Question de M. LORIDANT Paul (Essonne - SOC) publiée le 29/09/1988

M. Paul Loridant interroge M. le ministre de l'intérieur sur le développement du recel et de l'écoulement d'oeuvres d'art vers l'étranger. De nombreuses toiles appartenant au patrimoine artistique national et mondialement connues ont disparu depuis de nombreux mois de nos musées. Certaines de ces oeuvres ont été soit restituées à la France, soit font l'objet d'une négociation pour leur restitution. Toutefois si les textes répressifs ont été renforcés par la loi du 30 janvier 1987 relative à la prévention et à la répression du recel et organisant la vente ou l'échange d'objets immobiliers, les mesures prises pour mettre en échec les réseaux internationaux du grand banditisme semblent encore insuffisantes. Il lui demande si, en fonction du nombre croissant de vols recensés, des projets de renforcements en moyens techniques et en personnels sont programmés. Il lui demande si, sur ce dossier, il envisage une approche commune avec son collègue ministre de la culture et de la communication pour mettre en place un inventaire général des oeuvres d'art des musées nationaux, des musées classés et des musées contrôlés, utilisable conjointement par les administrations chargées de leur conservation et de leur surveillance.

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Réponse du ministère : Intérieur publiée le 24/11/1988

Réponse. - Bien que le mythe de l'amateur fortuné commanditant le vol des oeuvres qu'il convoite soit toujours vivace, l'appropriation frauduleuse des oeuvres d'art demeure en France du domaine de la délinquance ordinaire : l'objet d'art n'est convoité qu'en raison de sa valeur marchande. Il convient cependant de prendre en considération trois observations qui font l'objet de préoccupations de la part des services spécialisés et de l'attention particulière des pouvoirs publics : 1° La progression des vols d'objets d'art au cours de la dernière décennie, bien que l'année 1987 ait marqué une baisse par rapport à 1986, est vraisemblablement liée à l'outrance de la spéculation sur le marché international de l'art. Le sentiment d'une hausse perpétuelle de l'objet d'art induit une accélération de la demande que seule une progression comparable de l'offre peut satisfaire. S'il ne s'agissait que de la demande française, le processus serait maîtrisable d'autant plus que le législateur français a renforcé les textes répressifs par la loi du 30 novembre 1987 relative à la prévention et la répression du recel et organisant la vente ou l'échange d'objets mobiliers. Le problème est qu'à l'instar d'autres pays européens dont la tradition artistique est millénaire, voir bimillénaire, la France est par excellence le modèle du pays exportateur d'oeuvres d'art ; 2° Ces éléments recueillis par les enquêteurs de l'office central pour la répression des vols d'oeuvres et d'objets d'art conduisent à l'interroger sur l'intérêt que portent de grandes organisations criminelles internationales au marché de l'art ; 3° Pour la première fois, en 1987, il a été mis en évidence qu'une organisation internationale structurée s'était donné comme objectif le pillage des châteaux français. Ainsi, en trois ans, une trentaine de malfaiteurs transalpins, commandités par un consortium d'antiquaires turinois, et assistés de receleurs français, ont dévalisé près de 200 châteaux français, causant un préjudice de plus de 100 millions de francs au patrimoine national. Face à ces menaces, les enquêteurs français s'organisent : les services spécialisés de la police judiciaire suivent particulièrement les activités du grand banditisme, que ce soit l'office central pour la répression du banditisme ou l'office central pour la répression du trafic illicite des stupéfiants. Ces unités ont pour rôle de coordonner les actions de tous les services amenés à oeuvrer dans ce domaine, et de centraliser l'information au niveau national comme au niveau international. L'échange de l'information se fait tout naturellement entre les différents offices spécialisés : l' O.C.R.V.O.O.A. a établi et entretient des contacts permanents avec l'ensemble des services qui concourent à cette mission : tous les services de police (police urbaine et police de l'air et des frontières notamment), mais aussi la gendarmerie nationale et les douanes françaises et tout naturellement les services du ministère de la culture et de la communication ; une sensibilisation particulière a été faite depuis de longs mois pour que les musées nationaux, musées classés et musées contrôlés établissent un inventaire détaillé et précis des oeuvres qu'ils détiennent. Cet inventaire a été dressé ainsi, ou est en voie de l'être, dans la plupart de ces musées. Par contre, la réalisation d'un inventaire général de ces oeuvres d'art est très difficile à mettre en oeuvre, compte tenu de la masse et de la diversité des oeuvres et objets d'art concernés. Tâche à longue échéance, cet inventaire général ne pourra être établi que lorsque chaque musée concerné aura terminé son propre inventaire exhaustif. Dans cette attente, les conservateurs et responsables des musées sont régulièrement sensibilisés pour assurer la sécurité des oeuvres d'art qu'ils détiennent, ainsi que celle des bâtiments dans lesquels ces oeuvres sont contenues, et pour réaliser un inventaire descriptif détaillé des objets d'art, nécessaire aux services de police en cas de vol, doublé de clichés photographiques de chaque objet. D'autres mesures plus accessibles ont été prises en 1988 : en 1988, la police nationale a mis en oeuvre avec le ministère de la culture, direction des musées de France, une diffusion spéciale pour les objets volés dans les musées ; il s'agit d'une diffusion ultrarapide aux frontières, engageant les services de police ou de gendarmerie, la police de l'air et des frontières, les services douaniers, et informant les pays étrangers du vol par voie d'Interpol, à charge pour eux de sensibiliser leurs propres services de contrôle sur les frontières communes avec la France. De la même manière, la police nationale a participé avec des conservateurs de l'Ecole du patrimoine de la direction des musées de France à l'élaboration d'un répertoire recensant tous les tableaux volés dans les musées français depuis une décennie et non retrouvés. Ce répertoire doit faire l'objet d'une édition prochainement et sera diffusé en France et à l'étranger. Ces deux exemples récents et concrets sont le fruit des relations constantes de l'office central spécialisé avec les directions concernées du ministère de la culture et de la communication. La France est un des pays où la protection des biens culturels s'organise le mieux, démontrant le réel intérêt qu'y portent les pouvoirs publics. La lutte contre cette délinquance spécifique passe enfin par une organisation plus structurée à l'échelon européen de la circulation de l'information et de la coordination des enquêtes judiciaires. La France s'y emploie actuellement avec ses partenaires européens. ; inventaire général ne pourra être établi que lorsque chaque musée concerné aura terminé son propre inventaire exhaustif. Dans cette attente, les conservateurs et responsables des musées sont régulièrement sensibilisés pour assurer la sécurité des oeuvres d'art qu'ils détiennent, ainsi que celle des bâtiments dans lesquels ces oeuvres sont contenues, et pour réaliser un inventaire descriptif détaillé des objets d'art, nécessaire aux services de police en cas de vol, doublé de clichés photographiques de chaque objet. D'autres mesures plus accessibles ont été prises en 1988 : en 1988, la police nationale a mis en oeuvre avec le ministère de la culture, direction des musées de France, une diffusion spéciale pour les objets volés dans les musées ; il s'agit d'une diffusion ultrarapide aux frontières, engageant les services de police ou de gendarmerie, la police de l'air et des frontières, les services douaniers, et informant les pays étrangers du vol par voie d'Interpol, à charge pour eux de sensibiliser leurs propres services de contrôle sur les frontières communes avec la France. De la même manière, la police nationale a participé avec des conservateurs de l'Ecole du patrimoine de la direction des musées de France à l'élaboration d'un répertoire recensant tous les tableaux volés dans les musées français depuis une décennie et non retrouvés. Ce répertoire doit faire l'objet d'une édition prochainement et sera diffusé en France et à l'étranger. Ces deux exemples récents et concrets sont le fruit des relations constantes de l'office central spécialisé avec les directions concernées du ministère de la culture et de la communication. La France est un des pays où la protection des biens culturels s'organise le mieux, démontrant le réel intérêt qu'y portent les pouvoirs publics. La lutte contre cette délinquance spécifique passe enfin par une organisation plus structurée à l'échelon européen de la circulation de l'information et de la coordination des enquêtes judiciaires. La France s'y emploie actuellement avec ses partenaires européens.

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