Question de M. de ROHAN Josselin (Morbihan - RPR) publiée le 29/06/1989

M. Josselin de Rohan rappelle à Mme le ministre des affaires européennes sa question écrite n° 3360 parue du Journal officiel, Sénat, Débats parlementaires, questions, du 2 février 1989. Il attire à nouveau son attention sur les motifs qui ont conduit le Gouvernement français à présenter la candidature de Robert Badinter, ancien garde des sceaux, pour le prix européen des droits de l'homme décerné par le Parlement européen. Parmi les raisons retenues pour appuyer cette candidature figurent, d'une part, la suppression de la Cour de sûreté de l'Etat et des tribunaux permanents des forces armées et, d'autre part, l'humanisation des régimes des prisons. Il lui demande donc s'il lui paraît vraiment justifié de retenir pareille argumentation, les cours ou tribunaux dont il s'agit ayant été créés par la loi et les magistrats qui les composaient ayant fait preuve, dans l'exercice de leurs fonctions, de conscience, de courage et d'indépendance d'esprit. Par ailleurs, pour des raisons qui ne sauraient nullement être imputables à l'ancien garde des sceaux, le nombre de prisonniers de droit commun dans les prisons françaises a plutôt augmenté pendant son ministère sans que les conditions matérielles de détention se soient vraiment améliorées. Il souhaiterait enfin savoir si pareille présentation de la candidature d'un juriste, si éminent soit-il, n'a pas pour conséquence de démontrer qu'avant 1981 la France n'était pas un Etat de droit et dès lors présente de notre pays une image aussi peu flatteuse que déformée.

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Réponse du ministère : Affaires européennes publiée le 24/05/1990

Réponse. - Parmi les raisons retenues en faveur de la candidature de M. Robert Badinter, ancien garde des sceaux, pour le prix européen des droits de l'homme figurent effectivement, d'une part, la suppression de la Cour de sûreté de l'Etat et du tribunal permanent des forces armées et, d'autre part, l'humanisation des régimes des prisons. La suppression de la Cour de sûreté de l'Etat et des tribunaux permanents des forces armées qui constituaient des juridictions d'exception marque un progrès important dans le domaine de la protection des droits de l'homme. Souvent présentée comme une juridiction spécialisée, la Cour de sûreté de l'Etat revêtait à tous points de vue le caractère d'une juridiction d'exception : par sa composition dans laquelle étaient inclus, outre des magistrats désignés selon des règles particulières, des militaires nommés par le Gouvernement ; par sa compétence indéterminée, qui lui permettait de connaître d'infractions ne figurant pas parmi les atteintes à la sûreté de l'Etat ; par sa procédure qui comportait de graves dérogations aux règles du droit commun, notamment en ce qui concerne les garanties reconnues au justiciable. Les tribunaux permanents des forces armées étaient également, à de nombreux égards, des juridictions d'exception. Composés en majorité de juges militaires désignés par l'autorité militaire, ces tribunaux connaissaient des infractions spécifiquement militaires mais aussi des infractions de droit commun commises par des militaires soit dans le service, soit à l'intérieur d'un établissement militaire. L'action publique était mise en mouvement par le ministre chargé de la défense ou les personnes déléguées par lui et elle s'exerçait sous son autorité. Les crimes et délits étaient jugés par la même juridiction et sans appel. Les règles relatives à la composition de ces juridictions auraient pu, semble-t-il, être jugées contraires aux exigences des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et 14 du Pacte des Nations unies relatif aux droits civils et politiques concernant l'indépendance et l'impartialité des tribunaux. En outre, la suppression des juridictions d'exception figure parmi les principes fondamentaux relatifs à l'indépendance de la magistrature adoptés en septembre 1985 par le 7e Congrès des Nations unies sur la prévention du crime et le traitement des délinquants. Le point 5 de ces principes dont le texte est joint en annexe prévoit en effet que : " Chacun a le droit d'être jugé par les juridictions ordinaires selon les procédures légales établies. Il n'est pas créé de juridictions n'employant pas les procédures dûment établies conformément à la loi afin de priver les juridictions ordinaires de leur compétence. " Concernant la politique pénitentiaire telle que mise en oeuvre sous la responsabilité de M. Badinter, il convient tout d'abord de rappeler l'orientation générale de la politique développée durant cette période, fondée sur le recours généralisé aux alternatives à l'incarcération, et en particulier le travail d'intérêt général, mais aussi sur le renforcement de l'ensemble des mesures tendant à éviter ou à réduire la détention. S'agissant du parc pénitentiaire, la période 1981-1987 a vu la création de 4 751 places, soit 678 places par an. Quant aux conditions de détention, les réformes mises en oeuvre par le garde des sceaux de l'époque sont connues. Sur le plan matériel : restructuration de nombreux établissements vétustes et inadaptés, décloisonnement des cours de promenade, généralisation des parloirs sans dispositif de séparation. Au-delà de ces mesures, l'amélioration des prestations dispensées aux personnes incarcérées a été considérable, grâce au décloisonnement systématique opéré dans les domaines de la santé, de la formation générale et professionnelle, de la culture ou des activités physiques et sportives. Cette ouverture s'est traduite également par l'institutionnalisation de la présence du maire de la commune à la commission de surveillance de l'établissement concerné. La vie quotidienne des personnes incarcérées s'est également largement améliorée du fait, entre autres mesures, de la possibilité qui leur a été offerte d'avoir accès à la télévision dans leur cellule, de la suppression du costume pénal obligatoire et de la simplification des procédures concernant les relations avec les familles. L'ensemble de ces évolutions fondamentales, appuyées par un recrutement et une formation du personnel en conséquence, s'intègrent dans une politique pénale alliant prévention et fermeté dans un souci d'efficacité et de développement des droits des personnes, et qui a valeur de référence dans l'ensemble du monde occidental. Dans le domaine de la gestion des personnels, l'action du garde des sceaux entre 1981 et 1986 est également à souligner : c'est ainsi qu'au cours de cette période un total de 2 857 emplois ont été créés dans les services pénitentiaires. Par ailleurs, c'est grâce à l'action déterminée de M. Badinter que les fonctionnaires de l'administration pénitentiaire ont pu bénéficier de l'intégration dans leurs pensions de retraite de l'indemnité de sujétion spéciale, vainement demandée par ses prédécesseurs. ; l'amélioration des prestations dispensées aux personnes incarcérées a été considérable, grâce au décloisonnement systématique opéré dans les domaines de la santé, de la formation générale et professionnelle, de la culture ou des activités physiques et sportives. Cette ouverture s'est traduite également par l'institutionnalisation de la présence du maire de la commune à la commission de surveillance de l'établissement concerné. La vie quotidienne des personnes incarcérées s'est également largement améliorée du fait, entre autres mesures, de la possibilité qui leur a été offerte d'avoir accès à la télévision dans leur cellule, de la suppression du costume pénal obligatoire et de la simplification des procédures concernant les relations avec les familles. L'ensemble de ces évolutions fondamentales, appuyées par un recrutement et une formation du personnel en conséquence, s'intègrent dans une politique pénale alliant prévention et fermeté dans un souci d'efficacité et de développement des droits des personnes, et qui a valeur de référence dans l'ensemble du monde occidental. Dans le domaine de la gestion des personnels, l'action du garde des sceaux entre 1981 et 1986 est également à souligner : c'est ainsi qu'au cours de cette période un total de 2 857 emplois ont été créés dans les services pénitentiaires. Par ailleurs, c'est grâce à l'action déterminée de M. Badinter que les fonctionnaires de l'administration pénitentiaire ont pu bénéficier de l'intégration dans leurs pensions de retraite de l'indemnité de sujétion spéciale, vainement demandée par ses prédécesseurs.

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