LE SÉNAT POUR UNE RELANCE DES ZONES FRANCHES URBAINES

Réunie le jeudi 11 juillet 2002, la Commission des Affaires économiques du Sénat a approuvé le rapport de M. Pierre André, sénateur (RPR - Aisne) qui propose de relancer les zones franches urbaines.

    UN BILAN INCONTESTABLE : DES RÉSULTATS POSITIFS

  Ä Nombre d'entreprises et d'emplois créés

En 2002, le nombre d'entreprises créées ou transférées a dépassé 12.000 dans les ZFU (contre 2.000 en 1996). Le nombre d'emplois nouveaux par rapport à 1996 dépasse 46.000, dont deux tiers de créations, alors que l'objectif était d'en créer 10.000. Le nombre d'emplois exonérés dans les ZFU pour des entreprises de moins de 50 salariés se situe donc entre 60.000 et 65.000 unités.

  Ä Nature des emplois créés

Les neuf dixièmes des emplois exonérés relèvent de contrats de travail à durée indéterminée.

La clause d'embauche de personnel résidant dans les ZFU (fixée à un minimum de 20 % des emplois à partir de l'embauche d'un troisième salarié exonéré) a été très bien respectée puisque le taux d'emploi local varie entre 25 et 30 %.

  Ä Incidence bénéfique sur les investissements locaux et les finances locales

Le montant total estimé des investissements publics et privés réalisés dans les ZFU, qui ont eu un effet multiplicateur sur l'activité économique locale, dépasse 22 milliards de francs en cinq ans. Ces investissements ont doté des « communes dortoir » de véritables pôles économiques.

  Ä Les finances des collectivités locales concernées bénéficient du mécanisme de compensation par l'Etat des exonérations consenties aux entreprises

Le montant total de ces compensations est de 56,9 millions d'euros (près de 374 millions de francs) pour 2001. Cette compensation est indispensable car les communes concernées comptent parmi les plus pauvres de France.

    UNE APPRÉCIATION D'ENSEMBLE TRES POSITIVE

Ä Evaluation du montant des exonérations

Les exonérations de cotisations sociales sont de plus de 221 millions d'euros (1.450 millions de francs) pour les dix premiers mois de 2001. L'exonération fiscale se situe à environ 141,78 millions d'euros (930 millions de francs) pour 2002.

  Ä Un dispositif transparent qui a permis de remodeler des quartiers

La procédure de choix des zones situées en ZFU a été transparente et efficace. Nombre de maires auraient voulu que leur superficie soit plus étendue. La création des ZFU, alliée à d'autres opérations (grands projets de villes, financements européens) a permis de remodeler des quartiers entiers.

  Ä Une modification déterminante de l'image des quartiers et une réaffirmation du rôle du travail dans l'intégration sociale

En 1996, aucun chef d'entreprise n'envisageait de s'installer dans ce qui allait devenir les ZFU. L'embauche de populations défavorisées qui résident dans les quartiers « sensibles » constitue un vrai succès qui fait évoluer les mentalités. Pour les entreprises, cette embauche a cependant un coût économique qui justifie l'octroi des exonérations qui n'ont donc pas été consenties sans contrepartie.

  Ä Un dispositif souple qui a fortement incité à la création d'entreprises

La procédure de mise en œuvre des exonérations par les entreprises elles-mêmes, au rythme de leurs déclarations fiscales et sociales, s'est avérée souple et attractive par rapport à la lourdeur des procédures d'agrément préalable sur dossier. De nombreuses entreprises ‑notamment individuelles‑ ont, grâce à ces exonérations, disposé d'un complément de financement sans lequel, faute de fonds propres, elles n'auraient pas pu démarrer ou accroître leur activité.

  Ä Un dispositif encadré qui a fait l'objet de nombreux contrôles

Les comités d'orientation et de surveillance (COS) ont bien joué leur rôle de lutte contre les « chasseurs de primes », en permettant un contrôle décentralisé et une sélection des entreprises. Les ZFU n'ont en rien constitué des « paradis fiscaux », car les services fiscaux et les URSSAF ont effectué des contrôles quasi systématiques. Si certaines URSSAF ont eu une approche très constructive, d'autres ont affiché une interprétation excessivement restrictive de la lettre de la loi de 1996, conduisant les entreprises à renoncer aux exonérations sociales et à ne recourir qu'aux exonérations fiscales, au détriment de la création d'emploi.

  LES DIX PROPOSITIONS DU RAPPORTEUR

  Ä Relancer la politique des zones franches urbaines

Il faut relancer, sans délai, la politique des zones franches urbaines et prendre l'attache de la Commission européenne afin de définir un nouveau régime compatible avec le droit européen de la concurrence, le précédent étant venu à expiration en décembre 2001. Cette relance est indissociable de la politique de requalification urbaine et de la politique du logement à laquelle le ministre de la ville doit être très étroitement associé.

  Ä Parvenir à une connaissance des comptes de la politique de la ville

Les comptes de la politique de la ville méritent d'être clarifiés, tout comme l'a récemment demandé la Cour des comptes en recommandant d'accroître l'efficacité et la rigueur de gestion de la Délégation interministérielle à la ville (DIV). L'obscurité de la présentation des crédits et le flou qui entoure les résultats obtenus par la politique de la ville nuisent à sa crédibilité.

  Ä Obtenir des données agrégées et actualisées

Un système efficace d'évaluation des ZFU à l'échelon infra-communal doit être mis en œuvre, en associant les services de l'emploi et les services fiscaux, l'INSEE, les URSSAF, les ASSEDIC, les chambres de métiers et les chambres de commerce pour procéder à une évaluation du dispositif. L'INSEE pourrait, sans délai, être chargée de définir le cahier des charges de la collecte des éléments statistiques nécessaires pour assurer le suivi de cette politique.

  Ä Améliorer l'employabilité des chômeurs et notamment des jeunes

L'amélioration de l'« employabilité » des personnes en grande difficulté sociale doit être recherchée, de même que celle des jeunes et des chômeurs en rupture totale avec le marché du travail. Il est donc nécessaire d'améliorer les liens entre l'école et l'entreprise pour la formation en fonction des besoins, et de réinsérer les personnes exclues du marché du travail.

  Ä Faciliter le respect de la clause d'embauche de 20 % d'habitants de la zone

Il serait souhaitable d'étendre à toutes les personnes qui résident dans des zones concernées par la politique de la ville et à celles qui sont éligibles dans ce cadre aux aides européennes, la possibilité d'être décomptées dans le calcul de la clause de 20 % d'embauche locale. Cette réforme tempérerait les « effets de frontière » et accroîtrait le potentiel de recrutement des entreprises.

  Ä Inciter à une application rapide, uniforme et « éclairée » de la loi

Le gouvernement doit donner aux URSSAF des instructions tendant à une mise en œuvre des textes avec discernement, comme tel a été le cas pour la réduction du temps de travail, en cas de circonstances exceptionnelles consistant en des difficultés spécifiques de recrutement. Les circulaires d'application relatives aux ZFU pourraient préciser les conditions dans lesquelles le principe du quota de 20 % doit être entendu pour favoriser l'embauche de nouveaux salariés et non pour pénaliser des entreprises.

  Ä Résoudre les questions foncières avec plus de rapidité

Il faut permettre aux ZFU encore dotées de disponibilités foncières de valoriser celles-ci au cours des prochaines années, puisqu'à l'évidence, le délai de cinq années ouvert en 1997 s'est avéré trop court. La principale limite à l'amélioration des résultats du dispositif des ZFU procède du manque de disponibilités foncières dont ont souffert un grand nombre de communes. Elle doit être levée, tout en renforçant les compétences des « comités d'agrément » créés par les communes.

  Ä Définir un nouveau régime adapté aux changements survenus depuis 1996

Il est urgent de définir un dispositif d'allègement des charges en profitant de la souplesse octroyée par le régime du de minimis (faculté d'accorder des aides dès lors qu'elles ne représentent, en moyenne, pas plus de 100.000 euros par entreprise sur trois ans), pour soutenir les très petites entreprises du commerce et de l'artisanat.

  Ä Assurer la cohérence de l'action administrative

Il faut appliquer aux URSSAF le principe selon lequel les positions qu'elles ont prises sur l'interprétation de la loi s'imposent ensuite à elles en prévoyant que lorsqu'elles refusent de répondre, c'est l'interprétation du redevable de bonne foi qui prévaut, à l'instar de ce qui est prévu, pour les services fiscaux, par l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales.

  Ä Prendre à bras le corps la question du commerce de proximité

La situation des commerces de proximité est difficile. Il semble illusoire de créer un nouveau réseau de commerces locaux dans les quartiers où le pouvoir d'achat est faible. L'objectif demeure de favoriser le maintien des commerces existants. Il est donc nécessaire de venir en aide aux entreprises commerciales situées dans les ZFU notamment en leur facilitant l'accès aux assurances.