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N° 489

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2015-2016

Enregistré à la Présidence du Sénat le 23 mars 2016

PROPOSITION DE LOI

tendant à modifier le mode de scrutin pour l' élection du Conseil général de Mayotte ,

PRÉSENTÉE

Par MM. Thani MOHAMED SOILIHI, Didier GUILLAUME, Maurice ANTISTE, Mmes Delphine BATAILLE, Maryvonne BLONDIN, Françoise CARTRON, MM. Jacques CHIRON, Félix DESPLAN, Vincent EBLÉ, Mmes Dominique GILLOT, Odette HERVIAUX, MM. Philippe KALTENBACH, Serge LARCHER, Jeanny LORGEOUX, François MARC, Mmes Michelle MEUNIER, Danielle MICHEL, MM. Alain NÉRI, Daniel RAOUL, Jean-Pierre SUEUR, Simon SUTOUR, Mme Catherine TASCA, MM. Jean-Louis TOURENNE, Jacques BIGOT, Roland COURTEAU, Marc DAUNIS, Mmes Anne EMERY-DUMAS, Gisèle JOURDA, MM. Bernard LALANDE, Jean-Yves LECONTE, Mmes Stéphanie RIOCREUX, Patricia SCHILLINGER M. et les membres du groupe socialiste et républicain,

Sénateurs

(Envoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement.)

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

L'année 2011 a vu l'achèvement d'une longue évolution, l'aboutissement d'un combat mené depuis une cinquantaine d'années : Mayotte est devenue tout à la fois un département et une région de l'article 73 de la Constitution.

Ce statut de première collectivité aux compétences unifiées fonde la spécificité de l'île dans le paysage ultramarin. Alors que la grande majorité des collectivités d'outre-mer s'orientent vers un surcroît d'autonomie, Mayotte aspire à un alignement de plus en plus complet sur le droit commun métropolitain.

Des bouleversements sociaux majeurs ont accompagné la réforme des institutions, en témoigne la profonde mutation du droit coutumier, la fin des missions traditionnelles des cadis ou encore la création d'un état civil. S'y ajoutent la mise en place de la fiscalité de droit commun depuis le 1 er janvier 2014 et l'accès récent de Mayotte au statut européen de région ultrapériphérique (RUP). L'île pourra désormais bénéficier des fonds structurels européens nécessaires à son développement économique.

La jeune collectivité doit faire face à des défis de taille. La démographie a explosé au cours des dix dernières années. La contestation sociale de l'automne 2011 a mis en lumière le syndrome de « la vie chère ». Le système scolaire doit être réformé pour tenir compte tout à la fois de la forte progression des effectifs, du manque d'infrastructures et des résultats scolaires défaillants. La problématique de l'immigration illégale persiste. Quant aux collectivités territoriales mahoraises, elles présentent une situation budgétaire préoccupante dont les conséquences ne sont pas sans incidence sur l'économie régionale.

Pour être pleinement efficace, l'action des pouvoirs publics locaux doit être adaptée aux préoccupations mahoraises, aux aspirations de la population et aux spécificités ultramarines.

Mais, pour relever le pari de la croissance, Mayotte a surtout besoin de s'inscrire dans des politiques de développement cohérentes dans la durée. Légiférer de manière adaptée ne peut se faire sans une majorité stable. Les politiques publiques imposent, pour être efficace et effective, une certaine continuité. Mayotte souffre, en la matière, de plusieurs maux : les majorités sont bien souvent insuffisantes pour parvenir à des réformes de structures, les élus sont renouvelés à un rythme trop rapide pour avoir le temps de mener à bien leurs projets, les partis doivent davantage se structurer et adopter une ligne politique claire. L'urgence à trouver une solution d'équilibre est à la mesure des défis socio-économiques à relever.

Le mode de scrutin des conseillers à l'assemblée de Mayotte doit permettre d'assurer cette stabilité, sujet sensible s'il en est puisqu'il a trait de manière directe à l'exercice de la démocratie. C'est à ce prix que l'on pourra améliorer la gouvernance territoriale et l'efficacité des politiques publiques. C'est aussi la raison pour laquelle il convient d'assurer une représentation suffisante des territoires. Un délicat travail de refonte des frontières électives a été opéré. Afin de parachever ce nouveau découpage, il importe que chaque canton dispose d'un même nombre de représentants, d'une même capacité à faire valoir ses idées. La richesse des territoires ne pourra qu'enrichir le débat démocratique.

Stabilité des majorités, simplicité et lisibilité du vote, représentation des territoires, pluralisme des partis, tels sont les enjeux de la réforme du mode de scrutin que la présente proposition de loi appelle de ses voeux.

La collectivité unique de Mayotte exerçant tout à la fois les attributions d'un département et d'une région ; il apparait cohérent de s'inspirer du mode de scrutin applicable aux élections régionales. Celui-ci a d'ailleurs démontré sa pertinence en métropole.

Il est donc proposé d'instaurer un scrutin proportionnel de liste à deux tours. La représentation des différents courants politiques sera assurée et les risques de blocage institutionnel neutralisés par la fixation d'un seuil de maintien au second tour de 5 % des suffrages exprimés et une prime majoritaire de 33 %, soit huit sièges sur vingt-six, pour tenir compte des faibles majorités issues des élections récentes sur l'île. De manière à garantir une certaine proximité des élus avec les citoyens, la circonscription unique de Mayotte sera divisée en autant de sections qu'il y a de cantons. Un même nombre de sièges sera attribué à chaque section. Les sièges acquis par chacune des listes seront ensuite répartis au prorata des voix obtenues par section.

Tel est le sens de l'article unique de la présente proposition de loi.

PROPOSITION DE LOI

Article unique

Le chapitre III du titre I er du livre VI du code électoral est ainsi modifié :

1° L'article L. 460 est ainsi rétabli :

« Art. L. 460 - Mayotte forme une circonscription électorale unique.

« Les conseillers à l'assemblée de Mayotte sont élus au scrutin de liste à deux tours sans adjonction ni suppression de noms et sans modification de l'ordre de présentation. Chaque liste est constituée d'autant de sections qu'il y a de cantons à Mayotte. Un même nombre de sièges est attribué à chaque section.

« Au premier tour de scrutin, il est attribué à la liste qui a obtenu le plus de voix un nombre de sièges égal au tiers du nombre des sièges à pourvoir, arrondi à l'entier inférieur. Cette attribution opérée, les autres sièges sont répartis entre toutes les listes à la représentation proportionnelle suivant la règle de la plus forte moyenne.

« Si aucune liste n'a recueilli la majorité absolue des suffrages exprimés au premier tour, il est procédé à un second tour. Il est attribué à la liste qui a obtenu le plus de voix un nombre de sièges égal au tiers du nombre des sièges à pourvoir, arrondi à l'entier inférieur. En cas d'égalité de suffrages entre les listes arrivées en tête, ces sièges sont attribués à la liste dont les candidats ont la moyenne d'âge la plus élevée. Cette attribution opérée, les autres sièges sont répartis entre toutes les listes à la représentation proportionnelle suivant la règle de la plus forte moyenne.

« Les listes qui n'ont pas obtenu au moins 5 % des suffrages exprimés ne sont pas admises à la répartition des sièges.

« Si plusieurs listes ont la même moyenne pour l'attribution du dernier siège, celui-ci revient à la liste qui a obtenu le plus grand nombre de suffrages. En cas d'égalité de suffrages, le siège est attribué au plus âgé des candidats susceptibles d'être proclamés élus. »

2° Au début, il est ajouté un article L. 461 ainsi rédigé :

« Art. L. 461. - Les sièges attribués à chaque liste en application de l'article L. 460 sont répartis entre les sections au prorata des voix obtenues par la liste dans chaque section. Si plusieurs listes ont la même moyenne au sein d'une section, le dernier siège revient à la section départementale qui a obtenu le plus grand nombre de suffrages. En cas d'égalité de suffrages, le siège est attribué au plus âgé des candidats susceptibles d'être proclamés élus.

« Les sièges sont attribués aux candidats dans l'ordre de présentation sur chaque section. »

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