Service des Commissions

Situation de la Direction générale des impôts : les conclusions et propositions de la commission des finances du Sénat

 Au cours de sa séance, du 2 février 2000, sous la présidence de M. Alain Lambert (UC - Orne), la commission des finances du Sénat a adopté les conclusions du rapport présenté par M. Bernard Angels, (Soc.-Val d’Oise) rendant compte de la mission de contrôle budgétaire sur les conditions d’exercice des missions fiscales de la direction générale des impôts, réalisée dans le cadre de ses fonctions de rapporteur spécial des crédits du ministère de l’économie, des finances et de l’industrie.

M. Alain Lambert (UC - Orne), président de la commission des finances et M. Philippe Marini (RPR - Oise), rapporteur général ont, tour à tour, salué l’important apport de cette mission de contrôle parlementaire et formé des voeux pour que ses conclusions permettent de réorienter les réformes annoncées par les ministres le 27 janvier dernier. Ils ont également déploré le manque de concertation qui a caractérisé la courte période s’étant écoulée entre la remise du rapport de la mission 2003 (début janvier) et la date de ces annonces, regrettant l’absence d’approfondissement du dialogue avec les personnels, et le défaut complet de consultation des élus, et en particulier des commissions compétentes du Parlement.

M. Bernard Angels, ayant souligné que la direction générale des impôts exerce des missions d’intérêt public majeur dans lesquelles elle est confrontée à un alourdissement de charges réclamant toujours plus de technicité et de réactivité face aux modifications de leur contexte, a expliqué que pour accomplir ses missions, la DGI mobilise avant tout des moyens humains. C’est un atout qu’elle doit savoir valoriser. C’est aussi une source de gains d’efficacité compte tenu des perspectives de diffusion des technologies. Mais c’est également un défi, tant la gestion d’un ensemble qui représente plus de 78.000 agents suppose de difficultés.

Le rapporteur a mis en lumière une caractéristique fondamentale et regrettable de notre administration fiscale : les missions fiscales de la DGI sont en effet partagées avec d’autres administrations dans des conditions qui créent des duplications et des cloisonnements peu propices à davantage d’efficacité et d’efficience.

Si la DGI a réalisé de réels efforts pour améliorer l’animation de son réseau, sa capacité à s’adapter aux légitimes demandes des administrés et à rendre compte de son fonctionnement reste insuffisante.

M. Bernard Angels a placé ses propositions de réforme dans la perspective de l’indispensable modernisation de notre administration fiscale.

Il a d’abord souhaité que des progrès soient réalisés vers une administration fiscale unique.

En ce sens, il a appelé à unifier la DGI et la direction générale de la Comptabilité Publique (DGCP) sur des bases claires et simples.

L’intégration dans une même administration des services de la DGI et du Trésor Public s’impose pour supprimer les cloisonnements et les superpositions actuelles.

Elle engendrera une unité d’animation et de gestion au niveau national et au niveau local.

La dualité des réseaux de recouvrement n’a pas de justification et doit être supprimée, le réseau de la DGI adhérant progressivement au nouveau réseau comptable ou aux services chargés d’établir l’impôt.

L’unification des services doit déboucher sur une unification des systèmes informatiques et, plus généralement, sur une intégration des systèmes d’information.

Il a donc approuvé le principe de la réforme annoncé par les ministres.

Il a toutefois exprimé ses réserves devant certaines des modalités envisagées.

Il a d’abord jugé que l’unification des réseaux et la fluidité qui en résultera entre des services aux fonctions interdépendantes ne doit pas signifier la banalisation de chaque fonction et, en particulier, le mélange des fonctions d’assiette et de recouvrement de l’impôt. Cette perspective au terme de laquelle la règle protectrice de séparation des responsabilités d’assiette et de recouvrement des recettes pourrait disparaître relève d’une étape ultérieure des réformes dont tous les termes devront être rigoureusement envisagés. En l’état actuel des choses, cette appréciation manque de maturité et, d’ailleurs, le maintien de l’identité de la fonction comptable en dépenses, dont la remise en cause n’est pas envisagée, appelle naturellement une même solution en recettes.

Pour que les gains attendus de l’unification de la DGI et de la DGCP soient maximaux, il convient de promouvoir les modalités d’intégration les plus simples et ce n’est pas la voie ouverte par le rapport de la mission 2003.

Dans cette perspective, il faut tenir compte des réalités suivantes :

- les regroupements sur sites qui sont envisagés supposent des difficultés majeures (le nombre des agents concernés est considérable - 17.000 agents pour la seule DGCP ; les désimplantations-réimplantations qui s’ensuivraient posent des problèmes de coûts mal maîtrisés ;  la dualité " hôtels des impôts des entreprises " - " hôtels des impôts des particuliers " réinstaure des cloisonnements qu’on souhaite éviter...) ;

- pour des avantages mineurs : l’intérêt d’une fusion de la DGCP et de la DGI est de supprimer des duplications et des cloisonnements coûteux en instaurant une administration atteignant la masse critique et dotée d’une animation unique et cohérente ; le regroupement sur site ne s’impose pas à l’heure des technologies modernes de communication et peut s’avérer contre-productif en termes d’accessibilité pour les administrés puisqu’il supposera un éloignement des services fiscaux.

La commission des finances du Sénat est favorable au principe d’une réforme de l’administration fiscale. Mais elle exprime des réserves quant aux modalités décidées par le Gouvernement. En revanche, elle approuve le schéma d’intégration proposé par son rapporteur.

Le rapporteur a aussi appelé à la mise à l’étude d’un élargissement des missions de l’administration nouvelle ainsi créée qui pourrait être chargée du recouvrement des droits de douane et des cotisations sociales.

Il a ensuite considéré que progresser vers une administration fiscale plus moderne suppose :

· de mettre l’accent sur l’informatisation et la dématérialisation des processus fiscaux et assurer une meilleure automatisation des traitements de masse (déclarations, paiements) afin en particulier de faire naître des économies d’échelle et de désengorger les services locaux en centralisant les tâches dont l’intérêt d’une réalisation en local est faible.

· d’assurer un meilleur accueil des administrés et un meilleur traitement de leurs demandes en adaptant les horaires d’ouverture des services, en favorisant les contacts à distance (informatique, téléphone) et en tirant tout le parti de l’unification des services pour répondre plus rapidement et mieux à leurs demandes.

Il a jugé qu’une administration fiscale moderne devait être aussi une administration fiscale plus transparente ce qui implique :

· d’asseoir les régimes indemnitaires des agents sur des bases légales et réglementaires ;

· de parfaire la réintégration budgétaire des fonds de concours et des ressources extrabudgétaires ;

· de renoncer à la pratique des surnombres ;

· d’améliorer le rapport d’activité de l’administration nouvellement créée en lui donnant un contenu rendant compte de la réalité des résultats et des coûts ;

· de redéfinir le contrat d’objectifs et de moyens de la DGI en fonction des réformes préconisées en y associant le Parlement ;

· d’organiser un contrôle annuel des résultats et des coûts au sein des commissions des finances du Parlement sur la base d’un audit contradictoire de la Cour des comptes ;

· d’assurer à l’échelon départemental les conditions d’un tel dialogue ;

· d’obtenir du gouvernement un rapport annuel détaillé sur les résultats du contrôle fiscal, expliquant en particulier les motifs des écarts entre les rappels de droits et les paiements effectifs ;

· d’assurer la diffusion aux Présidents des commissions des finances du Parlement des rapports de contrôle interne de l’administration fiscale (IGF, mission d’étude et de liaison...) ;

· d’introduire la collégialité dans le traitement des demandes gracieuses et contentieuses.

M. Bernard Angels a enfin souhaité que soient réunies les conditions d’une meilleure efficacité de l’administration fiscale.

Il a considéré qu’il fallait d’abord réorienter les moyens dans un sens conforme aux priorités d’action de l’administration fiscale et pour cela :

· mettre en place une meilleure structure des emplois en tirant le parti de l’automatisation des tâches pour améliorer les qualifications et en repensant le " fléchage " des carrières, de sorte que les emplois correspondant aux priorités fonctionnelles de l’administration soient mieux valorisés ;

· mieux adapter le déploiement territorial des moyens aux enjeux fiscaux afin d’accroître l’efficacité des missions et d’assurer une meilleure égalité devant l’impôt. Les moyens mis en place en Ile-de-France doivent tout particulièrement être abondés et il faut corriger une situation où les emplois qui y sont implantés sont massivement pourvus par des agents en début de carrière et font l’objet de mobilités excessives.

Un exercice plus rigoureux des prérogatives hiérarchiques s’impose. Un temps minimum de service dans les ressorts à fort enjeu fiscal pour les agents expérimentés pourrait être instauré comme élément favorable au passage aux grades supérieurs. Le principe de concours nationaux à affectation locale doit être mis à l’étude. Des compensations financières adaptées peuvent être envisagées sous réserve qu’elles soient réellement modulées en fonction de l’indice des agents et des sujétions particulières attachées aux affectations territoriales.

Il a jugé qu’il fallait aussi pour favoriser les progrès d’efficacité :

· simplifier la législation fiscale dans la mesure du possible et en assurer une meilleure stabilité ;

· mettre à l’étude l’instauration de la retenue à la source en matière d’impôt sur le revenu ;

· professionnaliser les métiers en spécialisant les services qui doivent l’être et en mobilisant les moyens par mission plutôt qu’à partir de découpages administratifs territoriaux uniformes ;

· conforter l’accès de l’administration des impôts aux informations détenues par les autres administrations nationales ou par les administrations étrangères, et utiles à ses missions dans le respect des principes de droit ;

· instaurer dans la limite des possibilités des contribuables des obligations de télédéclaration et de télépaiement.