Question de M. PHILIBERT Louis (Bouches-du-Rhône - SOC) publiée le 17/05/1990

M. Louis Philibert attire l'attention de M. le ministre d'Etat, ministre de la fonction publique et des réformes administratives, sur la règle dite du " forfait de pension " qui limite les droits à réparation des agents publics victimes de dommages en service : ces agents n'ont d'autres droits à l'égard de la collectivité que ceux qui résultent du régime des pensions civiles et militaires dont ils sont susceptibles de bénéficier. Malgré plusieurs tentatives des tribunaux administratifs dans le sens d'une interprétation plus souple des textes (T.A. Toulouse, 6 mars 1980, Lacourcelle ; T.A. Dijon, 3 novembre 1981, Surateau ; T.A. Bastia, 3 mai 1985, Fratani ; T.A. Bastia, 12 juillet 1985, Zakariadès), le Conseil d'Etat maintient une attitude très rigide qui aboutit à de graves injustices. C'est ainsi que, bien que la législation des pensions ne répare pas les souffrances physiques de la victime, ni, en cas de décès, la douleur morale des proches, ces chefs de préjudice ne donnent lieu à aucune indemnité si une allocation, aussi modeste soit-elle, est susceptible d'être servie au titre du régime de pension. La plupart du temps, la réparation qui résulte du " forfait " est très inférieure à celle qui résulterait de l'application des règles du droit commun, ainsi que le commissaire du Gouvernement l'a invoqué en vain devant le Conseil d'Etat lors de l'affaire " Guillaume et Germanaud " (C.E. section 16 octobre 1981, Guillaume, A.J.D.A. p. 43). L'application de cette règle introduit en outre une discrimination entre les agents publics et les salariés du secteur privé, qui, en cas de faute de l'employeur et sous certaines conditions, peuvent obtenir de celui-ci une réparation qui va au-delà des prestations sociales (articles L.468 et L.469 du code de la sécurité sociale). Or, le Conseil d'Etat justifie son attitude par ce qu'il considère comme ayant été la volonté du législateur (C.E. 31 octobre 1986 société A.G.F.), ou par certains textes qu'il interprète avec la plus grande rigueur (par exemple, l'article L.354-11 du code des communes). C'est pourquoi il lui demande de bien vouloir préciser si le Gouvernement entend présenter un projet de loi pour mettre fin, sous certaines conditions qui pourraient s'apparenter à celles déjà posées par le code de la sécurité sociale, à la règle du " forfait de pension ".

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Réponse du ministère : Fonction publique publiée le 19/07/1990

Réponse. - Ainsi que le constate l'honorable parlementaire, le principe du forfait de pension n'est prévu par aucune disposition législative mais se dégage de la jurisprudence du Conseil d'Etat relative à la conciliation du droit commun de la responsabilité administrative et des dispositions des régimes des pensions. Il s'explique comme la contrepartie logique du fait que la victime est dispensée de prouver autre chose que l'imputabilité au service, c'est-à-dire dispensée de prouver une faute de service. Il appartient à la Haute Assemblée d'apprécier s'il convient de faire évoluer sa jurisprudence pour admettre notamment qu'en cas de faute lourde de l'administration, l'agent public doit avoir droit à réparation intégrale par application du droit commun de la responsabilité administrative et permettre ainsi une indemnisation selon des principes voisins de ceux définis par les articles L. 452-1 et suivants du code de la sécurité sociale en cas de faute inexcusable ou intentionnelle de l'employeur. Le législateur n'est intervenu à ce jour que pour le seul cas des jeunes gens accomplissant les obligations du service national pour lesquels l'application du principe du forfait de pension conduisait à une indemnisation des dommages corporels occasionnés dans le service sans rapport avec préjudice subi. L'article L. 62 du code du service national modifié par la loi n° 83-605 du 8 juillet 1983 prévoit que les militaires concernés victimes de dommages corporels subis dans le service ou à l'occasion du service peuvent, ainsi que leurs ayants droit, obtenir de l'Etat, lorsque sa responsabilité est engagée, une réparation complémentaire destinée à assurer l'indemnisation intégrale du dommage subi, calculée selon les règles de droit commun. Il n'est pas envisagé d'étendre de telles dispositions.

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