Mandat d'arrêt européen et lutte contre le terrorisme

PROPOSITION DE

RÉSOLUTION

PRÉSENTÉE AU NOM DE LA DÉLÉGATION POUR L'UNION EUROPÉENNE (1) , EN APPLICATION DE L'ARTICLE 73 BIS DU RÈGLEMENT, sur les deux propositions de décisions-cadres relatives au mandat d'arrêt européen et aux procédures de remise entre Etats membres (E 1829) et à la lutte contre le terrorisme (E 1828)

Par M. Pierre FAUCHON,

Sénateur.

(Renvoyée à la commission des Lois constitutionnelles, de Législation, du Suffrage universel, du Règlement et d'Administration générale sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement)

(1) Cette délégation est composée de : M. Hubert Haenel, président ; M. Denis Badré, Mme Danielle Bidard-Reydet, MM. Jean-Léonce Dupont, Claude Estier, Jean François-Poncet, Lucien Lanier, vice-présidents ; M. Hubert Durand-Chastel, secrétaire ; MM. Bernard Angels, Robert Badinter, Jacques Bellanger, Jean Bizet, Maurice Blin, Gilbert Chabroux, Xavier Darcos, Robert Del Picchia, Mme Michelle Demessine, MM. Marcel Deneux, Jean-Paul Émin, Pierre Fauchon, André Ferrand, Philippe François, Emmanuel Hamel, Serge Lagauche, Louis Le Pensec, Aymeri de Montesquiou, Jacques Oudin, Simon Sutour, Jean-Marie Vanlerenberghe, Paul Vergès, Xavier de Villepin, Serge Vinçon.

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Union européenne -

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Le Parlement est saisi, en vertu de l'article 88-4 de la Constitution, de deux propositions de décisions-cadres, présentées par la Commission européenne le 19 septembre dernier :

- la proposition de décision-cadre du Conseil relative à la lutte contre le terrorisme (texte E 1828 - COM (2001) 521 final) ;

- la proposition de décision-cadre du Conseil relative au mandat d'arrêt européen et aux procédures de remise entre Etats membres (texte E 1829 - COM (2001) 522 final).

Ces propositions, qui interviennent dans le contexte des attentats meurtriers du 11 septembre dernier, s'inscrivent dans le cadre de l'effort engagé à partir du Conseil européen de Tampere, d'octobre 1999, pour lutter contre le terrorisme et accélérer la création de l'espace judiciaire européen.

Elles répondent donc à une demande des chefs d'Etat et de gouvernement, qu'ils ont rappelée de manière particulièrement forte, lors du Conseil européen extraordinaire de Bruxelles du 21 septembre et à l'occasion du Conseil européen informel de Gand le 16 octobre dernier.

Or, malgré l'engagement clair des chefs d'Etat et de gouvernement, tant les textes présentés par la Commission européenne, que les premières négociations entre les Etats membres, suscitent des doutes quant à la traduction réelle de ces engagements en actes.

I - LES DEUX PROPOSITIONS ET LEUR EXAMEN PAR LE CONSEIL

1. La proposition de décision-cadre relative au mandat d'arrêt européen (E 1829)


L'objectif de la première proposition de la Commission européenne est de remplacer l'actuelle procédure d'extradition par un simple transfèrement des personnes poursuivies ou recherchées entre les autorités judiciaires des Etats membres, conformément à ce que prévoient les conclusions du Conseil européen de Tampere d'octobre 1999.

La procédure d'extradition, qui se caractérise par sa lourdeur, sa longueur et son caractère discrétionnaire, ne se justifie plus, en effet, dès lors que les Etats membres se sont engagés dans une Union toujours plus étroite entre les peuples, fondée sur des valeurs communes, celles proclamées par la Charte des droits fondamentaux, et dans un espace où les personnes circulent librement.

Les citoyens ne s'y trompent pas, d'ailleurs, en trouvant incompréhensible que l'extradition vers la France d'un assassin réfugié au Portugal pose des difficultés. Et que dire de la demande d'extradition de Rachid Ramda, soupçonné d'avoir financé des attentats terroristes en France, présentée en vain depuis six ans par la France au Royaume-Uni ?

Comment expliquer ce manque de solidarité et de coopération, que pourtant on serait en droit d'attendre de la part d'un partenaire membre de l'Union ?

La France est d'ailleurs elle-même loin d'être exemplaire.

Ainsi, nous refusons toujours d'extrader nos nationaux, y compris vers les pays de l'Union européenne. Est-on certain qu'ils seront mieux traités dans nos propres prisons ? Cette règle, qui va à l'encontre du principe de territorialité de l'infraction, témoigne en réalité d'un protectionnisme judiciaire dépassé.

La procédure d'extradition française n'est pas plus rapide ou plus efficace que les autres. Non seulement, elle mêle le judiciaire, l'administratif et le politique, mais elle décourage bien souvent tous les intervenants, y compris parfois les extradables eux-mêmes. Car, il n'est pas rare que, lorsqu'une personne consent à être extradée et souhaiterait même pouvoir s'expliquer au plus vite devant un juge, elle doive séjourner plusieurs mois en prison en France, le temps de remplir toutes les formalités.

Enfin, comment expliquer que la France n'a toujours pas ratifié les conventions de 1995 et 1996, qui prévoient justement de faciliter l'extradition entre les Etats membres ?

On ne peut sérieusement, en effet, mettre en cause l'encombrement du calendrier parlementaire, comme le fait régulièrement le Gouvernement.

La création d'un mandat d'arrêt européen serait donc une avancée majeure. A condition toutefois que l'on remplace réellement l'actuelle procédure d'extradition par une simple remise entre Etats membres, comme le prévoient les conclusions du Conseil européen de Tampere, et comme l'ont rappelé constamment les chefs d'Etat et de gouvernement, lors des derniers Conseils européens, et comme l'implique la notion même de mandat d'arrêt.

Or, non seulement le texte proposé par la Commission européenne reste très en deçà des objectifs fixés, mais de surcroît, les négociations actuelles entre les représentants des Etats membres tendent encore à en réduire la portée.

Deux points méritent, à cet égard, d'être soulignés : la question du champ d'application du futur mandat d'arrêt européen et le principe de la double incrimination, d'une part, la nature et l'étendue du contrôle juridictionnel dans l'Etat saisi d'une demande, d'autre part.

a) La question du champ d'application du futur mandat d'arrêt européen et le principe de la double incrimination

La Commission européenne propose de retenir un très large champ d'application du mandat d'arrêt européen puisqu'il s'appliquerait à toute personne ayant fait l'objet dans l'un des Etats membres, soit d'une condamnation définitive à une peine d'emprisonnement ferme d'une durée supérieure ou égale à quatre mois, soit d'une décision pré-sentencielle lorsque l'infraction pour laquelle il est poursuivi est passible d'une peine d'emprisonnement supérieure à un an.

Pour toutes ces situations, le principe de la double incrimination, selon lequel un Etat membre peut refuser l'extradition si l'infraction en cause n'est pas incriminée de manière comparable dans sa propre législation, serait supprimé.

Les Etats membres pourraient néanmoins prévoir que le mandat d'arrêt ne s'appliquerait pas à certaines infractions énumérées dans une liste négative. On cite toujours, à cet égard, le cas de l'avortement, de l'euthanasie, de l'homosexualité ou de la consommation de drogues.

Cette approche a été critiquée par de nombreux Etats membres, soit parce qu'ils entendent limiter le champ d'application du mandat d'arrêt européen à certaines infractions déjà harmonisées au niveau européen par le biais d'une liste positive, soit, tout simplement, parce qu'ils souhaitent maintenir le principe de la double incrimination pour l'ensemble des infractions.

Or, la réduction du champ d'application du mandat d'arrêt européen aux seules infractions harmonisées au niveau européen, laisserait subsister l'actuelle procédure d'extradition pour toutes les infractions qui ne seraient pas contenues dans cette liste positive. Il y aurait donc coexistence du mandat d'arrêt européen et de la procédure d'extradition au sein de l'Union européenne.

Mais surtout, le maintien du contrôle de la double incrimination, qui entraîne un contrôle étendu et tâtillon du juge de l'Etat d'exécution, paraît incompatible avec l'idée d'un mandat d'arrêt européen.

Les chefs d'Etat et de gouvernement ont, d'ailleurs, réaffirmé, dans une déclaration adoptée au Conseil européen de Gand, le 19 octobre dernier, leur détermination de supprimer le principe de la double incrimination pour un large éventail de faits.

Cette déclaration a été interprétée par certains Etats comme la reconnaissance du bien-fondé de la technique de la liste positive. Or, cette interprétation ne repose sur aucun fondement car, à aucun moment, les chefs d'Etat et de gouvernement ne se sont prononcés expressément sur le choix de telle ou telle méthode. Bien au contraire, le texte de la déclaration semble même dire tout le contraire.

Au-delà du débat sur une liste positive ou négative, ce qui importe, en définitive, c'est de retenir le principe d'une application générale du futur mandat d'arrêt européen, avec un nombre d'exceptions le plus limité possible.

b) La nature du contrôle de l'autorité judiciaire dans l'Etat d'exécution

Alors que tout l'intérêt d'un mandat d'arrêt européen réside précisément dans la suppression de l'intervention de l'autorité politique et dans l'allègement du contrôle préalable à l'extradition de l'autorité judiciaire dans l'Etat d'exécution, le texte proposé par la Commission est très décevant sur ce point.

En premier lieu, il rend possible la création dans chaque Etat d'une autorité centrale non judiciaire dont le pouvoir d'appréciation paraît général puisque selon l'article 5 : « l'autorité judiciaire d'exécution décide de l'exécution du mandat d'arrêt européen sur la base de la décision de l'autorité centrale » .

Ce n'est plus une avancée, mais une régression, qui confirme le caractère politique de la procédure. Toutes les délégations des Etats membres ont souhaité voir supprimer cette disposition, et nous ne pouvons que nous en féliciter. L'autorité centrale, à la supposer nécessaire dans certains cas, ne devrait intervenir, en effet, que pour prêter une assistance matérielle à l'autorité judiciaire, en matière de traduction par exemple, mais en aucun cas elle ne devrait se prononcer sur le bien-fondé de la demande.

Il subsiste, cependant, d'autres motifs d'inquiétude.

La Commission prévoit, ainsi, dans sa proposition de multiples exceptions, comme les immunités ou l'amnistie, qui parfois se justifient, mais qui constituent souvent des échappatoires.

Mais surtout, deux dispositions contredisent le caractère automatique du mandat d'arrêt :

(1) l'article 18 du texte de la Commission énonce : « un tribunal de l'Etat membre d'exécution décide s'il y a lieu d'exécuter le mandat d'arrêt européen ». La remise ne serait donc plus automatique, mais subordonnée au bon vouloir d'un juge dans l'Etat saisi d'une demande ! ;

(2) l'article 14 autorise l'autorité judiciaire de l'Etat d'exécution à remettre en liberté la personne arrêtée si « elle a des raisons de penser que la personne arrêtée ne s'échappera pas ». On imagine sans mal les sourires que peuvent provoquer ce genre de dispositions chez les criminels, spécialement chez les terroristes. Et si la Commission prévoit l'intervention de l'Etat d'émission au cours du contentieux de la détention dans l'Etat d'exécution, c'est dans les termes suivants : « elle peut décider de la remettre en liberté jusqu'à une date fixée d'un commun accord avec l'Etat membre d'émission », le rôle de ce dernier étant donc limité à la fixation de cette date.

Certes, les négociations n'ont pas véritablement commencé sur l'étendue du contrôle juridictionnel dans l'Etat requis, puisqu'elles se sont jusqu'à présent essentiellement concentrées sur le champ d'application qui détermine d'ailleurs largement l'étendue du contrôle du juge de l'Etat d'émission. Mais on ne peut qu'être inquiet du texte proposé par la Commission, d'autant plus que plusieurs Etats ont déjà fait savoir qu'ils voulaient maintenir un contrôle judiciaire approfondi dans l'Etat d'exécution.

Il semble qu'au stade actuel, il serait préférable de refuser la création du mandat d'arrêt européen, car il semble plus honnête de ne rien faire, plutôt que de faire semblant de faire quelque chose.

2. La proposition de décision-cadre relative à la lutte contre le terrorisme (E 1828)

La seconde proposition de la Commission concerne plus spécifiquement la lutte contre le terrorisme. Elle prévoit, en effet, une définition harmonisée des infractions terroristes et la fixation d'une échelle de sanctions pénales relatives à ces infractions.

L'adoption de cet instrument serait une avancée majeure car, actuellement, seule une minorité d'Etats membres disposent d'une législation spécifique en matière de terrorisme et, parmi ceux-ci, les dispositions sont très différentes d'un pays à l'autre. Dans les autres Etats, les actes terroristes sont sanctionnés comme des infractions de droit commun.

Or, comment peut-on lutter ensemble contre le terrorisme si l'on ne s'accorde même pas sur une définition et une approche unifiées ou, à tout le moins, harmonisées ?

Les chefs d'Etat et de Gouvernement ont donc souligné, dans leurs conclusions du Conseil européen extraordinaire du 21 septembre dernier, la nécessité d'adopter une définition harmonisée du terrorisme.

Il ne s'agit là, d'ailleurs, que de mettre en oeuvre les dispositions du traité sur l'Union européenne, qui prévoit à l'article 31 point e., l'adoption « de mesures instaurant des règles minimales relatives aux éléments constitutifs des infractions pénales et aux sanctions applicables dans le domaine du terrorisme ».

On en est loin ! En effet, malgré ces engagements, plusieurs Etats membres continuent de s'opposer même à toute harmonisation en matière pénale et, ici encore et de manière plus forte peut-être, les négociations entre les représentants des Etats tendent à réduire à une « peau de chagrin » le texte proposé par la Commission européenne.

Afin de définir les actes terroristes, la Commission européenne se réfère à une liste d'infractions de droit commun, comme le meurtre, par exemple, auxquelles il est ajouté un mobile spécifique terroriste : celui de menacer ou de porter gravement atteinte aux structures politiques, économiques ou sociales des Etats.

En matière d'harmonisation des sanctions pénales, la Commission européenne utilise la technique du « minimum du maximum », qui a déjà été utilisé plusieurs fois dans les précédents instruments. Selon cette technique, un Etat membre a l'obligation de prévoir dans sa législation pénale que telle infraction sera passible d'une peine d'emprisonnement maximale d'au moins X années.

Le texte proposé par la Commission prévoit ainsi une échelle de peines d'emprisonnement maximale allant de 20 ans au moins pour le meurtre à deux ans au moins pour le vol.

Il est peu de dire que le système proposé par la Commission européenne soulève des réticences chez de nombreux Etats membres. Ainsi, certains de ces Etats critiquent, par exemple, le manque de précision du mobile proposé par la Commission, en faisant remarquer que la définition retenue pourrait s'appliquer à tort à certains mouvements, comme les groupes anti-mondialisation. C'est surtout l'échelle de sanctions pénales retenue par la Commission qui semble poser problème. Certains Etats soulignent que les seuils proposés sont trop élevés, d'autres considèrent, au contraire, qu'ils sont trop bas. En outre, quelques Etats, comme l'Allemagne, se déclarent même opposés à toute harmonisation des sanctions pénales.

Face à ces réticences, la présidence belge a proposé de retenir un système plus simple. Selon ce système, seules les infractions et les peines relatives au « groupe terroriste » seraient harmonisées, avec un seuil unique de 8 ans, sauf pour la direction d'un groupe terroriste où la sanction serait une peine privative de liberté maximale d'au moins 20 ans. Les autres infractions terroristes seraient, quant à elles, définies par référence au droit national de chaque Etat.

La Commission européenne et plusieurs représentants des Etats membres, dont celui de la France ont fait savoir qu'ils étaient opposés à un tel système.

Le projet de la présidence est en effet très en retrait par rapport à la proposition de la Commission.

La réduction du champ de l'harmonisation des infractions et la fixation d'un seuil de sanction aussi faible (c'est moins que ce qui est prévu en matière de contre-façon de l'euro !) sont en complète contradiction avec l'affirmation d'une lutte concertée contre le terrorisme au niveau européen.

II - LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION

Les difficultés rencontrées par ces deux projets illustrent, tout d'abord, les limites de la méthode retenue par les Etats membres en matière de coopération judiciaire pénale.

Il convient de remarquer, en effet, que les problèmes posés par l'espace judiciaire européen ne seront pas résolus du jour au lendemain avec l'adoption de ces deux décisions-cadres, et que la méthode de l'harmonisation atteint ici ses limites.

Comme l'avait souligné la délégation pour l'Union européenne du Sénat, dans son rapport d'information 1( * ) sur « la réforme du troisième pilier de l'Union européenne : Vers la construction d'un espace judiciaire européen », seule l'unification des règles et procédures pénales au niveau européen constituerait une réponse adaptée à l'ampleur des défis soulevés par les formes graves de criminalité transnationale. Ceci rejoint l'idée d'un Parquet européen et d'une Cour pénale européenne que le Gouvernement français pourrait promouvoir à l'occasion de la prochaine Conférence intergouvernementale.

Néanmoins, compte tenu de l'urgence, et pour s'en tenir aux deux propositions de décisions-cadres, qui sont aujourd'hui soumises à notre examen, il apparaît que l'adoption rapide de ces deux instruments, en des termes qui soient conformes au mandat donné par les chefs d'Etat et de gouvernement, constituerait un progrès appréciable, sous réserve de satisfaire à certaines conditions.

1. Un véritable mandat d'arrêt européen devrait ainsi répondre à trois conditions cumulatives

a) En premier lieu, le futur mandat d'arrêt européen devrait s'appliquer à l'ensemble des infractions, mis à part quelques exceptions.

b) Par ailleurs, le contrôle de la double incrimination devrait être supprimé car il équivaut à un contrôle étendu et tatillon du juge de l'Etat saisi d'une demande et qu'il est contraire au principe de reconnaissance mutuelle.

c) En dernier point, il convient de remplacer réellement la procédure d'extradition par une simple remise directe entre les autorités judiciaires des Etats membres.

Pour ce faire, une personne consentante devrait pouvoir être remise immédiatement à l'autorité judiciaire de l'Etat requérant, sans contrôle, ni délai.

Si l'intéressé ne consent pas à son extradition, l'autorité judiciaire de l'Etat requis devrait s'en tenir à un contrôle minimal sur l'identité de la personne et la régularité formelle de la demande.

Les autres formes de recours devraient être, pour leur part, exercées devant les juridictions de l'Etat d'émission, conformément au principe de la reconnaissance mutuelle et à la notion d'espace judiciaire européen.

Si, à la rigueur, le contentieux de la détention dans l'Etat requis doit être maintenu, il est indispensable de prévoir la possibilité pour le juge de l'Etat requérant d'intervenir pour faire valoir son point de vue, non seulement en ce qui concerne la date de la remise, comme le propose la Commission, mais également sur le bien-fondé du maintien en détention.

Enfin, alors que le texte de la Commission instaure un délai de 3 mois pour la remise et pose le principe d'une caducité automatique à l'expiration de ce délai, c'est l'inverse qu'il faudrait faire. L'expiration du délai vaudrait, en effet, remise automatique et ce délai devrait être réduit.

Ce n'est qu'à ces conditions que l'on ira réellement vers un mandat d'arrêt européen.

2. En ce qui concerne l'harmonisation des législations en matière de terrorisme, trois éléments doivent être pris en considération

a) Tout d'abord, il est indispensable de prévoir une définition commune, ou à défaut une harmonisation, des infractions terroristes, qui ne soit pas limitée simplement à celles relatives au « groupe terroriste », et qui incluent notamment la tentative et la complicité.

b) Il convient également de prévoir, pour ces infractions, une très large harmonisation des sanctions pénales avec des seuils effectifs et proportionnés. Dans ces domaines, une définition commune ne paraît pas nécessaire.

c) Enfin, alors que le texte proposé par la Commission institue une compétence obligatoire pour les infractions commises en tout ou partie sur le territoire de l'Etat membre et une compétence facultative pour les autres, il serait souhaitable d'aller plus loin et d'affirmer une compétence européenne des Etats membres en matière de poursuite des infractions terroristes.

Sur la base de ces considérations, la délégation pour l'Union européenne a conclu au dépôt de la proposition de résolution qui suit :

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

Le Sénat,

Vu l'article 88-4 de la Constitution,

Vu la proposition de décision-cadre du Conseil relative au mandat d'arrêt européen et aux procédures de remise entre Etats membres (E 1829),

Vu la proposition de décision-cadre du Conseil relative à la lutte contre le terrorisme (E 1828),

Souligne que seule l'unification au niveau européen des incriminations et des procédures constituerait une réponse adaptée à l'ampleur des défis soulevés par les formes graves de criminalité transnationale,

Estime, cependant, que l'adoption rapide des deux décisions-cadres, et en tout état de cause la conclusion d'un accord politique lors du Conseil des 6 et 7 décembre prochains, en des termes qui soient conformes au mandat donné par les chefs d'Etat et de gouvernement lors du Conseil européen de Tampere d'octobre 1999, qu'ils ont réaffirmé lors des récents Conseils européens, constituerait un réel progrès, sous réserve de satisfaire à certaines conditions,

Demande donc au gouvernement :

En ce qui concerne la décision-cadre relative au mandat d'arrêt européen (E 1829) :

- de poser le principe d'une application générale du futur mandat d'arrêt européen, avec un nombre d'exceptions le plus limité possible ;

- d'affirmer le principe général de la suppression du contrôle de la double incrimination, sous réserve de ces exceptions ;

- de remplacer effectivement la procédure d'extradition par une simple remise directe entre les Etats membres ;

en conséquence, de permettre la remise immédiate d'une personne consentante à l'autorité judiciaire de l'Etat requérant, sans contrôle, ni délai ;

et, en cas d'absence de consentement de l'extradable :

1) de prévoir  un simple contrôle minimal par l'autorité judiciaire de l'Etat requis  sur l'identité de la personne et la régularité formelle de la demande, encadré par des délais brefs et stricts ; les autres formes de recours devant être, pour leur part, exercées devant les juridictions de l'État requérant, conformément au principe de reconnaissance mutuelle et à la notion d'espace judiciaire européen ;

2) de reconnaître à l'Etat requérant la connaissance du contentieux de la détention, et, à défaut, de prévoir la possibilité, pour l'Etat requérant, de faire valoir son point de vue au cours du contentieux de la détention dans l'Etat requis, non seulement en ce qui concerne la date de la remise, mais également sur le bien fondé du maintien en détention ;

de poser, en tout état de cause, le principe d'une remise automatique à l'issue d'un délai inférieur à trois mois ;

• En ce qui concerne la proposition de décision-cadre relative à la lutte contre le terrorisme (E 1828) :

- de prévoir une définition commune des infractions terroristes, y compris de la tentative et de la complicité ;

- de prévoir, pour ces infractions, une très large harmonisation des sanctions pénales au sein de l'Union européenne avec des seuils effectifs et proportionnés ;

- d'instituer une compétence européenne des Etats membres en matière de poursuite des infractions terroristes.

Estime que, à l'occasion de la prochaine Conférence intergouvernementale, le Gouvernement devrait promouvoir l'idée de mettre en place, auprès de la Cour de Justice des Communautés européennes, une Cour pénale européenne, compétente pour l'application de ces deux décisions-cadres.



1 Rapport d'information n° 352, présenté au nom de la délégation pour l'Union européenne du Sénat par M. Pierre Fauchon (1997).

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