Situation des femmes dans les territoires ruraux (PPR) - Texte déposé - Sénat

N° 280

SÉNAT


SESSION ORDINAIRE DE 2021-2022

                                                                                                                                             

Enregistré à la Présidence du Sénat le 9 décembre 2021

PROPOSITION DE RÉSOLUTION



en application de l’article 34-1 de la Constitution,


appelant à une meilleure prise en compte de la situation des femmes dans les territoires ruraux pour en finir avec les zones blanches de l’égalité,


présentée

Par Mme Annick BILLON, MM. Jean-Michel ARNAUD, Bruno BELIN, Mme Nadège HAVET, M. Pierre MÉDEVIELLE, Mmes Marie-Pierre MONIER, Guylène PANTEL, Raymonde PONCET MONGE, Marie-Claude VARAILLAS, Nadine BELLUROT, Esther BENBASSA, Valérie BOYER, Laure DARCOS, Patricia DEMAS, Nicole DURANTON, Frédérique GERBAUD, Jocelyne GUIDEZ, Laurence HARRIBEY, Corinne IMBERT, Micheline JACQUES, Gisèle JOURDA, Anne-Catherine LOISIER, Monique de MARCO, Marie MERCIER, Michelle MEUNIER, Sylviane NOËL, Marie-Laure PHINERA-HORTH, Sonia de LA PROVÔTÉ, Denise SAINT-PÉ, Nadia SOLLOGOUB, Dominique VÉRIEN, Sylvie VERMEILLET, MM. Stéphane ARTANO, Guy BENARROCHE, Hussein BOURGI, Laurent BURGOA, Henri CABANEL, Daniel CHASSEING, Alain CHATILLON, Hervé GILLÉ, Guillaume GONTARD, Patrice JOLY, Claude KERN, Antoine LEFÈVRE, Jean-François LONGEOT, Franck MENONVILLE, Louis-Jean de NICOLAŸ, Cyril PELLEVAT, Jean-Yves ROUX, Mmes Martine BERTHET, Christine BONFANTI-DOSSAT, Alexandra BORCHIO FONTIMP, Toine BOURRAT, Isabelle BRIQUET, Agnès CANAYER, Marie-Arlette CARLOTTI, Maryse CARRÈRE, Laurence COHEN, Marta de CIDRAC, Nathalie DELATTRE, Brigitte DEVÉSA, Nassimah DINDAR, Élisabeth DOINEAU, Catherine DUMAS, Françoise DUMONT, Françoise FÉRAT, Corinne FÉRET, Martine FILLEUL, Françoise GATEL, Véronique GUILLOTIN, Annick JACQUEMET, Victoire JASMIN, Annie LE HOUEROU, Valérie LÉTARD, Monique LUBIN, Viviane MALET, Catherine MORIN-DESAILLY, Laurence MULLER-BRONN, Évelyne PERROT, Kristina PLUCHET, Angèle PRÉVILLE, Isabelle RAIMOND-PAVERO, Sylvie ROBERT, Laurence ROSSIGNOL, Sophie TAILLÉ-POLIAN, Sabine VAN HEGHE, MM. Jean-Claude ANGLARS, Philippe BONNECARRÈRE, Jean-Marc BOYER, Max BRISSON, Alain CADEC, Pierre CHARON, Patrick CHAUVET, Bernard DELCROS, Stéphane DEMILLY, Yves DÉTRAIGNE, Alain DUFFOURG, Gilbert FAVREAU, Jean-Luc FICHET, Fabien GENET, Éric GOLD, André GUIOL, Jean HINGRAY, Jean-François HUSSON, Éric KERROUCHE, Christian KLINGER, Laurent LAFON, Marc LAMÉNIE, Daniel LAURENT, Jacques LE NAY, Jean-Jacques LOZACH, Hervé MAUREY, Jean-Pierre MOGA, Sebastien PLA, Rémy POINTEREAU, Daniel SALMON, Hugues SAURY, Michel SAVIN, Jean-Claude TISSOT, Yannick VAUGRENARD et Dany WATTEBLED,

Sénatrices et Sénateurs





Proposition de résolution appelant à une meilleure prise en compte de la situation des femmes dans les territoires ruraux pour en finir avec les zones blanches de l’égalité

Le Sénat,

Vu l’article 34-1 de la Constitution,

Vu le chapitre XVI du Règlement du Sénat,

Vu le plan d’action du Gouvernement en faveur des territoires ruraux dénommé « Agenda rural : faire des campagnes des territoires d’avenir », publié le 20 septembre 2019,

Vu le rapport d’information  60 (2021-2022) fait par MM. Jean-Michel ARNAUD, Bruno BELIN, Mme Nadège HAVET, M. Pierre MÉDEVIELLE, Mmes Marie-Pierre MONIER, Guylène PANTEL, Raymonde PONCET MONGE et Marie-Claude VARAILLAS au nom de la délégation aux droits des femmes, déposé le 14 octobre 2021,

Considérant que les territoires ruraux représentent 88 % des communes de France et 33 % de la population française et que 11 millions de femmes y vivent sur un total de près de 35 millions de femmes françaises ;

Considérant que les difficultés de mobilité sont à l’intersection de tous les sujets touchant les femmes des territoires ruraux, pesant sur leur vie tant personnelle que professionnelle ;

Considérant que l’automobile représente 80 % des déplacements en zone rurale mais qu’une femme sur cinq, contre un homme sur dix, ne dispose pas du permis de conduire ;

Considérant que la desserte en transports publics, dont deux tiers des passagers sont des femmes, est limitée en zone rurale et peu adaptée aux spécificités des habitudes de déplacement des femmes ;



Considérant que l’éloignement des services publics renforce l’isolement des femmes rurales et entraîne une mauvaise connaissance de leurs droits et des phénomènes de non-recours aux droits ;



Considérant que les difficultés d’accès à Internet accentuent encore cet isolement, 15 % des territoires ruraux ne bénéficiant pas encore d’une couverture 4G et 30 % des locaux de ces territoires n’étant pas connectés au très haut débit ;



Considérant que les services de garde d’enfants, et notamment les crèches collectives, moins onéreuses, sont en nombre insuffisant en zone rurale ;



Considérant que les jeunes filles des territoires ruraux ont un champ d’opportunités plus limité que le reste de leur classe d’âge dans tous les domaines et que de nombreux freins pèsent sur leurs choix d’orientation scolaire et universitaire ;



Considérant que l’offre d’emploi souffre d’un manque de mixité dans les territoires ruraux et est orientée vers les secteurs à dominante masculine ;



Considérant que les femmes des territoires ruraux sont plus souvent concernées par des emplois de moindre qualité, précaires ou à temps partiel, engendrant un risque accru de pauvreté et de dépendance financière vis-à-vis de leur conjoint ;



Considérant que les territoires ruraux constituent un vivier aujourd’hui sous-exploité pour l’entrepreneuriat au féminin ;



Considérant que le nombre de femmes à la tête d’une exploitation agricole stagne, depuis dix ans environ, autour de 25 % des exploitations, dans un contexte d’inévitable renouvellement générationnel des exploitants agricoles ;



Considérant que la désertification médicale touche plus particulièrement les gynécologues médicaux des territoires ruraux, que le nombre de maternités a été divisé par trois en quarante ans et que 77 départements français disposent de moins de 2,6 gynécologues médicaux pour 100 000 femmes en âge de consulter, conduisant des femmes à renoncer à un suivi gynécologique, pourtant primordial en matière de prévention, et à de faibles taux de dépistage des cancers féminins ;



Considérant que la moitié des interventions de gendarmerie pour violences intrafamiliales et près de la moitié des féminicides ont lieu dans les territoires ruraux ;



Considérant que l’identification et la protection des femmes victimes de violences sont plus complexes dans les territoires ruraux ;



Considérant que les femmes représentent 49 % des élus municipaux des communes de plus de 1 000 habitants mais seulement 38 % dans les communes de moins de 1 000 habitants et qu’elles ne représentent que 20 % des maires ;



Exprime sa profonde considération pour tous les acteurs locaux, hommes comme femmes, et en particulier les élus, associations, administrations, réseaux consulaires, professionnels de santé et gendarmes qui agissent aux côtés des femmes des territoires ruraux et développent solutions innovantes, initiatives locales et réseaux de solidarité ;



Appelle le Gouvernement à pleinement intégrer les problématiques spécifiques aux femmes à son Agenda rural, qui constitue aujourd’hui le socle de la politique gouvernementale en faveur des territoires ruraux ;



Juge indispensable la généralisation d’indicateurs sexués afin de disposer de diagnostics précis sur la spécificité de ces problématiques, à l’échelle de chaque territoire ;



Estime primordial de travailler à une déconstruction des stéréotypes de genre et de renforcer les formations à l’égalité et ce, dès le plus jeune âge ;



Souligne le rôle crucial des réseaux féminins, qui permettent aux femmes investies dans le monde professionnel comme dans le monde politique de se rencontrer, d’échanger sur les difficultés qu’elles peuvent rencontrer et de se former ;



Préconise une accélération du déploiement du très haut débit internet et des téléphonies 4G dans tous les territoires ruraux et une amélioration de la qualité de ces réseaux, préalables indispensables au développement des procédures administratives dématérialisées, des téléconsultations, des formations et mentorats à distance, des tiers-lieux ou encore du télétravail ;



Invite à conjuguer solutions de mobilité et de proximité, en encourageant le développement de transports publics ponctuels et autorisant les arrêts à la demande et en développant des permanences, au besoin itinérantes, des services publics et des associations dans des lieux mutualisés, au plus près du domicile des femmes ;



Soutient le développement de modes d’accueil des jeunes enfants réguliers comme ponctuels, aux horaires flexibles ou itinérants ;



Encourage le développement de tiers lieux, destinés au télétravail et mutualisés avec des services d’accueil des jeunes enfants ;



Plaide pour le développement de solutions permettant aux jeunes de suivre a minima deux années d’études supérieures à proximité de leur domicile (campus connectés, antennes universitaires, BTS en zone rurale, …) ;



Recommande la mise en place de campagnes d’information à l’orientation et de recrutement incarnées et inversant les stéréotypes, en utilisant des figures féminines pour recruter au sein des filières perçues comme masculines et vice versa ;



Plaide pour une logique partenariale, intégrant les différents acteurs locaux, pour lever les freins à l’emploi et à l’entrepreneuriat des femmes dans les territoires ruraux, favoriser l’essor des filières d’avenir, pourvoyeuses d’emplois, et développer la mixité de l’offre d’emploi dans les territoires ruraux ;



Appelle à poursuivre sur la voie des avancées sociales en faveur des agricultrices en matière de statut juridique notamment, et à réfléchir aux moyens, financiers notamment, de venir en aide aux « nouveaux installés » ne remplissant pas le critère d’âge pour l’obtention de la dotation jeune agriculteur, qui sont majoritairement des femmes ;



Alerte sur la nécessité vitale d’améliorer le suivi médical et l’accès aux soins des femmes en milieu rural, via notamment un développement des solutions de médecine itinérante, des vacations de proximité, des téléconsultations gynécologiques et des centres périnataux de proximité ;



Invite à développer l’accès à l’information des femmes en milieu rural sur le suivi médical auquel elles ont droit, notamment en matière de dépistage, en s’appuyant sur les relais locaux ;



Soutient une revalorisation du statut des sages-femmes, qui jouent un rôle majeur dans la prise en charge de la santé des femmes en dehors de la périnatalité, notamment dans la garantie de leurs droits sexuels et reproductifs, et dont le dynamisme du réseau pourrait combler certaines lacunes du maillage territorial des professionnels de santé ;



Plaide pour un regroupement des professionnels de santé dans les territoires ruraux dans un cadre pluridisciplinaire et coordonné incitant les jeunes médecins à s’installer dans ces territoires ;



Affirme la nécessité de mieux informer, accueillir et protéger les femmes victimes de violences, notamment en utilisant les vecteurs du quotidien pour communiquer sur les dispositifs d’aide existant, en facilitant l’accueil des victimes, par des professionnels formés, dans les gendarmeries, les hôpitaux, les pharmacies, les Maisons France Services, les centres commerciaux ou des points d’accueil itinérants, et en augmentant le nombre de solutions d’hébergement pour les victimes et pour les auteurs de violences ;



Recommande de nommer, dans chaque équipe municipale en milieu rural, des élus référents en matière d’égalité femmes-hommes et de lutte contre les violences faites aux femmes ;



Souhaite accroître la mixité dans la vie politique locale et permettre à davantage de femmes d’accéder aux responsabilités politiques locales ;



Appelle à cette fin à la mise en place d’un scrutin de liste paritaire aux élections municipales pour toutes les communes de France ;



Est favorable à une revalorisation du statut de l’élu local, qui profitera tant aux hommes qu’aux femmes ;



Forme enfin le vœu que les femmes ne soient plus les oubliées des politiques territoriales et qu’égalité femmes-hommes et égalité territoriale soient enfin articulées, pour progresser de concert et pour en finir avec les zones blanches de l’égalité sur notre territoire.

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