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N° 66

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2016-2017

Enregistré à la Présidence du Sénat le 24 octobre 2016

PROPOSITION DE LOI

visant à prévenir et compenser les suppressions d' activités et à assurer un juste équilibre entre les territoires ,

PRÉSENTÉE

Par M. Gaëtan GORCE,

Sénateur

(Envoyée à la commission des affaires sociales, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement.)

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Il n'y a plus de politique d'aménagement du territoire. Cette carence est d'autant plus dommageable que les inégalités territoriales ne cessent de se creuser. Au cours des dernières années, l'État a même joué un rôle négatif via la RGPP (révision générale des politiques publiques) et les suppressions d'activité qui l'ont accompagnée, sans considération pour leurs conséquences directes ou indirectes pour les zones concernées. Ainsi a-t-on vu de petites villes brutalement privées de leur régiment ou base militaire, sans autre perspective de reconversion que la mobilisation de crédits publics autour d'objectifs vagues et indéfinis. De même, les effets d'un plan de licenciement ou d'une fermeture d'établissement dans des secteurs de mono-industries ne font-ils l'objet d'une évaluation qu'après-coup, et sans garantie de résultats quant aux reconversions envisagées. Cette politique de « Gribouille » doit laisser la place à une véritable stratégie publique visant à préserver l'avenir et l'équilibre entre les territoires. Tel est le sens de la présente proposition de loi.

Celle-ci crée tout d'abord à la charge de l'État une obligation préalable d'évaluer de manière complète et objective l'impact des suppressions d'emploi ou de la fermeture d'établissement envisagée sur l'économie locale. Il s'agira d'en mesurer les conséquences tant en termes d'emploi, direct et indirect, que de perte de pouvoir d'achat sur le territoire, ou d'effet sur le logement, l'utilisation des services publics (école, transports, etc.), les ressources fiscales, etc.

Cette évolution pourra servir de base à la négociation entre l'État et les collectivités impactées des compensations nécessaires à la préservation de l'équilibre économique des territoires touchés par ces réorganisations.

Cette proposition de loi crée également une obligation de contribution pour les entreprises de plus de mille salariés qui licencient sur plusieurs sites ou sur des bassins d'emploi différents. Cette obligation de contribution, qui ne serait pas applicable aux entreprises en redressement ou en cours de liquidation judiciaires, ne se substituerait pas à l'obligation de revitalisation déjà prévue à l'article L. 1233-84 du code du travail. En effet seraient déduits du montant de l'obligation de contribution, les licenciements déjà pris en compte, le cas échéant, au titre de l'obligation de revitalisation. Le montant de la contribution à verser est fixé dans une convention qu'elle conclut avec l'autorité administrative et qui doit être signées dans les six mois à compter de la notification des licenciements.

De même, et pour contribuer à une meilleure répartition des services sur le territoire, l'État, à l'échelon central, comme chaque entreprise nationale dotées d'une mission de service public, devra tous les 5 ans dresser l'inventaire des services susceptibles d'être délocalisés dans des territoires en difficulté.

PROPOSITION DE LOI

Article 1 er

Dans les départements définis comme économiquement fragiles, toute réduction d'activité, toute fermeture d'un service de l'État, est précédée d'une étude permettant d'évaluer l'impact de ces mesures sur l'économie du territoire concerné.

L'étude permet d'apprécier notamment leurs conséquences sur l'emploi, direct ou indirect, le pouvoir d'achat, les conditions de fonctionnement des services publics ainsi que sur les ressources financières des collectivités locales à l'échelle du bassin d'emploi concerné.

Cette étude, qui est rendue publique, détermine les préjudices subis par le territoire comme la nature des compensations susceptibles de lui être attribuées.

Un décret précise les modalités d'application du présent article.

Article 2

Le représentant de l'État dans le département dresse chaque année un état des emplois publics au sein des services déconcentrés et de l'Éducation nationale ainsi que dans les entreprises publiques chargées d'une mission de service public. Le rapport qui en résulte est remis au président de l'assemblée départementale.

Article 3

L'État, à l'échelon central comme les entreprises publiques nationales chargées de mission de service public arrêtent tous les cinq ans la liste des services ou activités susceptibles d'être transférés dans des territoires fragilisés par la perte de population ou d'emplois afin de favoriser un meilleur équilibre entre les territoires. Cette liste sert de base à l'élaboration d'un plan de transfert, assorti d'un calendrier précis. Ce plan est communiqué au Parlement.

Article 4

Après l'article L. 1233-86 du code du travail, sont insérés des articles L. 1233-86-1 à 1233-86-3 ainsi rédigés :

« Art. L. 1233-86-1. - Lorsqu'elles procèdent à un licenciement collectif ayant un impact significatif sur l'ensemble du territoire national, mais n'affectant pas par son ampleur l'équilibre des bassins d'emploi où ce licenciement collectif intervient, les entreprises mentionnées à l'article L. 1233-71 sont tenues de contribuer à ce titre à la création d'activités et au développement des emplois selon les modalités prévues aux articles L. 1233-86-2 et L. 1233-86-3.

« Ces dispositions ne sont pas applicables dans les entreprises en redressement ou en liquidation judiciaire.

« Un décret fixe les modalités d'application du présent article.

« Art. L. 1233-86-2. - Une convention entre l'entreprise et l'autorité administrative, conclue dans un délai de six mois à compter de l'accomplissement de la notification prévue à l'article L. 1233-46, détermine la nature ainsi que les modalités de financement et de mise en oeuvre des actions prévues à l'article L. 1233-86-1.

« La contribution financière prévue à l'article L. 1233-86-3 peut notamment compléter des dispositifs existants ayant pour objet de contribuer à la création d'activité et au développement des emplois. Lorsqu'un accord collectif de groupe, d'entreprise ou d'établissement prévoit des actions de telle nature, assorties d'engagements financiers de l'entreprise au moins égaux au montant de la contribution prévue à l'article L. 1233-86, cet accord tient lieu, à la demande de l'entreprise, de la convention prévue au présent article entre l'entreprise et l'autorité administrative, sauf opposition de cette dernière motivée et exprimée dans les deux mois suivant la demande.

« La convention prévue au premier alinéa tient compte des actions de même nature éventuellement mises en oeuvre par anticipation dans le cadre d'un accord collectif relatif à la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences ou prévues dans le cadre du plan de sauvegarde de l'emploi établi par l'entreprise.

« Art. L. 1233-86-3. - Le montant de la contribution ne peut être inférieur à une fois la valeur mensuelle du salaire minimum de croissance par emploi supprimé. Pour calculer le montant minimal de cette contribution, le nombre d'emplois supprimés est déterminé dans les mêmes conditions que pour le calcul de la contribution instituée à l'article L. 1233-86. Sont déduits de ce nombre d'emplois supprimés ceux le cas échéant pris en compte par ailleurs au titre de l'obligation prévue à l'article L. 1233-84.

« Toutefois, l'autorité administrative peut fixer un montant inférieur lorsque l'entreprise est dans l'incapacité d'assurer la charge financière de cette contribution.

« Dans les zones dites fragiles dans des conditions fixées par décret, la compensation du préjudice est intégrale. Lorsque celui-ci trouve son origine dans la décision d'une entreprise privée, le montant de la compensation est arrêté d'un commun accord entre les parties, sur la base des données fournies par l'étude d'impact. À défaut, il est fixé par le juge. Lorsque le préjudice est causé par l'État, ou par une personne publique dépendant de l'État, ou par une entreprise publique, le montant comme la nature des compensations est arrêté par accord entre les parties. À défaut, il est arrêté par le Conseil national de l'équilibre des territoires statuant à la majorité de ses membres.

« En l'absence de convention signée, les entreprises versent au Trésor public une contribution égale à trois fois le montant prévu au premier alinéa.

« Un décret en Conseil d'État fixe les modalités d'application du troisième alinéa du présent article, notamment la composition du Conseil national de l'équilibre des territoires. »

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