35 heures :

comment a-t-on pu en arriver là ?

Le sénateur Joseph Ostermann (RPR - Bas-Rhin), rapporteur spécial des crédits de l’emploi, a présenté devant la commission des finances, présidée par M. Alain Lambert (UC - Orne), une communication portant sur le financement et l’application par l’Etat de la réduction du temps de travail.

 Le sénateur, se basant sur l’analyse des notes de la direction de la prévision et de la direction du budget du ministère de l’économie, des finances et de l’industrie, ainsi que sur celles de la direction de la sécurité sociale du ministère de l’emploi et de la solidarité, a montré que le coût exorbitant des 35 heures - 72 milliards de francs en 2000, 92 milliards de francs cette année, environ 120 milliards de francs à terme - n’avait pas été prévu par le gouvernement et ses services. Ceux-ci, au contraire, avaient élaboré un scénario affichant la neutralité de la réduction du temps de travail sur les finances publiques, dès lors que les régimes sociaux, au nom de la théorie des " retours " financiers des 35 heures, contribuaient au financement de ce dispositif. 

Face au déficit croissant du fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale (FOREC), le gouvernement a constamment cherché, et a réussi, à désengager le budget de l’Etat du fonds, alors que la loi oblige ce dernier à en assurer l’équilibre financier. Dans le même temps, il n’a jamais renoncé à ponctionner les ressources des régimes sociaux, comme le montre sa décision de prendre à leur charge le déficit 2000 de 13 milliards de francs. En outre, le rapporteur spécial confirme que les 15 milliards de francs de l’UNEDIC seront en tout ou partie affectés au financement des 35 heures.

 Par ailleurs, l’effet sur l’emploi des 35 heures est extrêmement incertain. Si le ministère de l’emploi et de la solidarité estime à 220.000 le nombre d’emplois créés ou préservés par la réduction du temps de travail, le ministère de l’économie, des finances et de l’industrie est moins optimiste, tablant sur la création ou la préservation de 190.000 emplois. Par ailleurs, l’administration n’est pas capable de distinguer les emplois effectivement créés et ceux préservés par les " lois Aubry ". Enfin, les méthodes de comptabilisation retenues par les services ministériels sont " artisanales ", ne prenant en compte que les engagements de création ou de préservation d’emplois, jamais des chiffres certains. Le chiffre des emplois créés par les 35 heures ne sera donc jamais vraiment connu.

Enfin, les services du ministère de l’emploi sont placés dans une situation extrêmement délicate par l’application de la législation relative à la réduction du temps de travail. Les directions départementales du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle sont débordées par des tâches administratives extrêmement lourdes et complexes. Les créations d’emplois au bénéfice de ces services, contrairement aux engagements du gouvernement, ne sont pas tant dédiées à l’application des " lois Aubry " qu’au renforcement des services.