La révision constitutionnelle devant la commission des Lois du Sénat :

un renforcement effectif des droits du Parlement pour un meilleur équilibre institutionnel

La commission des lois, réunie le mercredi 11 juin 2008 sous la présidence de MM. Patrice Gélard (UMP, Seine Maritime) et François Zocchetto (UC-UDF, Mayenne) a examiné, sur le rapport de M. Jean Jacques Hyest, (UMP, Seine-et-Marne), le projet de loi constitutionnelle de modernisation des institutions de la Ve République.

Elle s’est efforcée de rechercher le meilleur point d’équilibre dans l’organisation des institutions en prenant en compte quatre considérations : la préservation des acquis de la VRépublique ; la volonté de garantir un renforcement effectif des droits du Parlement dans le respect du bicamérisme et de l’autonomie des assemblées; l’attention donnée aux positions des différentes sensibilités politiques, en particulier telles qu’elles s’expriment au Sénat ; le souci de conforter la protection des droits fondamentaux.

La commission a estimé que la stabilité et l’efficacité de l’exécutif représentaient l’un des principaux acquis de la Ve République. Elle a souhaité à ce titre revenir sur les restrictions apportées par le projet de loi constitutionnelle au recours au troisième alinéa de l’article 49 de la Constitution en permettant au Gouvernement d’utiliser cette procédure après consultation de la Conférence des Présidents de l’Assemblée nationale (article 23 du projet).

La commission a apporté plusieurs modifications destinées à renforcer les droits effectifs du Parlement :
- la « sanctuarisation » d’une semaine sur trois réservée à l’ordre du jour du Parlement, le Gouvernement étant tenu d’établir un programme connu à l’avance sur les deux semaines qui lui sont réservées en moyenne afin de mieux éclairer l’horizon du travail parlementaire (article 22 du projet) ;
l’allongement du délai entre le dépôt d’un texte et son examen en première lecture, porté de six semaines à deux mois dans la première assemblée et de trois à cinq semaines dans la seconde assemblée ; l’application de ces délais à l’examen des textes pour lesquels une procédure accélérée (nouvelle dénomination de la déclaration d’urgence qui limite la navette à une seule lecture) a été décidée ; la possibilité de lever les délais, après consultation par le Gouvernement de la Conférence des présidents, lorsqu’une situation d’urgence requiert l’inscription rapide d’un texte à l’ordre du jour (article 16 du projet) ;
- le rétablissement de la possibilité de voter des résolutions selon les conditions fixées par la loi organique et à la condition qu’elles ne mettent pas en cause la responsabilité du Gouvernement (article 12 du projet).

La commission  a souligné en outre la nécessité de préserver les fondements d’un bicamérisme différencié et de l’autonomie des assemblées. A cette fin, elle a proposé de :
- fixer à 348 le nombre maximum de sénateurs et préciser que le corps électoral sénatorial est essentiellement composé de membres des assemblées délibérantes des collectivités territoriales (article 9 du projet) ;
- organiser un avis séparé des commissions compétentes de chaque assemblée sur les nominations relevant du Président de la République. Chaque assemblée pourrait ainsi faire entendre sa voix et, le cas échéant, faire obstacle à la nomination proposée si l’une et l’autre donnent un avis négatif à la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés au sein de la commission (article 4 du projet).

Convaincue que l’existence de courants d’idées différents ne peut qu’enrichir le débat public, la commission a précisé que la loi devait garantir la participation des partis et groupements politiques à la vie démocratique de la nation dans le respect du pluralisme (article premier du projet).

La commission des lois a également adopté des amendements tendant à améliorer la protection des droits fondamentaux :
- en soumettant au contrôle de constitutionnalité les propositions de loi d’initiative populaire avant leur renvoi au référendum (article additionnel avant l’article 26 du projet) ;
- en équilibrant la composition et les prérogatives des formations du Conseil supérieur de la magistrature (CSM) exerçant une compétence disciplinaire. Ainsi, chacune des deux formations spécialisées du CSM comprendrait un nombre égal de magistrats et de non‑magistrats lorsqu’elle statue comme conseil de discipline des magistrats du siège ou du parquet. La formation compétente à l’égard des magistrats du parquet prononcerait les sanctions disciplinaires relatives à ces derniers, alors qu’elle n’avait auparavant en la matière qu’un pouvoir d’avis, toujours suivi par le ministre de la justice (article 28 du projet) ;
- en étendant les compétences du Défenseur des droits, qui recevrait cette dénomination afin de marquer clairement l’ouverture de sa saisine non seulement aux citoyens, mais aussi aux personnes mineures et aux ressortissants étrangers. Le Défenseur pourrait être saisi par toute personne s’estimant lésée par le fonctionnement d’un service public ou d’un organisme à l’égard duquel la loi organique lui attribuera des compétences. Il pourrait en outre être assisté par un collège pour l’exercice de certaines de ses attributions (article 31 du projet).

Elle a enfin veillé à la cohérence de la Constitution de 1958, en regroupant à l’article 1er de la Constitution les dispositions destinées à favoriser l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives et aux responsabilités professionnelles et sociales (article 1er A). Dans le même esprit, afin d’assurer l’intangibilité du principe de non-rétroactivité de la loi pénale plus sévère, elle a supprimé le dispositif prévoyant à l’article 34 de la Constitution que, sauf motif déterminant d’intérêt général, la loi ne dispose que pour l’avenir (article 11 du projet). Elle a enfin supprimé l’insertion dans le domaine de la loi de la répartition des contentieux entre les ordres juridictionnels, la jurisprudence du Conseil constitutionnel accordant déjà au législateur une latitude suffisante en cette matière (article 11 du projet).

Le projet de loi constitutionnelle sera examiné en séance publique par le Sénat du mardi 17 juin à 16 heures au lundi 23 juin.

 Contact presse : Ali Si-Mohamed   01 42 34 25 11   a.si-mohamed@senat.fr