Hommage à Sophie Huet
Assemblée nationale
mercredi 4 octobre à 12h


Monsieur le Président de l’Assemblée nationale, François de Rugy,
Madame la Présidente de la Région Ile-de-France, Valérie Pécresse,
Mesdames et messieurs les Parlementaires,
Mesdames et Messieurs membres de l’Association de la presse parlementaire,

Je vous remercie de me donner la parole à l’occasion de cet hommage que vous rendez à votre consœur, Sophie Huet, qui nous a quittés cet été.

Chantal Didier, je vous remercie tout particulièrement de m’avoir sollicité, vous qui étiez aux côtés de Sophie à la Présidence du Sénat lors de conférences de presse que vous organisiez toutes les deux, soit à l’occasion des rentrées parlementaires, soit à l’occasion de la nouvelle année.

Nous vivons une rentrée parlementaire sans Sophie et c’est la première depuis près de quatre décennies !

En effet, depuis près de 40 ans, les couloirs de l’Assemblée nationale et ceux du Sénat étaient les décors du quotidien de cette silhouette fine et vive, de cette Sophie, passionnée et exigeante qui aura vécu la vie de journaliste politique et parlementaire comme un engagement au service de la démocratie.

Ses confrères du Figaro l’ont magnifiquement bien décrite : son élégance, sa vivacité, son enthousiasme infatigable, sa parfaite connaissance des arcanes du travail législatif ont fait d’elle une grande dame du Parlement. Elle adorait cette atmosphère où bat le cœur de la démocratie. Elle en était la mémoire vivante. Elle reste pour beaucoup un exemple de journalisme parlementaire de qualité.

Mais je vous parlerai plus particulièrement de ses relations avec le Sénat.

Comme l’Assemblée nationale, il n’avait plus de secret pour elle.

Sophie et le Sénat, c’est à la fois une longue histoire personnelle et une histoire professionnelle.

Son histoire personnelle, c’est celle qu’elle a vécue aux côtés de Lucien Neuwirth, sénateur, auprès duquel j’ai eu la chance de siéger.

Je veux rappeler l’énergie que Sophie a déployée pour faire vivre la mémoire du résistant de Lucien Neuwirth mais aussi, ces derniers mois, pour célébrer le cinquantième anniversaire de la loi qui porte son nom, la loi relative à la régulation des naissances. En mars dernier, La Poste avait dévoilé, dans l’enceinte du Sénat, un timbre à l’effigie de Lucien Neuwirth et je sais que Sophie a beaucoup œuvré pour que l’engagement de Lucien en faveur des droits des femmes soit justement reconnu.

C’est la silhouette fine de Sophie que je souhaite évoquer. Fermons les yeux, elle est là :  lorsqu’à l’issue d’un scrutin, elle venait doucement me poser une question entre fausse naïveté et véritable sens politique ; quand elle pronostiquait telle ou telle issue à certains scrutins ; quand elle embarquait pour un voyage de presse avec enthousiasme, voire gourmandise : le dernier qu’elle a effectué à mes côtés fut au Liban en octobre 2015, je me souviens de sa joie de vie et de la pertinence de ses interventions. Je me souviens plus particulièrement de son émotion lorsque nous avions visité un immense camp de réfugiés. Elle reprit dans son article cette métaphore : « L'amitié de la France pour le Liban est comme les étoiles. C'est pendant la nuit que l'on peut les compter.»

Ses qualités professionnelles et humaines étaient éminentes et s'accordaient formidablement avec l'aigu de son caractère et la rigueur qu'elle plaçait dans son travail. Son sens politique s’était aiguisé en fil des mandats, des sessions.

Le journalisme parlementaire est orphelin de Sophie. Ce journalisme si particulier qui se fait trop rare. L’évolution des médias, la vitesse de l’information, le zapping sous toutes ses formes, voudraient reléguer les journaux papiers avec leurs longues enquêtes et interviews à des sources d’informations de « l’ancien monde » destinées à l’ancien monde. Et bien, Sophie était une magnifique et talentueuse journaliste de cette presse-là. Sa seule ambition était de faire comprendre à travers ses lignes le fonctionnement du Parlement et de la démocratie, en prenant son temps, en fouillant ses enquêtes, en se plongeant dans les textes, en suivant le processus législatif. Elle ne s’arrêtait pas aux cabotinages ou aux « mots ».

Ce monde-là, le monde de Sophie Huet est le mien. Je l’ai partagé avec elle et j’en suis heureux.

Le Palais Bourbon et le Palais du Luxembourg, qu’elle aimait tant, resteront à jamais les gardiens de sa mémoire.