Question de M. MARINI Philippe (Oise - RPR) publiée le 20/05/1993

M. Philippe Marini appelle l'attention de M. le ministre des entreprises et du développement économique, chargé des petites et moyennes entreprises et du commerce et de l'artisanat sur les vives préoccupations des commerçants, et singulièrement des boulangers, à l'égard de la pratique des ventes à perte et notamment de la vente à perte du pain. Alors qu'une baguette de pain est vendue généralement entre 3,30 francs et 3,70 francs dans les boulangeries, elle est vendue à 0,80 franc dans certaines grandes surfaces qui font du pain un produit d'appel. Or la législation actuelle ne sanctionne que la revente à perte et tolère donc, notamment dans les grandes surfaces, cette pratique. Cette situation entraînant progressivement, tant pour les commerces de proximité que pour les boulangeries, une situation préjudiciable, il lui demande la nature des initiatives qu'il envisage de prendre pour rétablir un fonctionnement normal et équitable de la concurrence et de l'activité commerciale, s'inspirant de la volonté exprimée par le Premier ministre d'arrêter la désertification rurale et périurbaine.

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Transmise au ministère : Économie


Réponse du ministère : Économie publiée le 30/12/1993

Réponse. - La vente de pain à des prix très bas s'analyse juridiquement de deux façons différentes selon que le pain est ou non fabriqué par le vendeur. Si le vendeur l'a lui-même acheté à un fournisseur et le revend tel quel à un prix inférieur, il s'agit de revente à perte, laquelle est prohibée par l'ordonnance du 1er décembre 1986. En revanche, lorsque le vendeur fabrique lui-même son pain, il n'y a pas d'infraction pénale, même si le prix de ce pain est inférieur à celui des autres distributeurs. Toutefois, afin de mieux apprécier l'ampleur de ces pratiques et de leurs conséquences, les services de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) ont entrepris des enquêtes sur le prix du pain selon le mode de commercialisation. Ces enquêtes ont pour but notamment de constater d'éventuels cas de revente à perte qui font systématiquement l'objet de procès-verbaux transmis par l'administration à la justice. Pour le pain vendu directement par le producteur, la vérification porte sur les conditions d'approvisionnement, de fabrication et de commercialisation afin de s'assurer qu'à aucun de ces stades, les prix de vente ne résultent de pratiques contraires au droit de la concurrence. En effet, les abus de position dominante ou les ententes tombent sous le coup des articles 7 et 8 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 et sont, à ce titre, susceptibles d'être sanctionnées par le Conseil de la concurrence. De plus, en cas de vente ou d'achat discriminatoire sans contrepartie réelle et faussant donc le jeu de la concurrence, la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes est en droit d'engager une action devant la juridiction civile sur le fondement du premier alinéa de l'article 36 de l'ordonnance du 1er décembre 1986. Enfin, s'il s'estime lésé, il est toujours loisible à un commerçant, artisan boulanger notamment, d'introduire lui-même une action en matière de concurrence déloyale sur la base de l'article 1382 du code civil. Toutefois, les professionnels eux-mêmes ne sont en général pas en mesure d'essayer d'obtenir réparation sur la base de l'article 1382 ; la question se pose donc de savoir s'il convient de donner à l'administration le pouvoir d'intervenir devant le juge en lui apportant ses moyens d'enquête et de preuve pour faire cesser les pratiques d'éviction ; c'est pourquoi, dans le cadre de la préparation du projet de loi sur la concurrence déloyale, les pouvoirs publics réfléchissent sur l'opportunité de compléter le dispositif existant.

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