrôle et la responsabilité de la prévôté et portée sur la demande de vote par correspondance.

« 3. En ce qui concerne les électeurs non immatriculés, par comparaison de la signature portée sur la formule d'identification et de celle que l'autorité consulaire a pu faire porter par l'électeur sur tout document qu'elle détient.

« Un décret en Conseil d'État fixe, le cas échéant, les conditions d'application du présent article. »

* 1 Loi n°2003-277 du 28 mars 2003 tendant à autoriser le vote par correspondance électronique des Français établis hors de France pour les élections du Conseil supérieur des Français de l'étranger.

* 2 Conseil de l'Europe, Recommandation N°R (86) 8 du Comité des Ministres aux États membres sur l'exercice dans l'État de résidence par les ressortissants d'autres États membres du droit de vote dans les élections de l'État d'origine. Adopté le 21 mars 1986, ce texte vise à permettre aux citoyens des États membres établis à l'étranger de voter dans les consulats, par procuration ou par correspondance.

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