Question de M. JOURDAIN André (Jura - RPR) publiée le 16/05/1991

M. André Jourdain appelle l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur les conséquences de l'application des articles L. 18 et L. 18-1 du code de la route. Ces articles permettent au préfet, représentant du pouvoir exécutif, d'ordonner une suspension de permis de conduire, ce qui constitue une dérogation importante de la séparation des pouvoirs, base de toute démocratie, mais surtout aboutit à des situations choquantes. En effet, l'infraction à l'origine de la suspension administrative est soumise au juge judiciaire, lequel peut prendre une décision différente, en particulier pour les aménagements. Or, lorsque cette décision judiciaire intervient, l'administré a déjà effectué sa suspension ne laissant pas à la justice le pouvoir d'utiliser les autres moyens mis à sa disposition par la loi. S'il y a relaxe, les conséquences sont d'autant plus choquantes pour ceux qui, comme les V.R.P. ou autres, se retrouvent au chômage, ne pouvant plus exercer leur profession. De plus, actuellement la personne qui a été surprise à 95 km/heure au lieu de 50 peut être plus sévèrement punie que celle circulant à 120 km/heure. La première fera l'objet de la procédure simplifiée de l'ordonnance pénale et le juge ne saura pas qu'une suspension administrative a été adressée auparavant. La deuxième, quant à elle, sera citée en audience et pourra préciser qu'elle a fait l'objet d'une suspension dont le juge tiendra compte. Il paraît donc logique de transférer au procureur de la République le pouvoir de prendre des mesures immédiates de suspension de permis de conduire en cas d'infraction grave. Il souhaite connaître les dispositions qu'il compte prendre pour améliorer la procédure de suspension du permis de conduire, non pas dans l'esprit d'un laxisme envers les contrevenants, mais dans un esprit d'application de la loi et du respect du principe d'égalité des citoyens devant la loi.

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Réponse du ministère : Intérieur publiée le 08/08/1991

Réponse. - Les articles L. 14 et R. 266 du code de la route énumèrent les infractions qui peuvent donner lieu à la suspension du permis de conduire. Les dispositions des articles L. 18 et L. 18-1 du code de la route permettent à l'autorité préfectorale, en raison même des responsabilités qui lui incombent en matière de sécurité publique, et plus particulièrement de sécurité routière, de prononcer, pour une durée limitée, la supension administrative du permis de conduire à l'égard d'un conducteur qui a commis l'une de ces infractions. Ainsi, l'intervention de l'administration a pour but, par une mesure prise rapidement, de retirer de la voie publique les conducteurs qui se révèlent dangereux pour leur propre sécurité et pour celle des autres usagers de la route. Il convient de rappeler que le permis de conduire est un certificat d'aptitude délivré sous la responsabilité de l'autorité administrative. Sa suspension constitue, ainsi que l'ont confirmé maintes fois le Conseil d'Etat et le Conseil constitutionnel, " une mesure de sûreté, de caractère essentiellement préventif ". Il est donc souhaitable que les suspensions décidées soient rendues effectives rapidement afin que la prévention soit la plus efficace possible. Ce même souci explique que le législateur n'a pas jusqu'alors prévu la possibilité pour l'autorité administrative d'aménager les modalités d'application des mesures de suspension qu'elle prend. En ce qui concerne les conducteurs pour lesquels l'usage d'un véhicule constitue un élément indispensable à l'exercice de leur profession, tels les V.R.P., leur situation fait systématiquement l'objet d'un examen particulièrement attentif par les préfets, qui en tiennent compte dans toute la mesure du possible. En tout état de cause, si la mesure de suspension du permis de conduire peut apparaître spécialement rigoureuse lorsqu'elle est prise à l'égard d'un conducteur professionnel, il convient de souligner que l'égalité descitoyens devant la loi, quelles que soient les contraintes et les pénalités qu'elle impose, est un principe général du droit ayant valeur constitutionnelle. C'est en raison même du principe de la séparation des pouvoirs que les deux procédures restent parallèles et parfaitement indépendantes. Cependant l'article 63 de la loi n° 75-624 du 11 juillet 1975 modifiant et complétant certaines dispositions du droit pénal a donné la primauté à la décision judiciaire, qui se substitue à la mesure administrative dans tous ses effets. De même, dès lors qu'une décision judiciaire est prononcée, le préfet ne peut plus prononcer une telle mesure. Chaque procédure, judiciaire et administrative, ne répondant pas à la même finalité, il convient d'insister sur le caractère provisoire des mesures préfectorales, mesures d'ordre public, dont la durée, en vertu de l'article L. 18 alinéa 7 du code de la route, s'impute, le cas échéant, sur celle des mesures du même ordre prononcées par le tribunal. S'agissant d'un jugement de relaxe, l'article L. 18 du code de la route dispose dans son alinéa 5 que les mesures administratives sont " comme non avenues ". L'application de cet alinéa 5 n'implique ni que les mesures administratives doivent être rétroactivement annulées, ni qu'elles ont été irrégulières, ni que leurs effets antérieurs à la date à laquelle elles sont " comme non avenues " doivent disparaître. Il faut préciser que la cohérence et la portée de la décision préfectorale et celle de la décision judiciaire sont favorisées par l'existence d'un " barème " indicatif identique, recommandé aux préfets. De plus, l'autorité administrative notifie sans délai au procureur de la République du lieu où l'infraction a été commise toute décision de suspension du permis de conduire qu'elle prononce (art. R. 272 du code de la route). Réciproquement le procureur de la République notifie sans délai au préfet les mesures, restrictives ou non du droit de conduire, prononcées par une juridiction de jugement (art. R. 273 du code de la route). Ces dispositions permettent de ne pas aboutir pour un fait identique à un cumul de sanctions. Ainsi, la coexistence de deux procédures distinctes, judiciaire et administrative, en matière de suspension du permis de conduire trouve sa justification dans la finalité de chacune d'elles : si l'autorité préfectorale est investie d'une mission visant à prévenir les accidents dans le cadre des lois et règlements ; les instances judiciaires s'attachent quant à elles à sanctionner le non-respect des règles fixées par les mêmes textes normatifs, en infligeant, le cas échéant, des peines plus sévères et plus diversifiées que les mesures préfectorales d'ordre public. S'il n'apparaît pas opportun de renoncer totalement à des mesures d'ordre public et de prévention, il est en revanche envisagé, avec la mise en service du permis à points, de revoir l'importance accordée jusqu'alors aux commissions de suspension et d'en réduire le rôle et la compétence en limitant les suspensions administratives aux infractions les plus graves qui mettent délibérément en danger la vie d'autrui. Cette réforme, qui laisserait la suprématie au système judiciaire, notamment pour faire respecter les droits de la défense et le principe d'individualisation des peines, aurait comme conséquence de limiter les inégalités dans l'action des tribunaux et des commissions de retrait administratif et rendrait tout son sens premier à la mesure administrative en tant que mesure de sûreté, à caractère préventif. ; notifie sans délai au procureur de la République du lieu où l'infraction a été commise toute décision de suspension du permis de conduire qu'elle prononce (art. R. 272 du code de la route). Réciproquement le procureur de la République notifie sans délai au préfet les mesures, restrictives ou non du droit de conduire, prononcées par une juridiction de jugement (art. R. 273 du code de la route). Ces dispositions permettent de ne pas aboutir pour un fait identique à un cumul de sanctions. Ainsi, la coexistence de deux procédures distinctes, judiciaire et administrative, en matière de suspension du permis de conduire trouve sa justification dans la finalité de chacune d'elles : si l'autorité préfectorale est investie d'une mission visant à prévenir les accidents dans le cadre des lois et règlements ; les instances judiciaires s'attachent quant à elles à sanctionner le non-respect des règles fixées par les mêmes textes normatifs, en infligeant, le cas échéant, des peines plus sévères et plus diversifiées que les mesures préfectorales d'ordre public. S'il n'apparaît pas opportun de renoncer totalement à des mesures d'ordre public et de prévention, il est en revanche envisagé, avec la mise en service du permis à points, de revoir l'importance accordée jusqu'alors aux commissions de suspension et d'en réduire le rôle et la compétence en limitant les suspensions administratives aux infractions les plus graves qui mettent délibérément en danger la vie d'autrui. Cette réforme, qui laisserait la suprématie au système judiciaire, notamment pour faire respecter les droits de la défense et le principe d'individualisation des peines, aurait comme conséquence de limiter les inégalités dans l'action des tribunaux et des commissions de retrait administratif et rendrait tout son sens premier à la mesure administrative en tant que mesure de sûreté, à caractère préventif.

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