FIABILITE, SENSIBILITE ET DISPONIBILITE DES TESTS DE DEPISTAGE DE L'ESB ET PROBLEME DES PRELEVEMENTS

M. LE DEAUT .- Nous pensons que le problème des tests de dépistage est majeur. C'est un problème qui intéresse les parlementaires. Grâce à des anticorps spécifiques de la forme pathologique du prion, on est capable aujourd'hui de savoir si les agents infectieux de la maladie existent chez des animaux.

Nous avons eu de la Commission européenne, en 1999, une analyse comparative de ces tests. Vous aborderez la question de leur sensibilité puisque cela a déjà été évalué.

Est-ce que les tests sont capables de mesurer des unités infectieuses et, si oui, combien ?

Quelles sont les disponibilités actuelles de ces tests ? Est-on capable d'augmenter la production de ces tests ? Est-ce que, comme l'a indiqué le ministre ce matin, si l'on augmentait la disponibilité de ces tests, la question du prélèvement n'est pas un facteur limitant dans l'utilisation des tests ?

On vous posera une question également que posent tous nos compatriotes : quand il y a une incertitude sur l'utilisation de viande, la solution ne serait-elle pas de tester toute bête avant l'abattage ? Est-ce possible ou non ? Quel en serait le coût ?

Enfin, le test permet de détecter la maladie avant l'apparition de signes cliniques, certains ont dit six à huit mois avant, est-ce confirmé ? Est-ce que le test rassure totalement ? Est-ce que dans la période de pré-incubation non détectable par les tests il existe une possibilité de transmission de la maladie ? Est-ce que le test sert à quelque chose ?

Voilà plusieurs questions simples que nous nous posons en tant que parlementaires et sur lesquelles nous souhaiterions avoir des éléments de réponse.

Je vais donner la parole aux cinq intervenants. Essayez d'intervenir de manière courte pour que nous puissions poser des questions par la suite.

M. BARON (Responsable de l'unité de virologie de l'Agence française de sécuritaire sanitaire des aliments) .- Je ne vais pas vous présenter de résultats scientifiques à proprement parler mais essayer de vous dresser un panorama des activités de notre laboratoire de l'AFSSA à Lyon concernant cette problématique.

Le laboratoire de Lyon agit en tant que laboratoire national de référence dans le domaine des encéphalopathies spongiformes des ruminants depuis la mise en place du système de surveillance dit passif de l'encéphalopathie bovine en 1990 et depuis 1996 pour ce qui concerne la tremblante des petits ruminants.

Ceci signifie que dans la période 1990-2000, le laboratoire de Lyon effectuait la totalité des diagnostics qui se faisaient à l'époque uniquement par des méthodes histologiques jusqu'en 1997 pour l'ensemble du territoire national.

Depuis 1996, le laboratoire assume une partie des diagnostics en matière de tremblante des petits ruminants, mais pour ce système de surveillance, comme pour celui de l'encéphalopathie bovine, l'AFSSA Lyon assure la centralisation des données épidémiologiques et est en quelque sorte l'interlocuteur de la Direction générale de l'alimentation pour la surveillance de ces maladies.

Au plan des activités scientifiques, ceci signifie pour nous, depuis 1994 en particulier, la mise en oeuvre de nouvelles méthodes de diagnostic alternatives aux méthodes indirectes d'identification des lésions du système nerveux. Ce sont des méthodes qui reposent sur l'identification du prion sous sa forme anormale, dans le cerveau des animaux atteints ou, dans quelques cas, dans des tissus périphériques comme chez le mouton.

Ces méthodes sont de deux types. Les premières abordées sont celles qui sont largement discutées aujourd'hui, les méthodes biochimiques d'identification du prion résistant à l'action des protéases. Depuis 1988, ont également été développées, en particulier dans le cadre de projets de recherche européens, des techniques d'identification immuno-histo-chimique du prion, c'est-à-dire des techniques d'identification sur des coupes de tissu cérébral.

Ces deux types de techniques sont maintenant utilisés comme méthodes dites de référence pour la confirmation des cas. Ce sont soit des méthodes alternatives à l'histologie dans les cas des animaux suspects d'ESB, lorsque l'identification des lésions n'est plus possible parce que le prélèvement est trop abîmé par exemple, soit des méthodes de confirmation des cas actuellement utilisés dans le cadre des études en cours sur l'épidémio-surveillance dite active.

J'en viens à ce point de la surveillance active. Dans ce contexte, et compte tenu de l'expérience acquise dans le développement de ces méthodes biochimiques ou immuno-histo-chimiques, l'AFSSA Lyon a été chargée d'être maître d'oeuvre scientifique de l'ensemble des études en cours concernant l'épidémio-surveillance dite active de l'ESB, c'est-à-dire ne ciblant plus des animaux suspects cliniquement de la maladie mais un ensemble d'animaux présentant n'importe quelle maladie ou trouvés morts.

Ceci recouvre les quelque 50 000 animaux en cours d'étude aujourd'hui, dont 40 000 dans le Grand Ouest et 8 500 à l'extérieur de cette région.

Pour cela, en interaction étroite avec la Direction générale de l'alimentation, ceci a nécessité la mise en place d'un ensemble de laboratoires départementaux impliqués dans les tests de routine. Jusqu'à peu, 3 laboratoires étaient impliqués, il y en a 13, depuis ces jours derniers, sur la totalité du territoire français.

L'AFSSA Lyon aide à la mise en place et au contrôle de l'efficacité des laboratoires départementaux ; surtout, elle servira à confirmer ou infirmer, par les méthodes que j'ai évoquées tout à l'heure, les cas positifs identifiés par les tests de routine dans ces laboratoires en mettant en oeuvre d'autres méthodes de diagnostic utilisées à Lyon et en résolvant les cas difficiles qui ne manquent pas de survenir quand on traite de nombreux échantillons.

Voilà le panorama de cette activité laboratoire. Bien évidemment, le laboratoire assure également la centralisation, la gestion et l'interprétation des données épidémiologiques. Vous avez vu quelques-uns des graphiques de bilans globaux de la situation épidémiologique française qui émanent des services de l'AFSSA de Lyon.

Pour être plus prospectif, ceci signifie que la validation des nouvelles méthodes de diagnostic et la mise en place de leur utilisation entrent dans le champ de nos activités. A l'heure actuelle se discutent et se met en place un projet de validation d'un autre test que celui choisi pour l'étude pilote, en l'occurrence le test Biorad, de façon à réaliser des études de comparaison et voir si la sensibilité de ce test apporte un avantage supplémentaire pour la détection des cas sur le terrain.

En parallèle à cet ensemble de travaux relatifs à la surveillance, un certain nombre de travaux ont été où sont mis en place à l'AFSSA Lyon concernant l'évaluation du statut des animaux présents dans les troupeaux dans lesquels sont apparus des cas soit d'ESB soit de tremblante.

S'agissant de l'ESB, une première série de 400 échantillons avait été analysée à une époque où les tests ne pouvaient pas être mis en place sur des séries importantes d'échantillons, où le prélèvement lui-même était un problème considérable.

Cette situation a changé aujourd'hui et, sur nombre d'échantillons beaucoup plus élevés, ces études ont récemment repris à l'AFSSA Lyon. Les mêmes types d'études qui prennent en compte les nouveaux tests, notamment le test Elisa qui arrive sur le marché, sont également en cours dans le domaine de la tremblante des petits ruminants pour laquelle la situation est plus complexe car il s'agit d'une maladie contagieuse capable de se disséminer d'animal à animal dans un troupeau.

Enfin, je ne serais pas exhaustif si je n'évoquais pas un autre champ important d'activité du laboratoire qui est un peu différent de celui du dépistage à proprement parler des animaux infectés, néanmoins essentiel pour l'avenir. Il ne suffit certainement pas de dépister les animaux infectés, il faut parfois savoir par quoi ils le sont, en particulier par quelle souche d'agents.

Cette question ne se pose pas pour ce qui est des bovins puisque, jusqu'à présent, on a identifié une seule souche d'agents infectieux qui est malheureusement transmissible à l'homme, mais cette question se pose pour les petits ruminants, le mouton en particulier, dont on sait qu'il est sensible à l'agent de l'encéphalopathie bovine et que des cas de tremblante dite naturelle pourraient cacher une infection par cet agent et représenter un autre danger pour l'homme.

Dans ce contexte, nous avons développé depuis 1996 une série de travaux au laboratoire. Certains d'entre eux concernent l'évaluation des méthodes moléculaires d'identification du prion, donc les mêmes méthodes que celles utilisées pour le diagnostic, en vue d'essayer de trouver des différences entre la tremblante naturelle et l'encéphalopathie bovine chez le mouton, ceci à l'aide d'un modèle expérimental que nous avons pu développer à Lyon avec nos collègues de l'école vétérinaire et dans lequel nous retrouvons des différences entre des moutons infectés par l'agent bovin et ceux infectés par la tremblante naturelle.

Mais ce ne sera certainement pas la réponse définitive à la question, même si c'est une réponse plus rapide que les seules méthodes disponibles aujourd'hui qui concernent l'inoculation à la source. Ces méthodes demandent beaucoup de temps puisqu'il faut que la souris tombe malade mais ce sont les seules par lesquelles on pourrait affirmer que le mouton est infecté par l'encéphalopathie bovine.

Dans ce contexte, nous avons essayé depuis 1996 de développer de nouveaux outils qui concernent des souris transgéniques, qui produisent le prion de mouton, qui sont infectables par les agents infectieux provenant du mouton. Nous travaillons sur cet outil en tant qu'outil potentiel de discrimination de la souche d'encéphalopathie bovine, des souches de tremblante naturelle avec des résultats qui seront rendus publics d'ici à quelques mois.

Voilà pour le panorama des activités de notre laboratoire.

M. MANFREDI (Contrôleur général des services vétérinaires) .- Vous avez souhaité avoir des renseignements sur la façon dont ont été orchestrées les procédures avant le démarrage du programme de recherche en cours, et évoquer les modalités et les difficultés de prélèvements.

Quand le Gouvernement a décidé d'engager ce grand programme de recherche dont le Professeur SAVEY vous a dit qu'il était unique au monde, a été constitué à l'initiative des trois ministères chargés de la santé, de l'agriculture et de la consommation un comité administrativo-technique dont j'ai assuré le pilotage, lequel comité a, de janvier 1999 à mai 1999, opéré les phases suivantes.

La première phase a été un appel d'offres européen pour obtenir des candidatures sur les fabricants de tests. Très normalement, nous avons obtenu trois candidatures, à savoir les trois tests qui avaient été validés par la Commission européenne en juillet 1999. Je veux parler d'Enfer pour les Irlandais, de Biorad pour les Franco-américains et de Prionics pour les Suisses.

Cette commission administrativo-technique comportait les représentants des trois directions générales de l'alimentation, de la consommation et de l'agriculture, les représentants de l'AFSSA, des représentants de l'INVS, des représentants de l'ADILVA (Association des laboratoires départementaux d'analyse).

A l'issue de la réception des trois candidatures, nous avons à plusieurs reprises, et conjointement, examiné les candidatures et les dossiers. Nous avons convoqué à deux reprises les représentants des trois producteurs et nous avons indiqué à destination de nos trois directeurs généraux, fin avril de l'an 2000, le test qu'il convenait de retenir à notre avis.

Nos trois directeurs généraux ont rendu compte à leur ministre de tutelle qui eux-mêmes en ont rendu compte au Gouvernement, et c'est le Premier ministre qui a fait le choix du test Prionics actuellement en cours.

Au niveau de l'orchestration sur le terrain du programme de recherche lui-même, nous avons eu au sein du comité administrativo-technique à régler l'orchestration et le phasage des différents intervenants qui sont des vétérinaires praticiens, des vétérinaires d'administration, des équarrisseurs, des laboratoires départementaux d'analyse, le laboratoire national de recherche dont vient de vous parler Thierry BARON, sans omettre l'essentiel, à savoir les logisticiens.

Quand tout cela a été orchestré, nous avons pu, au mois de juin 2000, démarrer le programme de recherche avec une décision de période de rodage de manière que cette orchestration qui nous apparaissait parfaite sur le papier puisse se " huiler " sur le terrain.

Il a fallu 8 semaines pour que nous puissions donner le feu vert de départ au programme de recherche proprement dit, qui a très précisément commencé le 7 août 2000.

Au niveau des autres activités du comité administrativo-technique mis en place par l'AFSSAS, existe un comité scientifique de suivi qui se réunit régulièrement et qui examine les résultats des tests que nous avons en provenance des 3 LDA cités tout à l'heure par Thierry BARON, des 13 LDA depuis le début de la semaine passée (les 3 premiers du Grand Ouest et les 10 autres que nous avons désignés sur le territoire national pour assurer un maillage parfait de ce programme de recherche).

Le comité scientifique de suivi examine régulièrement les résultats. Comme, il s'y était engagé, il se réunira dans les prochains jours pour donner les résultats des 15 000 premiers tests réalisés et son président, le Professeur Marc GERARD, devrait en rendre compte à Monsieur le Ministre de l'Agriculture puis au public.

Voilà globalement évoquée l'organisation des tests.

M. GRASSI (Chef des services de pharmacologie et d'immunologie à la Direction des Sciences du Vivant du CEA) .- Je ferai un rappel de ce que sont ces tests rapides, de leur domaine d'application et des principes généraux qui les sous-tendent pour que tout le monde comprenne de quoi nous parlons par rapport aux tests antérieurs.

Ce sont tous des tests immunologiques fondés sur la détection de la forme anormale de la protéine du prion et qui impliquent un traitement à la protéase K.

Cette forme pathologique est caractérisée par des propriétés biochimiques qui sont la possibilité de former des agrégats en présence de détergents et une résistance à une protéase. C'est cette propriété que l'on utilisera dans les tests immunologiques pour différencier les deux formes parce qu'il n'existe pas à l'heure actuelle d'anticorps capables de les différencier directement.

L'autre point important est que ces tests rapides s'appliquent tous en situation post-mortem, réalisés sur des prélèvements de cerveau ou de moelle épinière. A ce jour, chez les bovins, les seuls organes dans lesquels on ait pu mettre en évidence l'agent infectieux sont la moelle épinière, le cerveau, l'iléon et quelques ganglions ; rien dans le sang, les urines, les larmes, le liquide céphalorachidien. On ne peut pas faire de tests sur des tissus que l'on peut prélever du vivant de l'animal et tous ces tests sont réalisés après que l'animal ait été euthanasié.

L'avantage de ces tests rapides est qu'ils impliquent une rapidité de réalisation nettement supérieure à ce qui se fait pour des tests classiques comme l'immuno-histologie ou l'infection expérimentale chez l'animal. Ils sont réalisés en général en moins de huit heures et autorisent un débit beaucoup plus élevé. Dans ce cas, un seul expérimentateur peut en une seule journée analyser plusieurs dizaines d'échantillons, ce qui était impossible avec les techniques antérieures.

Je vous présente le principe du test tel qu'il a été développé au CEA et qu'il est commercialisé maintenant. Il implique un premier traitement à la protéase K qui va détruire la forme normale de la protéine du prion. Dans une deuxième étape, on va précipiter cette forme puisqu'elle s'agrège en présence de détergent, de façon à la concentrer. Elle sera enfin dénaturée de façon à pouvoir être analysée à l'aide d'un dosage immunologique tout à fait classique, qui utilisera deux anticorps monoclonaux dirigés contre deux parties différentes de la protéine du prion. Ce sont des méthodes classiques telles qu'on en utilise dans tous les domaines de la biologie clinique.

Le test du CEA fonctionne de cette façon, il contient deux étapes : une qui permet de purifier et de concentrer la protéine anormale et l'autre qui permettra de l'analyser à travers un test immunologique classique.

Je vous présente très rapidement les résultats obtenus au cours de l'étude européenne de validation qui a comparé 4 tests en 1999. Il y avait deux parties dans cette étude.

La première consistait à examiner 1 400 échantillons de cerveau et de moelle épinière, mélange en aveugle d'échantillons provenant de bovins néo-zélandais, donc réputés négatifs, et de bovins britanniques positifs.

Dans cet exercice, le test du CEA à l'époque n'avait aucun problème à faire la différence entre l'échantillon clinique britannique et les échantillons néo-zélandais. C'est la raison pour laquelle, à cette époque, le test du CEA, de même que celui d'Enfer et celui de Prionics ont été taxés d'une sensibilité et d'une spécificité de 100 %, c'est-à-dire qu'ils ont été capables de détecter tous les prélèvements faits sur les animaux au stade clinique de la maladie sans qu'aucun test positif ne soit observé sur les animaux en provenance de Nouvelle-Zélande.

La seconde partie de l'étude était plus sophistiquée, elle consistait à tester en aveugle différentes dilutions obtenues à partir d'un pool de cerveaux contaminés de façon à évaluer la capacité de chacun des 4 tests à détecter des quantités de plus en plus faibles de cette forme anormale de la protéine du prion.

D'après la courbe de dilution obtenue, nous observons une détection de 18/20 des répliquas effectués à la dilution au 300 ème . Ce pool de cerveaux bovins qui avait été utilisé pour faire cette courbe de dilution avait été titré chez la souris. On a pu montrer que le test du CEA était au moins aussi sensible que le test chez la souris tel qu'il était pratiqué couramment. C'est une donnée extrêmement importante.

Sur ces courbes de dilution, le test du CEA est apparu le plus sensible d'un facteur important (30 fois plus que le test de Prionics et 10 fois plus que le test Enfer). Ce sont des données connues depuis juillet 1999.

Depuis, un partenariat s'est établi avec la société BIO-RAD, nous avons transformé ce test de recherche en un test industriel qui maintenant est disponible sous la forme de deux trousses : une qui permet d'effectuer la purification des échantillons, processus qui peut être réalisé en 30 minutes (cette trousse contient tous les réactifs pour faire cette préparation), la deuxième contenant les réactifs permettant d'effectuer la détection immunologique.

Les progrès obtenus au cours de cette période de transferts technologiques ont été une simplification de la méthode, un raccourcissement considérable de sa durée car le test peut être effectué en moins de 4 ou 5 heures. C'est devenu un outil parfaitement applicable soit pour des études épidémiologiques, soit pour détecter des animaux dans une chaîne d'abattage par exemple.

Je vais présenter maintenant des résultats obtenus très récemment, en septembre 2000, dans le cadre d'une étude supervisée par la Commission européenne, qui a porté sur des échantillons extrêmement précieux prélevés au cours des études de pathogenèse anglaise. Ce sont des études au cours desquelles des animaux ont été infectés expérimentalement et abattus séquentiellement, tous les organes étant prélevés pour être analysés.

Cette étude a été effectuée en aveugle. Elle a permis de montrer un certain nombre de choses.

Elle a montré que le test Biorad avait encore une spécificité parfaite puisque sur les 120 échantillons négatifs contenus dans cette étude, aucun n'a donné de faux positif.

Elle a démontré, sans ambiguïté (ce sont des animaux sur lesquels on connaît la période d'infection) que le test Biorad permettait de détecter les animaux avant l'apparition des signes cliniques.

Je ne vous donnerai pas un chiffre qui caractérisera le nombre de mois avant l'apparition des signes cliniques auxquels ce test permet d'accéder car il n'est pas possible à évaluer à partir de ces études. Ce paramètre " apparition des signes cliniques " est trop imprécis. Simplement, les animaux qui étaient examinés tous les jours, qui n'avaient aucun signe clinique, ont pu être détectés avec le test Biorad.

Les comparaisons ont été faites avec toutes les techniques utilisées sur les échantillons et le test Biorad s'est avéré soit plus sensible soit aussi sensible que tous ces tests, y compris le test de détection chez la souris, ce qui est la deuxième indication que ce test a une sensibilité équivalente au test " souris " normal.

Enfin, il y avait 626 échantillons, la totalité des mesures a pu être faite en trois jours et demi alors qu'il aurait fallu des semaines, des mois ou des années avec les techniques précédentes.

Le test Biorad peut être appliqué sans aucune modification à la détection de la tremblante du mouton. Il n'a pas été fait de validation aussi importante, j'espère qu'elle le sera par la Commission européenne puisque BIO-RAD a répondu à l'appel d'offres sur la détection de la tremblante. Sur 47 cas de moutons sains par rapport à 11 cas de moutons tremblants, le test permet très facilement de faire la différence.

Il est important dans ce genre de test diagnostic d'avoir un test de confirmation. Le CEA, en collaboration avec BIO-RAD, développe un test de confirmation ayant pour but de confirmer les positifs répétés dans le cas d'un test Elisa, de façon à avoir deux méthodes indépendantes basées sur des techniques différentes dont la combinaison de spécificités évite toute erreur de diagnostic.

Je voudrais conclure sur la question probablement la plus importante : des tests rapides, pour quoi faire ?

Des études épidémiologiques, c'est évident. Leur application permet d'avoir une idée plus précise et plus efficace du nombre d'animaux infectés dans des populations à risque. Ces études seront probablement étendues à des animaux abattus dans le cadre d'un abattage normal, pour avoir des idées plus précises de ce qui se passe dans la population bovine.

Une autre possibilité est d'utiliser ces tests pour éliminer les animaux infectés de la chaîne alimentaire. C'est une question très importante.

Ces tests ne peuvent que détecter la forme anormale de la protéine du prion dans le système nerveux central. Ils vont donc le faire de façon assez tardive, 3 à 9 mois avant l'apparition des signes cliniques et ils ne détecteront pas les animaux en phase d'incubation de la maladie.

Est-ce à dire qu'ils sont inutiles ? Ce n'est certainement pas l'avis que je défendrai car tout le monde sait que ces animaux, en phase terminale, sont porteurs de la charge infectieuse la plus importante. Même si l'on enlève les organes à risque, pas un comité scientifique n'a dit que l'on pouvait laisser entrer ces animaux dans la chaîne alimentaire, parce qu'on n'est jamais capable de les éliminer complètement, parce qu'il y a des risques de contamination au moment de l'élimination et parce que les organes à risque ne sont pas tous identifiés, la dose infectieuse pour l'homme n'étant pas connue.

Si en un tour de main on pouvait tester tous les animaux abattus de plus de 30 mois avec un tel test, incontestablement, on rendrait un service en termes de sécurité sanitaire. La question se pose de savoir si ces tests peuvent être appliqués très rapidement et sur quel nombre. Je suis suffisamment près des réalités du terrain pour savoir que cela ne peut pas se faire du jour au lendemain. Ce n'est plus une question scientifique mais une question de logistique et de mise en place économique et politique.

M. BUTIN (Directeur Scientifique de la société AES, distributeur du test Prionics) .- En préambule, j'aimerais dire que nous vous remercions de nous avoir conviés. On ne nous entend pas très souvent, et je pense que nous avons un certain nombre de choses à dire, notamment en matière de sensibilité. Nous voulons profiter de cette occasion pour rétablir quelques vérités scientifiques.

Je commencerai mon exposé en disant que le test Prionics est utilisé dans la forme utilisée dans le cadre de la campagne. Ce test a été validé voici plus de deux ans par l'Union européenne, il est utilisé depuis plus de deux ans dans la campagne suisse.

Sur plus de 100 000 tests effectués par plus de 20 laboratoires dans le monde, on n'a jamais trouvé un résultat discordant.

Ce test a été validé par l'Union européenne et, dans les essais menés, 100 % de sensibilité ont été détectés du premier coup. J'insiste sur ce point car si on prend la peine de lire le rapport dans son intégralité, on constate que c'est le seul des quatre tests en évaluation à avoir donné les bons résultats sans avoir besoin de repasser les échantillons.

Une question se pose, que Monsieur GRASSI a un peu évoquée, je le rejoindrai sur la conclusion générale : doit-on faire un Elisa ou un Western Blot ? Les Elisa, tests généralement utilisés en screening, sont souvent associés à des premiers tris d'échantillons. Je peux prendre pour exemple le dépistage des personnes contaminées par le virus du Sida. On fera des tests Elisa en première intention mais lorsqu'on a un résultat positif, on se doit de faire une confirmation Western Blot. Les tests de Western Blot apportent des informations supplémentaires qui permettent de fiabiliser les résultats positifs.

C'est la raison pour laquelle Monsieur GRASSI vous a dit que BIO-RAD avait ressenti le besoin de développer un test de Western Blot qu'ils sont en train de développer pour confirmer leurs résultats positifs.

La politique de Prionics a été de partir directement sur un Western Blot. Vu le traitement à faire des échantillons en amont, la différence de temps et technique entre l'Elisa et le Western Blot n'était plus un obstacle. En revanche, on pouvait avoir une fiabilité des résultats.

Il existe chez Prionics un Elisa mais nous ne l'avons jamais introduit en France pour une raison totalement contractuelle. C'est en effet un engagement que nous avons pris quand nous avons répondu à l'appel d'offres du gouvernement pour la campagne de dépistage où il était spécifié que le test évalué par la Commission européenne devait être présenté dans le cadre de cet appel d'offres.

Nous avons tenu nos engagements et aujourd'hui nous continuons à travailler avec ce Western Blot.

Il est évident que si l'on s'orientait plutôt vers un test de type Elisa avec uniquement confirmation des positifs par Western Blot, nous possédons la solution technique.

Quand des tests se déroulent normalement, si vous avez un animal non porteur du prion pathologique avec un traitement à la protéase K normale, que ce soit un test Elisa ou un test de type Prionics Western Blot, vous aurez un résultat négatif.

De même, si vous avez un animal positif, votre traitement à la protéase K est efficient, vous aurez dans les deux cas un résultat positif.

En revanche, à supposer qu'il y ait pour une raison donnée un déficit de traitement à la protéase K, un test Elisa ne le verra pas, donc rendra un résultat positif puisqu'il détectera le prion normal en rendant un résultat de présence de prion pathologique.

Enfin, un test de Western Blot ne vous rendra pas un résultat en termes de positif/négatif, il vous indiquera un déficit d'action de la protéase K et il ne pourra pas répondre. C'est extrêmement important, c'est l'une des raisons pour lesquelles on considère qu'un Western Blot apporte des informations supplémentaires.

La sensibilité d'un test ESB est sa capacité à détecter de la façon la plus précoce possible un animal porteur du prion sous sa forme pathologique, chez un animal infecté bien entendu. Or, à ce jour, il n'existe aucune publication scientifique ayant décrit un cas d'un animal contaminé par le prion pathologique et qui aurait été détecté par une méthode quelconque et pas par la méthode Prionics.

Aujourd'hui, dans toutes les études comparatives réalisées, jamais un autre test, une autre méthode n'a pris en défaut le test Prionics.

La seule étude comparative publiée réalisée entre les deux tests est celle à laquelle faisait allusion Monsieur GRASSI ; elle n'a pas permis au test présenté comme 30 fois plus sensible de détecter un seul animal supplémentaire sur les 1 400 animaux testés. Pourtant, lorsqu'on prend les résultats obtenus avec le test du CEA, un certain nombre d'échantillons (au moins 2) était en limite du seuil de détection.

Pour vous expliquer ce schéma, vous avez ici les niveaux de détection du test, et les niveaux de détection des positifs. Le premier positif est détecté à 0,3 alors que le seuil de détection de la méthode et à 0,25.

Ce sont nos conclusions, ce ne sont pas celles du rapport de l'Union européenne. Si le test Prionics était 30 fois moins sensible, cet échantillon et celui-ci à 4 fois le niveau de seuil de sensibilité du test de CEA n'auraient pas été détectés.

C'est l'un des arguments majeurs pour démontrer qu'il est peut-être un peu hâtif de parler de sensibilités sur les essais de dilution menés.

Lorsque ces essais de dilution ont été menés, les échantillons tels qu'apportés au niveau des laboratoires ne correspondaient pas à des échantillons normaux analysés de manière normale, ce n'était pas des parties du cerveau du bovin sur lesquelles nous travaillons habituellement mais des échantillons préparés au laboratoire de façon à obtenir un certain nombre de dilutions.

Le test Prionics a montré pour ces échantillons une interférence entre l'échantillon lui-même, la manière dont il avait été préparé et l'action de la protéase K. Le résultat donné par Prionics n'était pas négatif, c'était la détection d'un déficit d'action de la protéase K qui ne permettait pas de rendre de résultat.

Il a été mis en évidence par le test Prionics dans cet essai qu'un biais avait été introduit dans la manipulation, lié au protocole opératoire, qui a fait que le test n'a pas pu donner un résultat fiable pour un problème d'interférence.

Ce que je vous dis est clairement consigné dans le rapport qui ne conclut absolument pas à une différence de sensibilité à partir de ces résultats. J'insiste sur ce point car la notion de 30 fois plus sensible reste largement à démontrer.

Dans le cadre du développement du test, Prionics n'a pas souhaité faire des concentrations d'échantillons mais a préféré choisir une autre piste parce que les concentrations d'échantillons ne permettent de concentrer que des échantillons ayant déjà des agrégats de prion, donc des échantillons ayant un niveau de contamination déjà bien entamée.

J'aimerais revenir sur des arguments plus généraux démontrés et publiés, qui à notre sens ont pesé dans le choix du Gouvernement pour le test Prionics dans le cadre de la campagne.

Il a été vérifié que des échantillons mal traités, conservés pendant très longtemps, à des températures élevées (une semaine à 37°, par exemple) totalement liquéfiés, ne perdaient pas leur positivité. Il a été démontré aussi que la manipulation du test Prionics permet de séquencer différentes étapes et une organisation optimale au niveau du laboratoire. Ce sont des arguments très techniques mais qui, à mon avis, ont intéressé les vétérinaires qui devaient mettre en place ce test.

Le test Prionics a montré sa capacité à détecter des cas sub-cliniques. Dans le cadre de la campagne d'épidémio-surveillance en Suisse, il y a au moins deux cas pour lesquels aucun élément n'a permis de détecter le moindre signe clinique sur deux des animaux détectés.

Il a montré sa capacité à détecter des cas négatifs par histopathologie. Enfin, des études ont permis de démontrer qu'il n'y avait pas de confusion et qu'il permettait de distinguer les animaux porteurs d'ESB d'animaux porteurs d'autres affections neurologiques.

Pour conclure, certes, les tests ne permettent pas de détecter un animal qui vient d'être infecté, car il y a forcément une période plus ou moins longue pendant laquelle l'animal est porteur mais ne peut pas être détecté. Ce n'est pas une raison pour ne pas dépister les animaux porteurs. Déjà, on éliminera les animaux les plus dangereux a priori et on pourra réduire globalement le risque infectieux.

M. BUGEON (Directeur général de la Société BIO-RAD) .- Il y aurait beaucoup de commentaires à faire de notre part sur la présentation de notre confrère, mais le lieu n'est pas celui d'un débat de type plus commercial que scientifique.

Des études ont été publiées, elles sont disponibles, tout le monde peut s'y référer, et nous nous réjouissons qu'une nouvelle évaluation soit en cours au niveau français permettant de faire la lumière sur les performances respectives des produits que vous pouvez trouver aujourd'hui.

Je voudrais revenir sur notre rôle en tant qu'industriels face à la crise que nous vivons aujourd'hui. Notre rôle tel que nous le voyons est de mettre en l'état actuel de nos connaissances le test le plus sensible possible sur le marché, de mettre à la disposition des gens qui souhaitent l'effectuer un test permettant de faire des analyses en grande quantité, parce que quand on parle de filière bovine, on sait qu'on a affaire à des millions de têtes abattues par an, et donc le temps pendant lequel on fait ce test et le nombre de tests qui peuvent être effectués par jour est important en vue d'un dépistage plus systématique, voire d'une enquête épidémiologique élargie.

Il permet également de mettre à la disposition des utilisateurs un test ayant recours à une technologie éprouvée. La technologie Elisa mentionnée tout à l'heure est tout à fait éprouvée puisqu'elle est couramment utilisée pour le dépistage de la plupart des maladies infectieuses, entre autre sur le plan clinique, sur le plan humain, puisque c'est une méthode utilisée notamment en transfusion pour le dépistage du sida et des hépatites.

Vis-à-vis de cette technique, nous nous sentons à l'aise en tant qu'industriels. Notre usine produit couramment 35 millions de ces tests par an et peut très facilement, pour le test de dépistage de l'ESB, répondre à des besoins sur le plan non seulement français mais de l'Union européenne, jusqu'à plusieurs millions de tests par an.

C'est le message que nous souhaitons délivrer. Nous nous sommes préparés, compte tenu de cette crise, à faire face à des demandes plus importantes. Nous avons d'ores et déjà pris des mesures pour avoir en stock plusieurs dizaines de milliers de tests et nous pouvons très rapidement en offrir des quantités beaucoup plus importantes.

C'est le message que je voudrais faire passer en tant qu'industriel à cette honorable assemblée.

M. LE DEAUT .- Merci beaucoup. Je vais donner la parole à mes collègues.

M. CHEVALLIER .- Je n'ai pas de compétence pour savoir quel est le meilleur test à utiliser, j'ai une question d'ordre général.

J'ai retenu que vous étiez en possession de tests qui permettaient de détecter l'infection avant l'apparition de signes cliniques. Une question me vient à l'esprit, qui n'est peut-être pas une question à laquelle vous pourrez répondre mais peut-être que les scientifiques qui sont intervenus tout à l'heure pourront le faire : est-ce que, dans cette phase de détection, l'animal est doué d'infection ?

A un moment où l'on arrive à détecter la présence de l'ESB, avant l'apparition de signes cliniques, est-ce que cet animal est porteur de l'infection par rapport à une éventuelle contamination et consommation au niveau du consommateur ?

Si l'on arrive à détecter la phase pendant laquelle cet animal est porteur de l'ESB et qu'il ne soit pas tout à fait infectieux, on aura fait un grand pas. Je pose la question au plan scientifique.

M. LE DEAUT .- Cette question est majeure, je l'avais posée en introduction tout à l'heure.

Vous avez croisé le fer sur la sensibilité des tests en disant que tel test était plus ou moins sensible, que ce n'était pas prouvé, et nous sommes face à un problème scientifique. Monsieur BARON disait que la notion de signes cliniques et leur apparition était aléatoire, on ne sait pas quand ils apparaissent.

Si vous arrivez à dire que vous êtes capables de doser tant d'unités infectieuses et qu'à un moment on montre que pour un faible nombre d'unités infectieuses, il n'y a pas de danger, on pourra dire que si l'on teste tous les animaux, ou en tout cas un certain nombre, on rassurera totalement le consommateur. Cette question est majeure.

M. GRASSI .- Il ne fait pas de doute qu'avant l'invasion du système nerveux central, il y a de l'infectivité notamment dans une partie de l'intestin, l'iléon, cela a été démontré sur les souris. On ne peut pas évaluer le danger que cela représente pour l'espèce humaine parce qu'on ne connaît pas l'importance de la barrière d'espèce entre les souris et l'homme.

Il ne fait pas de doute qu'un test quantitatif comme celui de BIO-RAD, quand il sera calibré par rapport à des souris qui auront été titrées, pourra donner un résultat en termes d'unités infectieuses. Le jour où l'on connaîtra la dose infectieuse humaine, on pourra peut-être en tirer des conclusions importantes.

Il ne fait pas de doute pour l'instant qu'il y a de l'infectiosité ailleurs dans l'organisme et avant qu'on la détecte avec les tests rapides...

M. LE DEAUT .- Pouvez-vous répondre sur le nombre d'unités infectieuses ?

M. DESLIS .- C'est plutôt ma partie, je vous le redévelopperai cet après-midi, je vous ai fait un exposé spécialement pour évaluer la protection de l'homme et le risque lié à la contamination.

On peut déjà dire que sur les bovins que l'on peut rencontrer, qui ont été contaminés naturellement, on ne sait pas détecter d'infectiosité en dehors du système nerveux central. On la détecte dans l'iléon, uniquement sur des bovins que l'on a contaminés expérimentalement avec une très forte dose d'agents infectieux. C'est la notion de dose qui est très importante.

Lorsqu'on vous dit que l'iléon est potentiellement dangereux, c'est parce que vous avez pris des bovins et que vous leur avez donné 100 grammes de ce que l'on trouve de plus infectieux, ce qui ne correspond pas aux conditions naturelles.

M. LE DEAUT .- C'est la question du nombre d'agents infectieux et du taux de détection sur le système nerveux central que nous aborderons cet après-midi.

M. DELAGNEAU .- Il y a eu un échantillon de tissus nerveux bovins dilués, titrés en unité de dose infectieuse " souris " et, dans un test de comparaison analytique, le test Elisa tel qu'il a été développé et repris a détecté 0,1 dose infectieuse 50 % " souris ".

Vous avez d'un côté le test " souris " utilisé avec des souris sauvages pour mesurer l'infectivité des tissus dans les conditions expérimentales et, de l'autre côté, le test Elisa sur le plan des performances analytiques voit 0,1 dose infectieuse 50 % souris.

M. CHEVALLIER .- Que nous donnerait un dépistage systématique de tout animal entrant dans l'abattoir avec application d'un de vos tests ? Quel serait le résultat concret ?

M. DELAGNEAU .- Il faut poser cette question à Marc SAVEY. Il est évident que si on appliquait ce test, au regard de ce que nous savons en premières données épidémiologiques, on trouverait des animaux supplémentaires. Ce n'était pas la finalité du programme épidémiologique tel qu'il était monté en France mais s'il est étendu demain, il répondra très bien à cette question.

M. LE DEAUT .- Pour compléter la question, le comité scientifique demandait qu'on teste de manière aléatoire à l'entrée des abattoirs des animaux sans avertir à l'avance. A-t-on commencé ? Sinon, va-t-on le commencer ?

M. MANFREDI .- En ce moment, très précisément, tous les animaux entrant en abattoir pour abattage d'urgence sont testés sur l'ensemble du territoire national. Ce programme va se terminer très rapidement dans les 83 départements qui viennent de démarrer, puisqu'on a un nombre de prélèvements à faire sur les 83 départements de l'extension qui est moindre que dans les 12 premiers départements du Grand Ouest. Dans les 12 départements du Grand Ouest, nous terminerons sans doute ce programme aux alentours de mars ou avril 2001.

A ce jour, sur les 12 départements du Grand Ouest, l'intégralité des animaux abattus d'urgence est testée.

M. LE DEAUT .- Ce n'est pas notre question.

Comme le recommande notamment Monsieur DORMONT, va-t-on mettre en place un test aléatoire dans un certain nombre d'abattoirs sur des animaux ne présentant théoriquement aucun risque ?

M. MANFREDI .- Le test aléatoire fait l'objet d'un protocole mis au point par le comité DORMONT, examiné par l'AFSSA, dont nous devrions dans les prochains jours examiner la faisabilité en comité scientifique de suivi.

M. CHEVALLIER .- Que sont les abattages d'urgence ?

M. MANFREDI .- Ce sont tous les animaux qui entrent sur les chaînes d'abattage pour cause d'accident. Tous les animaux auparavant abattus d'urgence pour cause de maladie sont désormais directement euthanasiés et font l'objet du prélèvement mais dans le cadre de l'euthanasie.

M. LE DEAUT .- Je crois me faire le porte-parole d'un certain nombre de parlementaires pour que ce protocole de tests aléatoires soit mis en place. C'est ce que réclament certains de nos concitoyens.

Au niveau du Parlement, c'est l'un des points que nous jugeons importants. L'intérêt d'une telle réunion est de faire passer un certain nombre de messages.

D'autres disent même qu'on rassurerait totalement si l'on testait la totalité des animaux abattus. Vous nous avez dit que vous étiez prêts à le faire mais il y a des intérêts économiques importants derrière. On m'a dit que le goulot d'étranglement n'était pas le test mais les prélèvements puisque vous avez bien expliqué que tous les tests se font post-mortem.

Est-ce possible et souhaitable ?

M. MANFREDI .- Le goulot d'étranglement, ce ne sont pas les tests, c'est toute l'orchestration des différents métiers qui ont à travailler ensemble et surtout la logistique.

La logistique nous oblige, pour ce genre de prélèvements, à avoir des vecteurs spécifiques dont il faut bien reconnaître que, pour les 12 premiers départements français du Grand Ouest, nous n'avons pas eu de grande difficulté à les trouver eu égard à la capacité agroalimentaire et à la capacité en transport frigorifique de cette région. En revanche, pour les autres départements, nous avons eu quelques difficultés à trouver des logisticiens qui puissent satisfaire aux réglementations en cours concernant le transfert de ces prélèvements.

Mais nous arriverons à le faire. Il faut savoir que quand les 13 laboratoires départementaux d'analyses choisis tourneront à plein régime (c'est le cas des 3 seniors), ils pourront tester environ 1 000 animaux par semaine.

Le nombre des animaux adultes de race bovine abattus par an sur le territoire national frôle les 6 millions. Si l'on compte 200 jours ouvrés, ce qui fait 30 000 animaux par jour, soit 150 000 animaux par semaine, vous mettez cela en face des 1 000 par laboratoire susceptibles d'être analysés dans les conditions d'extrême rigueur que nous avons mises en place, nous avons à valider, à mettre en place, à outiller, à aménager un nombre non négligeable de laboratoires suspectés capables d'assurer des prestations de la qualité de celles qui sont actuellement assurées dans les 3 LDA et, depuis quelques jours, dans les 10 autres.

M. LE DEAUT .- A la question de savoir s'il serait souhaitable de monter en puissance, si on peut le faire, avec de bonnes conditions techniques que vous indiquez, que répondez-vous ?

M. MANFREDI .- C'est quelque chose qui est envisageable. Si nous avons l'instruction de mettre en place ces tests, nous le ferons avec un différé dans le temps qui me paraît évident.

D'où la position du Comité vétérinaire permanent à Bruxelles où je représentais avec un autre collègue la branche vétérinaire du Gouvernement français, nous avions opté davantage pour un programme aléatoire ou un programme progressivement mis en place sur le territoire national. Il semblerait, à écouter les décisions des ministres de l'Agriculture de cette nuit, que ce ne soit pas tout à fait cela.

M. BUGEON .- En tant qu'industriels, nous partageons le point de vue de Monsieur MANFREDI sur ce goulot d'étranglement. La logistique est une chose importante ; l'environnement et la qualité de l'analyse aussi. C'est également sur ces points que nous avons porté nos efforts ces derniers mois de façon à entraîner nos équipes et que nos services de support à travers tout le territoire français soient le plus rapidement opérationnels pour le cas où une décision serait prise d'élargir le processus de dépistage.

Notre proposition inclut non seulement le test lui-même mais l'ensemble de la chaîne qui va du prélèvement jusqu'au rendu de l'analyse.

M. BARON .- Nous avons ici un débat complexe puisqu'on se pose la question de savoir en quoi un dépistage plus ou moins systématique, exhaustif protège la sécurité du consommateur ou pas.

Dans les exposés faits précédemment, nous avons vu la marge d'incertitude scientifique qui existait, en particulier par rapport à la précocité du diagnostic pré-clinique et par rapport à la question cruciale de la dose infectante.

Au détour des conditions de faisabilité extrêmement importantes, il est certain que ceci nécessiterait un effort budgétaire conséquent, la question est de savoir quelles sont les mesures sur lesquelles il vaut mieux focaliser notre attention.

Il a été dit que la protection de la santé du consommateur résultait d'un ensemble de mesures successives et qu'il ne faudrait pas se tromper de cible en oubliant que la mesure centrale est le retrait des matériels à risque spécifié et son contrôle. Si ce contrôle n'est pas opérationnel et effectif, il reste une source d'exposition potentielle, fut-elle résiduelle.

On peut s'interroger sur le fait de savoir s'il ne vaut mieux pas porter son effort sur les contrôles de l'exposition plutôt que sur le contrôle d'animaux qui, en principe, font l'objet de mesures réglementaires mises en place de façon exhaustive.

M. LE DEAUT .- Pour enlever des matériaux à risques spécifiés et les contrôler, il faut d'abord savoir si la bête abattue présente des risques.

M. BARON .- Le fait d'enlever des animaux positifs contribue à la diminution de l'exposition mais ceci ne doit pas occulter le fait que si l'on ne retire que 90 % des matériels à risque spécifiés, l'efficacité des tests à grande ampleur sera moindre que celle qui peut être le fait d'un laboratoire de recherche, et que l'on restera avec une certaine portion de risque.

M. LE DEAUT .- Vous pensez qu'avec l'enlèvement de la totalité des matériaux à risques spécifiés, si c'est contrôlé, la question de la généralisation du test se pose moins ?

M. BARON .- Si elle se pose, c'est un changement politique majeur.

Nous avons évoqué tout à l'heure le test aléatoire. Il n'a pas pour objectif de protéger la sécurité du consommateur mais d'éviter que des fraudes conduisent à l'entrée d'animaux positifs dans des circuits où les tests ne seront pas mis en oeuvre. C'est un objectif radicalement différent.

M. KERT .- On a juste esquissé le problème des coûts. Si l'on doit aller vers des tests généralisés, peut-on avoir une idée de ce que coûte un test et de le généraliser ?

M. MANFREDI .- Si dans le coût vous englobez la totalité, à savoir la prestation en laboratoire, l'achat du kit, les émoluments aux vétérinaires, les frais de logistique, les frais d'équarrissage, vous arrivez sur les 12 départements à quelque chose qui frôle les 1 500 F par animal testé.

M. LE DEAUT .- Comment arrivez-vous à 1 500 F avec un test à 100 F ?

M. MANFREDI . - 300 F pour l'équarrisseur, 420 F pour le laboratoire départemental, 100 F pour le test, le reste étant à répartir entre les émoluments au vétérinaire préleveur, au vétérinaire détecteur dans les exploitations et aux logisticiens.

Pour faire cette campagne de tests, il a fallu (et c'est l'une des fiertés de mon équipe) mettre au point un dispositif pour faire le prélèvement. Cela n'existait pas. En collaboration avec un fabriquant de Seine-Maritime, il a fallu mettre au point une cuillère à usage unique. C'est la seule au monde, notre fierté est d'avoir la possibilité de faire commercialiser par cette PME cette cuillère à travers toute l'Europe.

Il a fallu inventer la cuillère, les conteneurs de vectorisation au sein des vecteurs obligés. Il a fallu se décider pour des micro-conteneurs. Il a fallu tout inventer.

Votre question était de savoir si l'on pouvait étendre, je ne fais que répondre qu'on le peut, je ne me suis pas prononcé sur la qualité de l'extension ni sur le fait qu'elle se justifiait.

Nous maîtrisons maintenant de A jusqu'à Z la totalité des écueils et de tous les " plis de tapis " dans lesquels nous nous sommes " cassés le nez ", particulièrement votre serviteur pendant quelque mois.

M. GATIGNOL .- Est-ce que l'âge de nos animaux entrant sur la chaîne d'abattage peut être considéré comme un élément déterminant ? Il y a les plus de 24 mois, les plus de 30 mois, la cohorte de ceux qui se sont révélés positifs à la détection. Est-ce une orientation qui pourrait être prise en compte ?

M. GRASSI .- Il est bien évident qu'à partir du moment où l'on a dans un très petit nombre de cas détecté au niveau du système nerveux central l'agent infectieux avant 30 mois, si des tests systématiques devaient être mis en place, ils ne le seraient pas sur l'ensemble de la population des bovins abattus mais sur ceux ayant plus de 24 ou 30 mois, ce qui réduirait le nombre de tests à faire. De toute façon, ces tests ne donneraient aucun résultat avant cette période.

M. GATIGNOL .- Il s'agit de recherche au titre de l'épidémiologie et non pas de sécurité alimentaire puisque depuis ce matin vous nous répétez que le steak n'est jamais porteur d'éléments contaminants.

M. GRASSI .- S'agissant des études épidémiologiques, il faut s'intéresser rapidement aux populations qui fournissent tous les cas d'ESB, c'est-à-dire ceux nés entre 1993 et 1996, pour avoir une idée précise de l'incidence de la maladie dans ces tranches, et éventuellement prendre des décisions.

M. MANFREDI .- Je souhaite également préciser que dans les prochains jours allaient être prises des mesures réglementaires pour les colonnes vertébrales.

M. LE DEAUT .- Je vous remercie Mesdames et Messieurs d'avoir assisté à cette matinée d'auditions.

Un point important a été indiqué et que nous avons réussi à faire préciser : à partir du moment où vous indiquez que c'est sur les matériaux à risques spécifiés qu'il faut donner la priorité, cela signifie que le test de détection ne vient que dans l'hypothèse d'une contamination d'autres parties de l'animal.

Est-ce qu'à un moment on réussit totalement à rassurer des consommateurs sur la viande rouge quand on voit dans les enquêtes aujourd'hui qu'un français sur 5 a arrêté de manger de la viande après la nouvelle crise qui vient de se passer ? C'est un problème que nous aurons à nous poser, qui dépasse les problèmes techniques.

Toutes les décisions ont été prises mais, aujourd'hui encore, lorsqu'on voit que dans des cantines de beaucoup de villes de France on ne sert plus de viande, cela signifie que dans l'esprit le risque perçu par la population dépasse largement les matériaux à risques spécifiés, et là la question du test pour rassurer continue de se poser.

Je vous remercie d'avoir donné ces éclairages, cette matinée a été très intéressante.

La séance est suspendue à 12 h 50

APRES-MIDI

La séance est reprise 14 h 50 sous la présidence de Monsieur LE DEAUT.

M. LE DEAUT - Nous reprenons nos travaux.

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