Le mercredi 27 novembre 2019, après avoir entendu la veille Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la Justice, la commission des lois du Sénat a donné un avis défavorable à l’adoption des crédits de la mission "Justice", à l’exception des crédits du programme "Protection judiciaire de la jeunesse".

Pour Philippe Bas, président de la commission, "le budget de la justice pour 2020 est inférieur de plus de 150 millions d’euros aux engagements, déjà inférieurs aux besoins, de la loi de programmation 2018‑2022 pour la justice. Cela confirme le manque de préparation dans la mise en œuvre du plan de construction de prisons. Dans ces conditions, il est plus que vraisemblable que l’objectif de construire 7 000 places de prison entre 2017 et 2022, déjà revu à la baisse par rapport à l’engagement initial du Président de la République d’en atteindre 15 000, ne sera pas tenu".

Yves Détraigne, rapporteur pour avis, a regretté que, "comme en 2019, le budget consacré aux juridictions judiciaires soit celui qui augmente le moins : l’effort consenti est de seulement 0,13 %, ce qui ne permet même pas de couvrir l’érosion liée à l’inflation". S’il a salué la diminution du taux de vacances de postes de magistrats, ramené à 0,5 %, il a attiré l’attention sur la situation défavorable des greffiers, dont 7 % des postes ne sont pas pourvus. Il a également dénoncé la diminution des crédits de l’aide juridictionnelle de 22 millions d’euros et l’adoption d’une réforme de l’aide juridictionnelle de manière précipitée à l’Assemblée nationale qui, en supprimant l’obligation d’avoir un bureau d’aide juridictionnelle dans chaque tribunal de grande instance sans préciser leur nouvelle répartition, ne peut que susciter des "craintes sur le maintien de l’accès à la justice pour nos concitoyens les plus vulnérables".

S’agissant des crédits de l’administration pénitentiaire, Alain Marc, rapporteur pour avis, a relevé des points positifs dans le projet de budget : un millier de postes vont être créés, ce qui permettra notamment de réduire le nombre de vacances de postes chez les surveillants pénitentiaires, et les crédits consacrés à l’immobilier s’inscrivent en augmentation afin de financer la construction de nouvelles places de prison et la sécurisation des établissements. Il a cependant souligné qu’une "grande partie des 7 000 places de prisons qui doivent être livrées d’ici à 2022 résulte en réalité de programmes entamés il y a déjà plusieurs années" et que "ce rythme de construction reste insuffisant si l’on veut progresser vers l’objectif d’un encellulement individuel et améliorer réellement les conditions de détention et les conditions de travail du personnel".

Josiane Costes, rapporteur pour avis des crédits de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ), a relevé l’augmentation des crédits (+ 2,3 %) alloués à ce programme et la création de 94 postes d’éducateurs en prévision de la mise en œuvre du nouveau code de la justice pénale des mineurs, dont l’examen n’est pas encore inscrit à l’ordre du jour du Sénat. Elle a néanmoins insisté sur le fait que "l’importance accordée aux centres éducatifs fermés comme structures et au secteur associatif habilité comme opérateur ne doit pas aboutir à détourner la PJJ de sa vocation première, l’éducation et l’insertion des jeunes en danger en s’appuyant sur les compétences des éducateurs spécialisés et en milieu ouvert". Elle a également regretté l’annonce faite par la Garde des Sceaux de créer un nouveau quartier pour mineurs détenus sur le site de Meaux-Chauconin plutôt que de lui rendre sa vocation première d’établissement pour mineurs disposant de moyens renforcés.

La commission des lois, malgré les explications apportées par la garde des sceaux lors de son audition, n’a pas été en mesure de donner un avis favorable à l’adoption de la majeure partie des crédits de la mission "Justice" tout en approuvant ceux consacrés à la protection judiciaire de la jeunesse. Elle incite donc vivement le Gouvernement à revoir ses choix budgétaires concernant la justice judiciaire et l’administration pénitentiaire.

Les crédits de la mission "Justice" seront examinés par le Sénat en séance publique le jeudi 5 décembre 2019.

Philippe Bas (Les Républicains – Manche) est président de la commission des lois.
Alain Marc
(Les Indépendants – République et Territoires – Aveyron) est rapporteur pour avis des crédits de la mission "Justice", programme "Administration pénitentiaire"
Yves Détraigne (Union Centriste – Marne) est rapporteur pour avis des crédits de la mission "Justice", programmes "Justice judiciaire", "Accès au droit et à la justice", "Conduite et pilotage de la politique de la justice" et "Conseil supérieur de la magistrature".
Mme Josiane Costes
(RDSE – Cantal) est rapporteur pour avis des crédits de la mission "Justice", programme "Protection judiciaire de la jeunesse".

Mathilde Dubourg
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