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N° 210

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1996-1997

Annexe au procès-verbal de la séance du jeudi 6 février 1997.

PROPOSITION DE LOI

relative à la traçabilité de la viande bovine,

PRÉSENTÉE

Par MM. Jean-Marc PASTOR, William CHERVY, Marcel BONY, Fernand TARDY, Bernard PIRAS, François AUTAIN, Germain AUTHIÉ, Mme Maryse BERGÉ-LAVIGNE, MM. Jean BESSON, Robert CASTAING, Roland COURTEAU, Gérard DELFAU, Jean-Pierre DEMERLIAT, Mme Josette DURRIEU, MM. Bernard DUSSAUT, Aubert GARCIA, Claude HAUT, Roland HUGUET, Jean-Pierre MASSERET, Georges MAZARS, Gérard MIQUEL, Michel MOREIGNE, Jean PEYRAFITTE, Paul RAOULT, René RÉGNAULT, Michel ROCARD, Gérard ROUJAS, André ROUVIÈRE, René-Pierre SIGNÉ, Marcel VIDAL et les membres du groupe socialiste (1) et apparentés (2) ,

Sénateurs.

(Renvoyée à la commission des Affaires économiques et du Plan, sous réserve de la constitution éventuelle

d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement.)

(1) Ce groupe est composé de : MM. Guy Allouche, François Autain, Germain Authié, Robert Badinter, Mmes Monique ben Guiga, Maryse Bergé-Lavigne, MM. Jean Besson, Jacques Bialski, Pierre Biarnès, Marcel Bony, Jean-Louis Carrère, Robert Castaing, Francis Cavalier-Benezet, Gilbert Chabroux, Michel Charasse, Marcel Charmant, Michel Charzat, William Chervy, Raymond Courrière, Roland Courteau, Marcel Debarge, Bertrand Delanoë, Gérard Delfau, Jean-Pierre Demerliat, Mme Marie-Madeleine Dieulangard, M. Michel Dreyfus-Schmidt, Mme Josette Durrieu, MM. Bernard Dussaut, Claude Estier, Léon Fatous, Aubert Garcia, Claude Haut, Roland Huguet, Philippe Labeyrie, Guy Lèguevaques, Philippe Madrelle, Jacques Mahéas, Michel Manet, Jean-Pierre Masseret, Marc Massion, Pierre Mauroy, Georges Mazars, Jean-Luc Mélenchon, Gérard Miquel, Michel Moreigne, Jean-Marc Pastor, Guy Penne, Daniel Percheron, Jean Peyrafitte, Jean-Claude Peyronnet, Louis Philibert, Bernard Piras, Mme Danièle Pourtaud, M. Claude Pradille, Mme Gisèle Printz, MM. Roger Quilliot, Paul Raoult, René Régnault, Alain Richard, Roger Rinchet, Michel Rocard, Gérard Roujas, René Rouquet, André Rouvière, Claude Saunier, Michel Sergent, Franck Sérusclat, René-Pierre Signé, Fernand Tardy, André Vézinhet, Marcel Vidal, Henri Weber.

(2) Apparentés : MM. Rodolphe Désiré, Dominique Larifla, Claude Lise

Consommation. - Élevage.

EXPOSÉ DES MOTIFS

MESDAMES, MESSIEURS,

La crise dite « de la vache folle », intervenue sur un marché déjà très déprimé, a fragilisé durablement la filière de la viande bovine. Parce qu'elle concerne la santé publique, de par les effets supposés qu'elle peut avoir sur l'homme (maladie de Creutzfeldt-Jakob), il est impératif aujourd'hui d'apporter des solutions.

Quel est donc l'intérêt d'une transparence de la filière bovine ?

Outre la sauvegarde de l'élevage bovin traditionnel, cela contribuerait à préserver les territoires à tradition d'élevage (et au-delà à aménager le territoire) mais aussi à rassurer le consommateur et par là même à relancer un pan de l'économie française.

La viande bovine en France regroupe :


• les animaux issus de race laitière (pour près de 50 %), et notamment les bêtes de réforme, qui représentent une viande rassie correspondant au goût du consommateur français. Un marché important lui est réservé ;


• les animaux de race à viande avec, traditionnellement, une forte représentation de vaches allaitantes, qui constituent généralement le fleuron de la qualité de notre pays.

Aujourd'hui, la viande est trop souvent proposée au consommateur sans différenciation de race, certes, mais surtout sans différenciation de conduite d'élevage (où et comment l'animal a-t-il été élevé ?)

Il est donc impératif dans un premier temps de clarifier, pour les valoriser, les races à viande : Charolaise, Limousine, Blonde d'Aquitaine, Maine-Anjou, Salers, Aubrac, Gasconne, Parthenaise, Bazadaise, Bleue du Nord et les croisements entre ces races.

Il faut également préciser les différentes conduites d'élevages existants ; on peut en différencier trois types :


• l'élevage extensif (75 % des exploitations bovines en France). Les exploitations pratiquant ces élevages sont situées en zones dites « défavorisées » (zones de montagne). En préservant des élevages, il y a donc bien là un moyen de laisser les populations en place et d'oeuvrer à une réelle politique d'aménagement du territoire ;


• l'élevage semi-intensif (10 à 15 % des exploitations), dans les zones de piémont (systèmes laitiers principalement) ou en plaine (système allaitant naisseur-engraisseur ou laitier) ;


• l'élevage intensif (10 % des exploitations). En zone de plaine, ce sont des exploitations laitières ou des ateliers d'engraissement.

À ce jour, on peut constater les faits suivants : les animaux provenant d'élevage extensif n'ont pas été concernés par la crise de la « vache folle ». Cet élevage, pourtant touché par la crise, présente, rappelons-le, la principale activité économique de nos régions les plus défavorisées ; la maladie de l'ESB n'a atteint que les élevages intensifs. Cet élément, que l'on a peu évoqué, revêt, à notre avis, une grande importance.

La mise en place de logos « viande française », et plus récemment « CQC » (« critères qualité contrôlés ») a sécurisé le consommateur grâce à une meilleure information sur l'origine « française » de la viande. Il nous apparaît pourtant indispensable d'aller au-delà de cette démarche afin d'améliorer les règles de « traçabilité », donc d'identification de l'animal aux différents stades de sa vie jusqu'à sa destination finale.

À partir de ce constat, il apparaît urgent de faire en sorte que le consommateur obtienne des informations fiables et vérifiables sur les viandes qu'il achète, et pour cela de rendre la filière transparente en améliorant à chaque stade les moyens d'information et de contrôle, dans le respect des règles communautaires.

La transparence du produit doit être faite, de la production à la distribution, sans oublier toutes les étapes intermédiaires, nécessaires à sa transformation. Face à cette attente, il apparaît nécessaire de mettre en place les moyens techniques les plus modernes et les plus performants, à savoir l'introduction d'une puce électronique dans le corps de l'animal, en vue d'assurer une « lecture » infaillible de l'identité de celui-ci. Cette nouvelle méthode permettra d'apporter la garantie de l'information au consommateur et d'assurer, pour l'avenir, la pérennité de la filière bovine, durement atteinte depuis le début de la crise de la « vache folle ».

La présente proposition de loi se propose donc d'instaurer les moyens permettant au consommateur d'avoir une connaissance parfaite (race, conduite d'élevage, lieu d'abattage et de découpe, etc.) de la marchandise qu'il achète, et aux éleveurs d'avoir une meilleure valorisation de leur production par la possibilité d'organiser sa promotion par types de produits commercialisés.

Tel est l'objet de la présente proposition de loi que nous vous demandons de bien vouloir adopter.

PROPOSITION DE LOI

Article premier.

Les dispositions de la présente loi ont pour but d'exposer de nouveaux moyens de « traçabilité » des produits bovins afin d'assurer une meilleure lisibilité de ceux-ci et de rassurer le consommateur, en lui fournissant une information loyale, fiable et vérifiable.

Art. 2.

L'identification sanitaire de l'élevage bovin doit être renforcée pour permettre une connaissance précise et détaillée de l'origine de l'animal jusqu'à sa destination finale grâce à un suivi et un contrôle à chaque stade de sa transformation.

Art. 3.

Tout éleveur de bovins établi sur le territoire national est tenu de déclarer toute naissance, intervenue dans son cheptel à compter de la date d'application de la présente loi, à la direction des services vétérinaires de son département.

Art. 4.

L'éleveur transmet également à la direction des services vétérinaires les informations relatives à la race de l'animal, au lieu et type de conduite d'élevage, etc.

À l'occasion de toute transaction intervenue au cours de la vie de l'animal, les informations nouvelles y afférentes sont obligatoirement communiquées à la direction des services vétérinaires, qui procède à l'actualisation de son fichier d'informations.

Art. 5.

Quiconque contreviendrait aux dispositions prévues aux articles 3 et 4 de la présente loi serait frappé de sanctions.

Art. 6.

L'identification de l'animal est rendue possible par l'introduction dans le corps de celui-ci d'une « puce électronique » facilitant ainsi, en recueillant le maximum d'informations, le suivi du parcours de l'animal, de l'étable à l'assiette.

Art. 7.

La direction des services vétérinaires assure la gestion des informations recueillies pour chaque animal.

Elle est chargée de la transmission desdites informations dans une puce électronique.

Elle assure la gestion des puces attribuées.

Elle établit conjointement une fiche d'identité par animal qui contient les mêmes informations.

Le vétérinaire chargé de la première prophylaxie implante la puce fournie par la direction des services vétérinaires et selon des modalités prévues par décret.

Art. 8.

Au moment de l'abattage de l'animal, les informations relatives aux lieux et procédés d'abattage doivent être codifiées dans la puce électronique par le personnel de la direction des services vétérinaires, attaché à l'abattoir.

Art. 9.

Dans l'atelier de découpe, on passe du système de « la puce électronique » à celui du « code-barres » ; celui-ci reprend techniquement toutes les informations de la carcasse et des quartiers et les transcrit sur un système de « lecture vente ».

Art. 10.

La reproduction de l'information fournie par cette puce sur un « code-barres » se fait dans les ateliers de découpe, centres certifiés et agréés, avec une méthode de contrôle spécifique ; cette opération est réalisée sous la surveillance conjointe des services vétérinaires et des services des fraudes.

Art. 11.

Toute tentative de falsification des informations attachées à chaque animal, constatée par les services mentionnés à l'article 10 de la présente loi, est passible de sanctions.

Un décret en Conseil d'État détermine l'échelle des sanctions applicables en cas de fraude dûment constatée.

Art. 12.

Pour les grandes surfaces de distribution, il est fait obligation de reporter les informations fournies par la lecture des codes-barres sur les étiquettes d'emballage.

La même obligation est faite aux bouchers, par tout moyen approprié, celui-ci aboutissant à une « lecture vente » du produit.

Art. 13.

Des décrets fixeront les modalités d'application de la présente loi, et notamment :


• l'identification permanente et généralisée du cheptel bovin ;


• les informations sur les modes d'élevage et les trajets de l'animal ;


• l'identification des missions par les services vétérinaires et les services de la répression des fraudes ;


• les dispositions et moyens relatifs à l'équipement des services précités ;


• le financement par l'État et la profession.

Art. 14.

La charge qui résulte pour l'État de l'application des dispositions précédentes est compensée, à due concurrence, par une augmentation des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

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