Question de M. PASQUA Charles (Hauts-de-Seine - RPR) publiée le 30/07/1992

M. Charles Pasqua attire l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur les événements dramatiques qui viennent de se dérouler en Sicile, manifestant l'impuissance des autorités italiennes à maîtriser le phénomène de la criminalité organisée. L'assassinat, à quelques semaines d'intervalle, des deux principaux magistrats chargés de la lutte contre la criminalité organisée, outre la consternation et la compassion qu'éprouvent tous les amis de l'Italie, ne doit-elle pas amener à reconsidérer l'opportunité d'engager une réforme du code de procédure pénale semblable à celle que l'Italie a récemment adoptée. Il attire en effet son attention sur le fait que les magistrats italiens les plus engagés dans la lutte contre les activités " mafieuses " ont dénoncé l'inadéquation des nouvelles règles d'instruction à la poursuite d'une criminalité pourtant gravement dommageable à la société. Il lui demande enfin si la priorité, en matière de procédure pénale, n'est pas aujourd'hui l'efficacité face à des activités " mafieuses " en plein développement.

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Réponse du ministère : Justice publiée le 26/11/1992

Réponse. - Le Gouvernement français, comme ses homologues européens, ne peut qu'être préoccupé par l'existence d'une criminalité organisée qui, pour se protéger et se développer, recourt largement à l'intimidation et à l'assassinat. Il apparaît cependant que l'impérieuse nécessité de lutter avec force contre ce phénomène ne doit pas conduire les Etats démocratiques à méconnaître la nécessité de la protection des droits de la défense dans le procès pénal, cette protection ne devant en effet pas être conçue comme une entrave à l'efficacité de l'appareil répressif. Le projet de loi portant réforme de la procédure pénale déposé le 26 février 1992 sur le bureau de l'Assemblée nationale, qui vient d'être adopté par l'Assemblée nationale en première lecture, et qui n'a aucun point commun avec la procédure pénale italienne, vise notamment à accroître les garanties des justiciables. Son adoption n'aura toutefois pas pour conséquence de désarmer le corps social, puisque, au contraire, nombre des dispositions proposées renforcent la sécurité des procédures : ainsi, le régime des nullités est simplifié ; les règles dont la méconnaissance entraîne nécessairement une annulation sont désormais limitativement éunumérées et les décisions de renvoi devant la juridiction de jugement purgent la procédure de ces éventuelles nullités. En outre, la conduite de l'information par plusieurs juges d'instruction est organisée, ce qui s'avérera particulièrement opportun dans les procédures concernant la grande criminalité. Par ailleurs, les armes les plus efficaces contre les organisations criminelles sont constituées, non seulement par les législations internes des Etats, mais aussi par l'amélioration des échanges d'information et par la coopération policière et judiciaire internationale. Les bases de cette coopération existent d'ores et déjà, mais l'entrée en vigueur des accords de Schengen qui permettront notamment l'observation et la poursuite transfrontalières des auteurs d'infractions se rattachant à la grande criminalité marquera à cet égard une avancée décisive. Il faut noter enfin l'apport décisif que constituera pour la lutte contre toutes les formes de crime organisé la ratification et la mise en oeuvre du traité sur l'union européenne. C'est ce qu'ont notamment souligné de manière très claire les conclusions des ministres de l'intérieur et de la justice des douze pays de la Communauté, réunis le 18 septembre à Bruxelles sous présidence britannique. C'est pourquoi le Conseil a décidé de confier immédiatement à un groupe de responsables européens anti-mafia une mission d'analyse et de proposition sur la lutte contre le crime organisé. Ses conclusions, qui devront être remises avant six mois, seront mises en oeuvre, après examen au niveau politique, grâce aux nouvelles structures de concertation et de décision prévues par le traité de Maastricht en matière de justice et de police.

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