Allocution du Président du Sénat, M. Gérard Larcher,
à l’occasion de sa rencontre avec la communauté française,
Abidjan, le 18 février 2020


Monsieur l’Ambassadeur,
Mes chers collègues Sénateurs,
Mesdames et Messieurs les Conseillers consulaires,
Monsieur le Commandant des Forces françaises en Côte d’Ivoire,
Monsieur le Consul général,
Mes chers compatriotes,
Chers amis,


Je vous remercie, Monsieur l’Ambassadeur, de votre accueil dans cette Résidence, qui est la maison de tous les Français, et vous êtes nombreux ce soir, malgré la période de vacances. Je vous en suis reconnaissant.

Je suis accompagné d’une délégation de Sénateurs qui reflète une pluralité de sensibilités politiques, mais aussi un intérêt partagé pour votre situation et le pays où vous vous êtes établis : la Côte d’Ivoire.
Permettez-moi de vous présenter les membres de la délégation qui m’entourent – nombre d’entre eux vous sont déjà bien connus :

Christian Cambon, Sénateur du Val de Marne, Président de la Commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées,
Jean-Marie Bockel, ancien ministre, Sénateur du Haut-Rhin, Président de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation,
André Reichardt, Sénateur du Bas-Rhin, Vice-président de la Commission des Lois, Président du groupe d’amitié France-Afrique de l’Ouest,
Guy-Dominique Kennel, Sénateur du Bas-Rhin, Secrétaire du Sénat, Président délégué pour la Côte d’Ivoire,
Olivier Cigolotti, Sénateur de la Haute-Loire, Vice-président de la Commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées,
Richard Yung, Sénateur représentant les Français établis hors de France.

La visite que nous achevons par cette rencontre avec vous, mes chers compatriotes, répond à une invitation du Président du Sénat de la Côte d’Ivoire, M. Jeannot Ahoussou-Kouadio. Vous le savez, la Côte d’Ivoire s’est dotée, lors de la révision constitutionnelle de 2016, d’une 2nde chambre, et le Sénat français se fait fort, partout où cela est le cas, de soutenir les 2ndes chambres nouvelles et de coopérer avec elles, au titre de la promotion du bicamérisme.

Non par esprit de corporatisme. Mais parce que nous pensons que, quels que soient les pays, une seconde chambre permet de consolider les institutions, et de mieux représenter chacun des territoires, y compris le plus reculé, le moins favorisé. La décentralisation est consubstantielle aux sénats, et j’ai d’ailleurs ouvert le Forum sur la décentralisation organisé par le Sénat ivoirien, en présence de tous les acteurs territoriaux de la Côte d’Ivoire.


Je tiens à souligner cet aspect, car il participe de nos intérêts dans ce pays : à travers la coopération décentralisée entre les régions, les villes, les communes de France, et la Côte d’Ivoire, ce sont les savoir-faire français et les entreprises françaises qui sont promus. Les coopérations décentralisées sont aussi une porte d’entrée pour les contrats de demain.

Je tiens à souligner également le lien de proximité que les sénats entretiennent avec les communautés expatriées, et singulièrement le Sénat français avec vous-mêmes, mes chers compatriotes. Le Sénat français vous représente depuis 1946.

Les conseillers consulaires fournissent désormais le nombre le plus important de grands électeurs pour le choix de vos sénateurs des Français établis hors de France. Je n’ai qu’un conseil à vous donner : le 17 mai prochain, votez pour élire vos conseillers consulaires !

Mais le bicamérisme et la décentralisation, tout importants qu’ils soient, n’ont pas été les seules questions abordées lors de cette visite. Des contacts politiques, et notamment de l’entretien que j’ai pu avoir avec le Président Ouattara, je retiens son attachement aux liens d’amitié et à la coopération avec la France.

Je note aussi son appréciation de votre rôle et de votre engagement, mes chers compatriotes, dans le développement de la Côte d’Ivoire : à l’heure où certains grands pays asiatiques investissement massivement en Afrique, prônent des conditions qui paraissant avantageuses dans un premier temps, et dans un premier temps seulement, construisent à moindre coût des infrastructures dont la qualité est sujette à caution, les autorités ivoiriennes ont pleinement conscience de l’apport de la France et des Français, qui s’inscrit dans la durée.

La France a choisi de faire autrement, et nous ne devons pas en rougir. Elle a choisi de construire un partenariat, fait d’engagements réciproques. C’est tout à son honneur. Et elle a conjointement mis en place, avec nos interlocuteurs ivoiriens, des projets pleins de promesses : je pense au Hub franco-ivoirien pour l’éducation, dont j’ai pu mesurer la portée pour la jeunesse.

Mais n’ayons pas peur, dans le respect absolu de nos interlocuteurs, d’affirmer nos intérêts lorsque cela est nécessaire. Car d’autres pays le feront à notre place, si nous n’y prenons garde.

Mesdames et Messieurs, 2020 sera une année importante pour la Côte d’Ivoire, et pour la relation entre la Côte d’Ivoire et la France. Il y a 60 ans, la Côte d’Ivoire devenait indépendante. Et la France du Général de Gaulle y était favorable, parce que tel était le sens de l’histoire et que cette indépendance exprimait la volonté des peuples.

J’ai choisi d’inscrire ma visite dans le temps long, car le recul, qui n’est pas synonyme de nostalgie, l’expérience, permettent d’envisager, avec respect, l’histoire dans sa complexité et dans son épaisseur.

La délégation qui m’accompagne et moi-même avons tenu à rendre un hommage à l’ancien Président Félix Houphouët-Boigny. Souvenons-nous : il fut ministre du Général de Gaulle, co-signataire de la Constitution de la Ve République, de notre Constitution, et Père de l’indépendance de la Côte d’Ivoire. Il est des destins singuliers qui nous font mieux appréhender le passé, dans toutes ses dimensions.

Ne jugeons pas le passé. Si les temps ont bien entendu changé, l’histoire ne s’écrit pas à la seule lueur du présent.

2020 sera une année importante également, parce que la Côte d’Ivoire s’achemine vers une élection présidentielle, et qu’à l’exception, qu’il faut souligner, de 2015, la période électorale fut, par le passé, marquée par des tensions. Et que ces tensions ont rejailli sur votre activité et sur vous-mêmes, mes chers compatriotes.

Vous le savez : partout où des Français sont établis, la France, sans ingérence, se fait un devoir d’assurer leur sécurité et leur protection. Il n’y a pas d’exception. La présence des Forces françaises constitue une garantie supplémentaire.

J’ai, par ailleurs, confiance dans les autorités de la Côte d’Ivoire et la classe politique ivoirienne dans son ensemble – je l’ai rencontrée dans sa diversité - car je mesure le chemin parcouru depuis 2011 en direction de plus de stabilité, d’un renforcement des institutions, du rétablissement de la croissance.

Et la confiance, c’est vous-mêmes qui la portez : votre communauté en Côte d’Ivoire ne cesse de s’accroître, année après année. La situation qui a prévalu depuis 2011 se présente comme un gage pour l’avenir.

Il nous faut cependant regarder la réalité en face : chez les voisins du nord de la Côte d’Ivoire, au Mali et au Burkina Faso, au Sahel, la situation se dégrade et le terrorisme progresse. Ce n’est pas irréversible.

Non que nos militaires, qui sont en première ligne, même s’ils ne sont pas seuls, aient manqué à leur mission. Au contraire.

J’ai rencontré au Tchad et au Niger les soldats de l’opération Barkhane. Je me suis rendu, avec les Sénateurs qui m’accompagnent, au camp de Port-Bouët auprès des Forces françaises en Côte d’Ivoire, dont plus de 200 de leurs camarades ont rejoint l’opération Barkhane. J’ai tenu, avec la délégation sénatoriale, à leur manifester le soutien de la Nation tout entière, dans sa diversité institutionnelle et politique.

Je n’ai pas besoin de vous dire leur abnégation et leur courage. La famille sénatoriale l’a aussi éprouvé en son sein. Ils font honneur à la France car ce n’est pas la sécurité de la France seule qu’ils défendent : ce sont les pays africains, qui paient un si lourd tribut au terrorisme, et c’est l’Europe.

J’ai pu percevoir vos appréhensions. Et, de fait, l’attentat de Grand-Bassam, le 13 mars 2016, marque de façon indélébile nos mémoires. La délégation sénatoriale a d’ailleurs tenu à honorer les victimes françaises, ivoiriennes, et de plusieurs autres nationalités qui sont tombées à Grand-Bassam.

Dans ce combat contre le terrorisme, les autorités ivoiriennes sont pleinement engagées. Nous devons leur en être gré. Car c’est un atout pour la France que de compter sur des alliés africains qui soient fiables et dont nous partageons les intérêts. Oui, la Côte d’Ivoire est notre allié stratégique et un allié fiable.


Mes chers compatriotes,

Notre pays ne facilite pas toujours la situation des Français établis hors de France. Le dévouement des services consulaires n’est pas en cause : il est total.

Mais qu’il s’agisse de la CSG/CRDS, de l’imposition de la résidence en France, considérée à tort comme « secondaire », qu’il s’agisse de la « débancarisation », c’est-à-dire de la fermeture arbitraire, car tel est le mot, de comptes bancaires de certains d’entre vous du fait d’une application excessivement rigoureuse de normes, nécessaires, contre le blanchiment d’argent : la rudesse avec laquelle certains règlements vous sont appliqués ne tient pas compte de la spécificité de votre situation.

Je sais aussi que des projets ambitieux, comme le doublement d’ici 2030 des élèves scolarisés dans le réseau français à l’étranger, suscitent des interrogations, des doutes et des inquiétudes souvent, sur la qualité de l’enseignement dispensé, sur le niveau des bourses scolaires, qu’il ne faudrait pas raboter, sur les frais d’écolage qui pèsent sur les familles françaises.

Soyez-en persuadés : le Sénat ne relâchera pas sa vigilance sur ces sujets qui vous préoccupent à juste titre, pour que les promesses qui vous ont été faites se transforment en actes, pour que plus de justice prévale, notamment dans le champ fiscal, et que les moyens soient à la mesure des ambitions.


Mesdames et Messieurs,

La France et la Côte d’Ivoire ont écrit une longue histoire ensemble. Nos deux pays sont restés unis et doivent le rester. Les Français établis en Côte d’Ivoire ont pris toute leur part et ont accompagné l’expansion du pays qui les accueille, son développement, avec le souci de la qualité de ce dernier.

Regardons l’avenir en face. Voyons les opportunités. Et continuons de faire vivre l’amitié entre la France et la Côte d’Ivoire.

Vive la Côte d’Ivoire. Vive la République. Et vive la France !

Seul le prononcé fait foi