A la suite du second rebondissement de la crise de la " vache folle ", intervenu à l’automne dernier, le Sénat a constitué le 21 novembre 2000 une commission d’enquête sur les conditions d’utilisation des farines animales dans l’alimentation des animaux d’élevage et les conséquences qui en résultent pour la santé des consommateurs.

Au terme de six mois d’investigations qui lui ont permis de procéder à une soixantaine d’auditions, de visiter six départements directement touchés, ou heureusement épargnés par l’ESB, ainsi que d’effectuer un déplacement à Bruxelles et à Londres, la commission d’enquête est aujourd’hui en mesure d’effectuer le constat suivant :

- née au Royaume-Uni, en raison d’un moindre chauffage des farines destinées à l’alimentation animale, l’épidémie d’ESB a été exportée sans vergogne en Europe, et notamment en France, en même temps que les farines anglaises contaminées, la contamination s’étant plus aisément développée du fait d’une véritable inertie bruxelloise ;

- les farines animales n’ont jamais été utilisées qu’à titre subsidiaire dans l’alimentation des bovins et leur utilisation a résulté de considérations économiques et d’un souci de recyclage fort répandu dans les années 70 ;

- alors qu’elle constituait un alibi commode pour dédouaner certains acteurs de la filière, qui d’ailleurs n’assument pas leurs responsabilités et s’accusent mutuellement, la piste de l’importation illégale et massive de farines anglaises n’a pu être vérifiée par la commission d’enquête ;

- alors que le rôle des contaminations croisées dans le développement de l’épidémie de l’ESB a été très vite révélé par les services de contrôle au niveau des usines de fabrication d’aliments, lors du transport des farines, ainsi que dans les exploitations d’élevage, ce facteur de contamination n’a été pris en compte que tardivement ; il a fallu attendre la déclaration du Président de la République le 7 novembre 2000 pour mettre un terme aux atermoiements du gouvernement et interdire enfin les farines et les graisses animales dans l’alimentation de tous les animaux d’élevage ;

 - l’importation massive d’abats britanniques entre 1988 et 1990 constitue sans doute le principal facteur d’exposition au risque des consommateurs français ;

- en raison de l’attentisme du ministère de l’agriculture, et alors que le risque de contamination avait été évoqué dès 1996, ce n’est qu’en novembre 2000 que les graisses d’os et de cuisson, produites à partir de vertèbres susceptibles de comporter des résidus de moelle épinière, ont été interdites ;

- compte tenu des mesures radicales prises au titre du principe de précaution (retrait des matériels à risque, détection des bovins de plus de 30 mois, abattage systématique des troupeaux où un cas d’ESB est constaté, traçabilité des produits bovins, qualité des contrôles effectués par les services vétérinaires…), la viande bovine française est sans doute aujourd’hui la plus sûre des pays de l’Union européenne ;

- la modélisation théorique la plus pessimiste des risques de contamination, établie pour la France, en extrapolant les données de la contamination anglaise en matière d’ESB et de nouveau variant de la maladie de Creutzfeldt-Jakob, fait apparaître au pire, compte tenu de la plus longue période d’incubation, un risque de 300 cas de MCJ pour les 60 ans à venir : en termes statistiques, le risque lié à la consommation de viande bovine française est, pour les scientifiques, aujourd’hui voisin de zéro ;

- créée à la suite d’une initiative du Sénat, l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments (AFSSA), qui permet de distinguer l’évaluation de la gestion du risque, et de préciser le rôle respectif des scientifiques et des responsables politiques, constitue aujourd’hui un modèle pour nos partenaires, ainsi que pour la future Autorité alimentaire européenne ;

- les destructions massives d’animaux effectuées au titre des mesures européennes de retrait destinées à soutenir les cours de la viande bovine, de l’abattage systématique des troupeaux abritant un cas d’ESB, mais aussi de la lutte contre l’épizootie anglaise de fièvre aphteuse émeuvent à bon droit l’opinion : la commission considère que les excès productivistes d’un certain type d’agriculture sont condamnés à disparaître, sauf à perpétuer un gâchis qui constitue un affront au monde moins développé ;

- plutôt que de " lâcher la proie pour l’ombre " ou de renationaliser le système de la politique agricole commune, qui a permis à l’Europe d’accéder à l’autosuffisance alimentaire, et à la France de développer une agriculture puissante et exportatrice, -celle-ci assurant une bien meilleure sécurité alimentaire que jadis, et très supérieure à celle constatée dans nombre de pays exportateurs- il conviendra sans doute de " revisiter " la PAC d’une manière progressive et à budget constant.

Sous le bénéfice de ces observations générales, la commission d’enquête a formulé 13 propositions articulées autour de cinq priorités :

Treize mesures d’urgence autour de cinq priorités

 Une interdiction définitive des farines carnées dans l’alimentation des animaux, l’établissement d’une liste positive de produits entrant dans la chaîne alimentaire et une modification des conditions d’abattage systématique

1. Interdiction définitive de l’utilisation des farines carnées.

2. Etablissement d’une " liste positive " de matières premières pour la préparation d’ingrédients susceptibles d’être utilisés dans la production d’aliments pour animaux.

3. Mise à l’étude, en raison des progrès attendus en matière de dépistage, d’un aménagement de la procédure d’abattage systématique, sous réserve d’assurer une sécurité égale aux consommateurs.

La nécessaire association des scientifiques et des politiques

4. Une formalisation des relations entre le Parlement et l’AFSSA.

5. Une clarification souhaitable des missions et de l’organisation de la future Autorité alimentaire européenne.

6. Une coordination de la recherche nationale et européenne.

7. L’association des consommateurs à la gestion du risque.

Une meilleure identification des produits bovins

8. Une mention de la catégorie et de la race sur l’étiquetage de la viande bovine.

9. Un renforcement de la traçabilité des produits bovins, y compris ceux importés, par une information continue de l’étable à l’étal et une consolidation des maillons faibles de la traçabilité.

Des filières bovines de qualité à promouvoir

10. Un développement des filières de qualité, à partir d’un code des bonnes pratiques dans la filière bovine, favorisant la qualification des élevages et une contractualisation avec l’aval de la filière, en donnant à l’agriculture biologique la part qui lui revient.

11. Une promotion des signes officiels d’identification de la qualité.

Une revisitation de la politique agricole commune

12. Des mesures de soutien au marché de la viande bovine.

13. L’établissement d’un plan protéagineux ambitieux au niveau européen.