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N° 649

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2015-2016

Enregistré à la Présidence du Sénat le 30 mai 2016

PROPOSITION DE LOI

portant transfert du département vers la région de la compétence transport scolaire spécial des personnes handicapées ,

PRÉSENTÉE

Par MM. Éric DOLIGÉ, Christophe BÉCHU, Jean BIZET, Gilbert BOUCHET, Michel BOUVARD, Christian CAMBON, Jean-Noël CARDOUX, Jean-Claude CARLE, Mme Caroline CAYEUX, MM. Daniel CHASSEING, Alain CHATILLON, Gérard CORNU, Dominique de LEGGE, Henri de RAINCOURT, Mmes Jacky DEROMEDI, Marie-Hélène DES ESGAULX, Marie-Annick DUCHÊNE, M. Alain DUFAUT, Mme Joëlle GARRIAUD-MAYLAM, MM. Alain GOURNAC, Michel HOUEL, Benoît HURÉ, Jean-François HUSSON, Guy-Dominique KENNEL, Marc LAMÉNIE, Mme Élisabeth LAMURE, MM. Robert LAUFOAULU, Philippe LEROY, Gérard LONGUET, Mme Vivette LOPEZ, MM. Didier MANDELLI, Patrick MASCLET, Mmes Colette MÉLOT, Brigitte MICOULEAU, MM. Alain MILON, Jean-Marie MORISSET, Philippe MOUILLER, Cédric PERRIN, François PILLET, Louis PINTON, Rémy POINTEREAU, Mme Sophie PRIMAS, MM. Michel RAISON, Michel VASPART, Jean-Pierre VIAL et Mme Marie MERCIER,

Sénateurs

(Envoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement.)

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République transfère, à compter du 1 er septembre 2017, la compétence transport scolaire du département vers la région à l'exclusion du transport scolaire spécial des personnes handicapées.

Cette partition de la compétence transport scolaire a été justifiée à l'occasion des débats parlementaires par la compétence des départements en matière d'action sociale et de solidarité.

Les rapporteurs du projet de loi considéraient que le maintien au département de la compétence transport scolaire des personnes en situation de handicap permettrait à ces dernières de conserver un interlocuteur unique.

C'était faire un amalgame entre les départements et les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH).

Si les MDPH, s'appuyant sur les différents intervenants de l'action sociale que peuvent être le département, mais aussi les centres communaux ou intercommunaux d'action sociale, les services de l'État, les organismes de protection sociale et les associations représentatives, ont en effet pour vocation d'être le « guichet unique » des personnes handicapées, elles sont des structures indépendantes des départements prenant la forme de groupement d'intérêt public (GIP).

Par ailleurs, elles n'interviennent pas dans le financement ou la gestion du transport scolaire des personnes handicapées.

Tout au plus peuvent-elles rendre un avis, au sens de l'article L. 146-8 du code de l'action sociale et des familles, permettant de déterminer si le niveau de handicap d'un élève nécessite ou non un transport scolaire adapté.

Mais si la pratique veut que les commissions des droits et de l'autonomie des personnes handicapées (CDAPH) fournissent un tel diagnostic, aucun texte n'impose cette procédure.

L'article R. 213-13 du code de l'éducation prévoit uniquement que « les frais de déplacement exposés par les élèves handicapés [...] qui ne peuvent utiliser les moyens de transport en commun en raison de la gravité de leur handicap, médicalement établie , sont pris en charge par le département du domicile des intéressés . »

Dès lors, un simple certificat médical attestant de la gravité du handicap pourrait permettre la prise en charge, par un département, des frais de transports individuels des élèves handicapés comme l'a rappelé en 2011 une réponse ministérielle (Assemblée nationale - QE n° 97294, Réponse JO du 22/11/2011, page 12311).

L'intervention de la MDPH dans ce domaine n'est donc qu'accessoire et, quoiqu'il en soit, l'élève handicapé, pour bénéficier d'un transport adapté, doit être orienté vers un interlocuteur différent.

Ainsi, la prise en charge de l'élève handicapé ne sera pas rendue plus efficiente, ni pour l'administration, ni pour l'usager, par la dissociation du transport scolaire classique du transport spécial pour personnes handicapées, bien au contraire.

Car c'est indéniablement au titre de sa compétence transport scolaire que le département intervient en la matière et non au titre de sa compétence en matière d'action sociale.

Le financement du transport spécial des personnes handicapées ne constitue pas une prestation d'aide sociale.

Pour preuve, les dispositions relatives à la prise en charge du transport des élèves handicapés par les départements sont intégrées au Code de l'éducation (article R. 213-13 et suivants) dans sa partie relative au transport scolaire.

Le code de l'action sociale et des familles, dans sa partie relative aux personnes handicapées, ne traite pas du transport scolaire des personnes handicapées mais seulement de l'accessibilité et de l'adaptation des transports collectifs.

Le seul fait d'être scolarisé ne justifie pas de faire basculer la personne en situation de handicap vers la compétence action sociale du département alors que le déplacement des autres personnes handicapées relèverait de la compétence transport de la région.

Surtout, la loi du 7 août 2015 précitée instaure une distinction au sein même du transport des élèves handicapés.

En effet les élèves handicapés en capacité d'utiliser le réseau de transport scolaire collectif ordinaire relèveront de la compétence de la région alors que seuls les élèves handicapés dans l'incapacité d'utiliser ce réseau relèveront de la compétence du département.

En pratique, alors même que l'objectif de la loi est d'assurer la cohérence en confiant aux régions l'ensemble des compétences relatives aux transports, l'usager devra s'adresser à un interlocuteur différent en fonction de la gravité de son handicap, lequel étant par ailleurs susceptible d'évoluer.

Avant tout, l'expérience apportée par les départements a pu démontrer la nécessité d'une gestion simultanée des réseaux de transport interurbain, des transports à la demande, des services spéciaux scolaires et des transports spécifiques aux personnes handicapées.

En pratique la dissociation de ces différentes formes de transport public s'avèrera techniquement compliquée et économiquement irrationnelle.

En effet, la compétence transport scolaire spécial des personnes handicapées ne se limite pas à une simple prise en charge financière mais nécessite bien des capacités d'organisation propres à une autorité organisatrice des transports.

L'exercice de cette compétence passe notamment par l'organisation du transport individuel des élèves handicapés. Or, en toute incohérence, la région sera également amenée à organiser un transport individuel pour certains élèves, au titre de l'article L. 3111-10 du code des transports.

De la même manière, à compter du 1 er septembre 2017, en tant qu'autorité organisatrice des transports, la région sera tenue, conformément à l'article L. 3111-7-1 du code des transports, d'organiser un moyen de substitution pour les élèves en situation de handicap en cas d'impossibilité de procéder à la mise en accessibilité des points d'arrêts de son réseau de transport.

Dans tous les cas, la région sera amenée à intervenir en matière de transport scolaire pour personnes handicapées.

Dissocier la compétence transports scolaires de la compétence transport spécial des élèves handicapés constitue ainsi une erreur qui affectera le bon fonctionnement du service public et stigmatisera les élèves en situation de handicap.

Au contraire, il est d'évidence nécessaire d'assurer l'unicité de la compétence d'autorité organisatrice des transports publics afin d'en simplifier l'accès aux élèves en situation de handicap.

Au reste, pour conserver en tous cas une telle cohérence, la possibilité de délégation d'organisation des transports scolaire par la région au département, prévue au 7° de l'article 15 de la loi du 7 août 2015, ne doit pas être dissociable de la délégation simultanée du transport spécial des élèves handicapés.

Il est donc proposé de transférer à la région, à compter du 1 er septembre 2017, la compétence en matière de transport scolaire spécial des élèves handicapés et de ne permettre la délégation de celle-ci par la région au département que de manière conjointe avec la délégation de la compétence transports scolaires.

PROPOSITION DE LOI

Article 1 er

L'article 15 de la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République est ainsi modifié :

1° Le I est ainsi modifié :

a ) Après les mots : « à la demande, », la fin de la première phrase du deuxième alinéa du 2 ° est ainsi rédigée : « sont organisés et financés par la région, y compris les services de transport spécial des élèves handicapés vers les établissements scolaires  » ;

b ) À la première phrase du second alinéa du 7°, les mots  : « tout ou partie de l'organisation des transports scolaires » sont remplacés par les mots : « l'organisation des transports scolaires y compris le transport spécial des élèves handicapés » ;

2° Le second alinéa du 3° du III est complété par les mots :  « , y compris le transport spécial des élèves handicapés ».

Article 2

Les conséquences financières résultant pour les collectivités territoriales de la présente loi sont compensées, à due concurrence, par une majoration de la dotation globale de fonctionnement.

Les conséquences financières résultant pour l'État de l'alinéa précédent sont compensées, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

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