Question de M. DÉSIRÉ Rodolphe (Martinique - RDSE) publiée le 22/04/1993

M. Rodolphe Désiré attire l'attention de M. le ministre des départements et territoires d'outre-mer sur l'intégration de ces régions au Marché unique de 1993. Chacun se rend bien compte des menaces qui pèsent sur l'économie des DOM si jamais la libre circulation des marchandises et l'harmonisation fiscale leur sont imposées sans discernement. En effet, dans un marché où la garantie des débouchés et des prix n'est plus assurée, la production bananière des DOM ne supportera pas la concurrence conjointe des pays tiers et ACP, en raison de coûts de production trois fois plus élevés. Quant au secteur industriel, il ne survivra pas à l'absence de protection fiscale dont il bénéficiait jusqu'à présent car, comme le constate le rapport de synthèse établi le 15 février dernier par M. Thill, " l'analyse de la situation des entreprises des DOM aurait dû conduire à une très grande prudence dans la réforme d'un système qui,
malgré ses nombreuses imperfections, a permis la création du modeste tissu industriel actuel et en assure largement la survie ". Dans ces conditions, il lui demande s'il ne serait pas opportun de remettre sur le métier toute la réflexion sur les institutions, la fiscalité et le développement économique des DOM.

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Réponse du ministère : Départements et territoires d'Outre-mer (DOM-TOM) publiée le 07/10/1993

Le Gouvernement est tout à fait conscient que la création d'un marché unique où doivent circuler librement les personnes, les services, les biens et les capitaux, et la concurrence accrue, ainsi établie, peuvent avoir des incidences sur l'économie fragile des DOM. C'est pourquoi, se fondant sur l'arrêt de la Cour de justice des communautés européennes du 10 octobre 1978 (dit arrêt Hansen) qui précise : que les dispositions du traité et du droit dérivé doivent s'appliquer de plein droit aux DOM en tant qu'ils font parti de la République française ; que des exceptions à l'application des dispositions générales et particulières du traité peuvent être admises en tant que le développement économique et social de ces régions le justifie ; que le Gouvernement français, dès avril 1987 a présenté à la commission un mémorandum sur l'insertion des DOM dans la CEE dans lequel il était demandé aux instances communautaires que soit prise en compte la spécificité des DOM, qui requiert des mesures d'adaptation ou de protection particulières. Le programme POSEIDOM adopté par la décision du Conseil du 22 décembre 1989 constitue la réponse de la Communauté aux différentes demandes présentées par la France. Il constitue la base réglementaire à partir de laquelle les adaptations des différentes politiques menées par la Communauté peuvent être prises pour les DOM. A partir de ce programme, toute une série de mesures d'aide en matière agricole ont été obtenues, des propositions en matière de pêche-aquaculture ont été transmises par ailleurs à la commission. Mais la forme la plus accomplie de la reconnaissance du particularisme des DOM est sans doute la déclaration relative aux régions ultrapériphériques de la Communauté, qui a été obtenue et incluse dans le traité de Maastricht. Pour ce qui concerne la politique d'harmonisation fiscale entreprise par la Communauté et devant également répondre au principe de la libre circulation des marchandises exigée par la création du marché unique, la CEE, en adoptant le 22 décembre 1989 la réforme de l'octroi de mer, est parvenue à trouver un équilibre conforme à l'esprit du POSEIDOM qui allie à la fois la contrainte de la liberté de circulation et la contrainte régionale de l'essor d'une production locale dans un contexte de concurrence économique accrue. Cette réforme n'a pas été remise en cause par la Cour de justice des communautés européennes dans son arrêt du 16 juillet 1992. Le Gouvernement français a transposé la décision du conseil en adoptant le 17 juillet un texte de loi réformant l'octroi de mer, dont le projet avait été notifié aux services de la commission afin d'en vérifier la conformité avec les dispositions du traité, et notamment avec ses articles 92 et 93. En ce qui concerne le régime fiscal du rhum, dans le cadre de l'harmoni
sation européenne des droits d'accises sur les alcools, la France a obtenu au terme d'une longue négociation : d'une part, que les DOM soient maintenus en dehors du champ de cette harmonisation et puissent ainsi continuer à bénéficier de la situation en vigueur antérieurement ; d'autre part (directive 92/83 du 19 octobre 1992), la possibilité d'appliquer une fiscalité réduite pour le rhum répondant à certaines caractéristiques, qui sont celles du rhum agricole et du rhum traditionnel produits dans les DOM. En matière de TVA, il convient de rappeler que les DOM sont exclus de la directive 91/680/CEE du conseil du 16 décembre 1991 complétant le système commun de la taxe sur la valeur ajoutée et modifiant, en vue de l'abolition des frontières fiscales, la directive 77/388/CEE, ce qui permet d'y maintenir des dispositions spécifiques en matière d'assiette (exonération) ou de liquidation (taux, déduction), voire de non-application (Guyane et îles du Nord de la Guadeloupe). Le secteur industriel pourra continuer à bénéficier de la protection de l'octroi de mer dès lors qu'elle sera justifiée par des données économiques. Des mesures complémentaires ont été prises : ainsi une première zone franche a été créée à la Réunion et pourrait être suivie d'autres si les collectivités locales s'accordent pour les demander. D'autres mesures sont à l'étude pour compléter par des dispositions favorisant les entreprises à forte dominante emploi les dispositions indispensables d'appui aux investissements. Ces mesures permettent de tenir compte des conditions économiques et fiscales propres à ces départements. Mais certaines protections dont bénéficiaient les DOM, n'étant pas compatibles avec le principe de libre circulation, devaient tomber. Ainsi pour la banane des DOM, pour laquelle le marché français était ouvert par priorité depuis 1931. La France était autorisée, en application de l'article 115 du traité CEE, à appliquer des mesures de protection particulières (limitation d'accès au marché) à l'égard des bananes importées de la zone dollar et mises en libre pratique dans les autres Etats membres. Ces dispositions, et la fragmentation des marchés nationaux qu'impliquait ce régime, étaient incompatibles avec le marché unique sans frontières. L'achèvement du marché unique au 1er janvier 1993 nécessitait la prise de règles communes pour le marché de ce produit et imposait un régime commun à l'importation des bananes dans la Communauté. Sur les bases d'un rapport effectué par le groupe inter-services " banane ", la commission a proposé au conseil le 31 juillet 1992 la création d'une organisation commune des marchés dans le secteur de la banane (OCM). Le conseil a adopté le 13 février 1993 le règlement (CEE) n° 404/93 portant organisation commune des marchés dans le secteur de la banane, prévoyant le soutien des prix au moyen de mesures internes et de mesures à l'importation. Ce règlement est applicable depuis le 1er juillet 1993. Il s'efforce de concilier les intérêts des producteurs et des consommateurs tout en respectant les engagements de la CEE à l'égard des Etats ACP et les autres engagements internationaux. L'économie générale du règlement consiste en un contingentement, un tarif douanier et des mesures d'aides compensatoires. Afin d'assurer la protection des productions communautaires de bananes et de réaliser la mise en oeuvre du marché unique, le texte réglementaire a prévu : de fixer à 2 millions de tonnes le contingent pour les bananes pays tiers et ACP non traditionnels, dont l'implantation est soumise à l'obtention de licences octroyées aux opérateurs reconnus ; les bananes ACP traditionnelles continuant à entrer librement dans la limite de volumes maximum pour chacun des pays concernés ; de fixer à 100 Ecus verts par tonne le droit de douane pour les bananes contingent et à 850 Ecus verts au-delà du contingent ; d'assurer une aide compensatoire aux productions communautaires au cas où les prix chutent. Cette aide et ses avances sont calculées sur la base d'un prix de référence de 491 Ecus par tonne de bananes vertes sortie hangar de conditionnement, pour des tonnages maximum (219 000 t/an pour la Martinique, 150 000 t/an pour la Guadeloupe). Le comité de gestion banane s'est réuni depuis le début du mois de mai 1993 pour assurer la préparation et la mise en place des règles de l'OCM. C'est ainsi qu'au 15 août 1993 sont déjà sortis dix règlements d'application. Au total, le Gouvernement a pris, en liaison avec les autorités communautaires, toute une série de mesures destinées à compléter et développer l'économie des DOM. La réflexion va encore s'approfondir dans le cadre de la concertation qui va s'instaurer entre le ministère des DOM-TOM et les élus des DOM pour l'élaboration d'une loi d'orientation pour les DOM. En revanche, il paraît inopportun de reprendre, à ce stade, les débats relatifs aux cadres institutionnels, le redémarrage de l'économie des DOM ne pouvant se produire que dans un climat serein où l'ensemble des parties prenantes chercheront à apporter leur contribution à l'oeuvre de redressement.

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