Question de M. BALARELLO José (Alpes-Maritimes - U.R.E.I.) publiée le 15/12/1988

M. José Balarello demande à M. le Premier ministre de lui faire connaître les intentions du Gouvernement concernant une éventuelle réforme de l'orthographe. Deux faits d'actualité viennent en effet de mettre cette question à l'ordre du jour. L'Association pour l'information et la recherche sur les orthographes et les systèmes d'écriture (A.I.R.O.E.) vient d'émettre une série de propositions de modifications des règles d'orthographe : correction d'anomalies, suppression de lettres parasites, régularisation de l'usage des accents avec admission de l'absence de l'accent circonflexe, régularisation de certaines terminaisons (remplacement de l' " x " final par des " s " par exemple), suppression de certains doublements de consonnes, remplacement du " m " devant les " p " et les " b " par des " n ", francisation des lettres grecques et suppression de certains " ph ", et enfin simplification de l'accord du participe passé). D'autre part, un sondage réalisé par le Syndicatnational des instituteurs (S.N.I.) révèle le souhait de neuf instituteurs sur dix d'une simplification de l'orthographe au motif qu'une telle réforme réduirait le pourcentage d'échecs dans tous les domaines au bénéfice des enfants culturellement les plus défavorisés. S'il ne peut être question de refuser à notre langue toute possibilité d'évolution, l'on ne peut admettre pareille réforme de l'orthographe qui porterait atteinte aux fondements mêmes de notre culture et à sa richesse. En effet, en l'absence d'une réflexion approfondie, la simplification envisagée portera gravement préjudice à l'étymologie des mots qui relie la langue française à l'histoire. D'où la perte d'un capital culturel irremplaçable pour notre pays et toute la francophonie. Il est donc indispensable de consulter l'Académie française avant de poursuivre cette démarche et de s'en tenir strictement à ses avis puisque cette institution est chargée depuis bientôt trois siècles de la rédaction du dictionnaire. Compte tenu de ces éléments, il lui demande de bien vouloir lui faire connaître la position du Gouvernement sur cet important problème.

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Réponse du ministère : Premier ministre publiée le 01/06/1989

Réponse. - Le Premier ministre tient à rassurer l'honorable parlementaire quant à l'orthographe de la langue française. Une réflexion est engagée sur ce problème ; elle n'est pas achevée. Tout comme l'honorable parlementaire, le Premier ministre pense que l'on ne saurait " refuser à notre langue toute possibilité d'évolution ", mais que cette évolution devrait se faire sans qu'aucun préjudice ne soit porté à l'étymologie des mots que l'orthographe actuelle, hélas, est bien loin de respecter toujours. Il partage également l'opinion que les avis de l'Académie française doivent être pris en considération et ne manquera pas d'accorder l'attention qu'elles méritent aux dernières propositions de modification de l'orthographe de certains mots faites par l'illustre compagnie, en 1975, comme celle, par exemple, consistant, par respect de l'étymologie, à écrire autant de r dans chariot que dans charrette, autant de p dans chausse-trappe que dans trappe, ou de t dans embatre que dans battre, anomalies qu'elle jugeait particulièrement choquantes. Il serait également utile de réfléchir aux propositions, souvent plus radicales, que la même compagnie faisait en 1905 (bijous, chous, rume, rinocéros). Depuis trois siècles, l'Académie française, comme c'est son rôle, n'a cessé de faire évoluer l'orthographe, avec prudence et sagesse. Tout récemment encore, elle proposait de modifier des éditions postérieures du fascicule 1 de son dictionnaire, publié pourtant l'année précédente (1986). Ces variations mêmes montrent combien les opinions des plus qualifiés peuvent balancer et indiquent clairement que pour l'Académie, l'orthographe est, par excellence, susceptible de révisions.

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