Question de M. PLASAIT Bernard (Paris - RI) publiée le 19/09/1996

M. Bernard Plasait attire l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur l'insuffisance de la durée légale de rétention des étrangers en situation irrégulière. En effet, la France dispose actuellement de la durée légale de rétention administrative la plus courte de tous les pays de l'Union européenne. Celle-ci est de vingt-quatre heures, renouvelable une première fois pour six jours et, à certaines conditions très précises, une seconde fois pour trois jours, soit dix jours en tout, alors qu'elle est d'un mois en Belgique, de six mois (avec une prolongation de douze mois) en Allemagne, et illimitée au Royaume-Uni, aux Pays-Bas et en Suède. Or l'administration a besoin en général d'une semaine à un mois pour identifier un étranger irrégulier qui refuse de fournir son identité, obtenir le laissez-passer de son pays d'origine et organiser son retour. Telle est essentiellement la raison du taux d'échec si considérable d'exécution des mesures d'éloignement. Si ces formalités ne sont pas satisfaites avant la fin de la rétention administrative, les intéressés sont relâchés. Dès lors, étendre la durée de la rétention administrative à un mois renouvelable ou à quinze jours renouvelables deux fois constituerait une solution efficace. L'intéressé ne serait pas dépourvu de garanties puisqu'il pourrait à tout moment saisir le juge administratif des conditions de sa rétention. Plusieurs tentatives ont été faites en ce sens, qui ont toutes échoué en raison de la censure du Conseil constitutionnel. L'examen des décisions du Conseil montre que cette jurisprudence résulte en fait d'une construction prétorienne. En effet, aucune disposition de la Constitution - et en tout cas pas l'article 66 dont la Haute Juridiction se prévaut - ne prévoit ou ne permet de supposer que le respect de la liberté individuelle empêche plus de dix jours de rétention sous le contrôle du juge alors que des durées bien supérieures sont autorisées dans les autres démocraties. Toutefois, une autre solution, sans doute préférable, consisterait à développer et à perfectionner la rétention judiciaire et à condamner plus systématiquement le clandestin aux peines prévues par la loi. Par conséquent, il lui demande de bien vouloir lui préciser l'état de ses réflexions et ses intentions sur ce point.

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Réponse du ministère : Justice publiée le 12/12/1996

Réponse. - Le garde des sceaux, ministre de la justice, fait connaître à l'honorable parlementaire que le projet de loi portant diverses dispositions relatives à l'immigration, modifiant l'ordonnance du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France, qui a été adopté au conseil des ministres le 6 novembre 1996, devrait faciliter l'exécution des décisions d'éloignement des étrangers, tout en préservant la liberté individuelle des intéressés. L'article 7 du projet de loi prévoit notamment de porter de vingt-quatre à quarante-huit heures la durée initiale de la rétention administrative et aménage la procédure de l'appel des ordonnances de première instance statuant sur la prolongation de cette rétention en donnant compétence au juge d'appel pour conférer, s'il l'estime nécessaire, un caractère suspensif aux recours formés par le ministère public et en permettant de s'assurer de la personne de l'étranger, jusqu'à l'intervention de la décision.

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