Question de Mme BERGÉ-LAVIGNE Maryse (Haute-Garonne - SOC) publiée le 12/01/1995

Le 20 janvier dernier, le Sénat a rejeté un amendement tendant à considérer l'embryon humain comme une personne. Cela pourrait n'apparaître que comme une anecdote. Or, en fait, c'est une des facettes de l'état actuel de la lutte que mènent depuis de nombreuses années les adversaires acharnés des droits de la femme, plus particulièrement en ce qui concerne la contraception et l'avortement. Sans doute voudraient-ils revenir aux lois de 1920 et de 1923, qui interdisaient toute information et toute pratique de la contraception, renforcées par les dispositifs totalement répressifs du gouvernement de fait de l'ex-maréchal Pétain. Il faudra la lutte de nombreuses femmes et de nombreux hommes au sortir de la guerre pour qu'évoluent les mentalités, malgré les objectifs résolument natalistes des gouvernements successifs et de l'influence alors importante de l'Eglise catholique. De la création du planning familial en 1960 à l'autorisation de la contraception en 1967, les étapes sont longues et ardues pour que les femmes puissent décider d'avoir ou non des enfants. Mais il faudra des batailles encore plus importantes, comme le manifeste des " 343 salopes " qui s'accusent du délit d'avortement, suivi de la déclaration publique de 331 médecins demandant à être inculpés pour avoir pratiqué des avortements, pour que, le 17 janvier 1975, à l'initiative de Mme Veil, une loi qui suspende, dans certaines conditions, la loi de 1920, soit votée. Les quelques années qui suivent voient une lente amélioration générale, comme le remboursement par la sécurité sociale de l'IVG, qui donnera un coup d'arrêt au trafic financier. Pour autant, l'interdiction de la publicité ne sera pas levée, ce qui empêche une information complète des femmes et des hommes sur les questions de contraception. Ce n'est qu'avec l'apparition du sida, et avec beaucoup d'ambiguïté, que la publicité est autorisée pour les produits prophylactiques. C'est en 1986 que commencera à se faire sentir en France un vent réactionnaire. Des groupes, minoritaires mais bien organisés, passent à l'attaque contre l'avortement et la contraception. Ils sont souvent soutenus par une partie de la hiérarchie catholique, allant en cela dans le sens des propos sans cesse répétés par le pape. En 1990 commencent, en France, les attaques contre les centres pratiquant des avortements en employant les mêmes méthodes " commandos " qu'aux Etats-Unis, commandos toujours présentés comme " pacifiques ", mais qui ont conduit, outre-Atlantique, à l'assassinat d'un médecin. Ainsi, aujourd'hui, la remise en cause de l'avortement ne prend-elle pas forcément le chemin de la loi, mais souvent de façon plus détournée, en utilisant d'autres terrains. Ainsi en est-il de la gestion des centres de planification. Dans le Nord, présidé depuis quelques années par le RPR, la convention proposée aux centres de ce département supprime 70 % du budget des salaires... Pourquoi cette sanction ? Les centres sont-ils punis parce qu'ils font une très large place à l'information ? Depuis 1990, on dénombre 70 attaques contre les centres IVG, sans compter celle de Nantes mardi 6 décembre 1994. Et, depuis plusieurs mois, aucune IVG n'a été pratiquée à Nevers, faute de médecin volontaire. Remettre en cause le droit des femmes à avoir ou ne pas avoir d'enfants, c'est de fait remettre en cause tous les droits des femmes. C'est pourquoi Mme Maryse Bergé-Lavigne demande à Mme le ministre d'Etat, ministre des affaires sociales, de la santé et de la ville, quelles mesures elle compte prendre pour que la loi autorisant l'IVG soit réellement ; appliquée sur l'ensemble du territoire, à Nevers comme dans le reste du pays, et pour permettre aux médecins la pratiquant d'exercer dans la dignité, la sécurité, et avec des moyens budgétaires correspondant à leurs besoins et à ceux de leurs patientes.

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Réponse du ministère : Affaires sociales publiée le 18/05/1995

Réponse. - Une enquête a été réalisée entre février et mai 1994 afin de faire un bilan national de l'application de la loi du 17 janvier 1975 relative à l'interruption volontaire de grossesse. Il a été constaté qu'il pouvait exister localement des difficultés tenant, notamment, à un manque de coordination entre les services d'interruption volontaire de grossesse et les centres de planification familiale ou à une possibilité réduite de recruter des médecins pour pratiquer l'intervention. C'est pourquoi il a été demandé aux préfets de faire la synthèse des problèmes qui se posent dans leurs départements et de proposer des solutions adaptées. Les présidents des conseils généraux sont conviés à participer à cette réflexion. Un décret sur le statut des médecins pratiquant les interruptions volontaires de grossesse en établissement public de santé est en cours d'élaboration. S'agissant des centres de planification familiale, il appartient aux conseils généraux de les agréer, sachant que leurs missions sont définies par le décret no 92-684 du 6 août 1992. Enfin, s'agissant des attaques dirigées contre des centres d'interruption volontaire de grossesse, à la suite des actions judiciaires entreprises, des condamnations sont prononcées conformément aux articles L. 162-15 et L. 162-15-1 du code de la santé publique. Une lettre circulaire du 9 décembre 1994 rappelle aux préfets des départements la nécessité d'engager les poursuites pénales prévues par ces deux articles.

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