Question de Mme BEAUDEAU Marie-Claude (Val-d'Oise - CRC) publiée le 16/10/1996

Mme Marie-Claude Beaudeau attire l'attention de M. le ministre du travail et des affaires sociales sur l'application de la convention relative aux droits de l'enfant, adoptée par l'assemblée générale de l'ONU, le 20 novembre 1989, et ratifiée par 180 Etats, dont la France. Elle lui rappelle que chaque Etat signataire s'est engagé à publier annuellement un plan national d'action en faveur des droits de l'enfant. Elle lui demande de lui faire connaître les résultats obtenus par chaque plan depuis 1990 et les termes et objectifs de celui de 1996, toujours en attente de publication.

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Réponse du ministère : Emploi publiée le 13/11/1996

Réponse apportée en séance publique le 12/11/1996

Mme Marie-Claude Beaudeau. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, le 20 novembre
prochain sera un 14 juillet des enfants. Cette date constituera un moment privilégié : en effet, plus de deux cents ans après
le 14 juillet 1789, on célébrera la reconnaissance des droits de l'enfant. Nous avons contribué à la prise de cette décision,
comme vous-mêmes, madame le ministre, mes chers collègues, et nous voudrions ce matin soulever quatre points.
Quatre arrêts de la Cour de cassation en date du 10 mars 1993 précisent que les dispositions de fond de la convention ne
sont pas directement applicables en droit interne français.
La convention ne crée d'obligation qu'à la charge des Etats parties. Cette obligation prend la forme de dépôt de rapports
sur les mesures prises en faveur des droits nouveaux dans la convention et sur les progrès réalisés dans la jouissance de
ces droits. C'est l'application de l'article 44.
Autrement dit, le Gouvernement français, qui a ratifié la convention, a donc l'obligation de prendre les dispositions utiles
pour que les droits reconnus par la convention soient garantis.
Où en est donc le Gouvernement dans l'établissement des rapports devant être soumis au comité des droits de l'enfant,
institué par l'article 43 ? Quelles sont les difficultés éventuelles rencontrées ? Quels sont les moyens pour les surmonter ?
Ne faudrait-il pas que le rapport, qui doit être établi en 1997-1998, soit soumis préalablement au Parlement ?
Par ailleurs, à la suite de la réunion des chefs d'Etat, chaque Etat, donc la France, doit présenter un plan d'action. Où en
est l'application des plans des dernières années ? Quelle est la teneur du plan d'action de 1996 ?
En outre, quelles mesures concrètes ont été prises pour que soit appliqué l'article 42 de la convention ? Celui-ci prévoit
que les Etats parties s'engagent à faire largement connaître les principes et les dispositions de la convention, par des
moyens actifs et appropriés, aux adultes comme aux enfants. Que prévoyez-vous plus concrètement en ce qui concerne le
respect du droit à la santé - article 24 - le droit de bénéficier pleinement de la sécurité sociale - article 26 - le droit à
l'égalité des chances - article 28 - le droit à être protégé contre l'exploitation économique - article 32 - la protection
contre l'exploitation sexuelle - article 44 - la protection contre la violence - article 19 - et le droit à la famille - article 10 ?
Ces droits ne sont pas tous garantis à des dizaines de milliers d'enfants vivant en France, et votre réponse aux questions
que cette situation soulève est attendue, madame le ministre.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Anne-Marie Couderc, ministre délégué pour l'emploi. Madame le sénateur, les questions que vous posez sont
très importantes. Comme vous le savez, le 20 novembre prochain sera l'occasion d'une rencontre au Sénat entre les
pouvoirs publics et les associations de défense des droits de l'enfant. Cette rencontre devrait permettre de dresser le bilan
de l'application de la convention internationale des droits de l'enfant, en France et vis-à-vis des pays étrangers, et de
répondre plus précisément que je ne peux le faire ce matin à toute une série de vos questions.
Cependant, je peux, dès aujourd'hui, faire le point sur certains sujets, et d'abord sur le mécanisme général de suivi de la
convention sur le plan international.
La France s'est engagée à soumettre au comité des droits de l'enfant de l'ONU un rapport sur les mesures que les Etats
auront adoptées pour donner effet aux droits reconnus dans cette convention, et sur les progrès réalisés dans la jouissance
de ces droits dans les deux ans, puis par la suite tous les cinq ans. Du fait du retard pris par le comité des droits de
l'enfant, la France n'a été auditionnée, comme vous le savez certainement, que les 11 et 12 avril 1994 sur la base d'un
rapport remis à cette occasion. Un nouveau rapport devra être présenté en 1999, qui aura vocation à être très largement
diffusé.
En ce qui concerne le suivi de la convention sur le plan national, le Parlement a, par la loi du 27 janvier 1993, demandé la
présentation d'un rapport annuel sur la mise en oeuvre de la convention internationale des droits de l'enfant et sur l'action
de la France en faveur des enfants dans le monde. La réalisation du premier rapport est en cours et il sera présenté au
Parlement très prochainement.
Mais il faut d'ores et déjà souligner que la loi du 9 avril 1996 a reconnu le 20 novembre, jour anniversaire de l'adoption
par l'Organisation des Nations unies de la convention internationale des droits de l'enfant, journée nationale des droits de
l'enfant. La première journée nationale aura donc lieu le 20 novembre prochain. A cette occasion, mesdames, messieurs
les sénateurs, nous pourrons avoir un large débat au Sénat entre les pouvoirs publics et les associations de défense des
droits de l'enfant. Cette rencontre sera l'occasion de dresser un bilan d'application de la convention.
Votre question fait aussi, me semble-t-il, référence au sommet mondial pour les enfants, qui s'est tenu à New York au
siège de l'UNICEF les 29 et 30 septembre 1990, et auquel ont participé soixante et onze chefs d'Etat et de
gouvernement. Il a été adopté, à cette occasion, une déclaration mondiale en faveur de la survie, de la protection et du
développement de l'enfant, et un plan d'action pour la mise en oeuvre de cette déclaration dans les années
quatre-vingt-dix, chaque Etat devant décliner ce plan d'action sur le plan national et en faire état à l'UNICEF et à l'ONU.
Ce travail a effectivement été mené en 1996 par le ministère des affaires étrangères, compétent sur ce point.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Madame le ministre, je vous remercie de toutes les précisions que vous m'avez
apportées, et notamment des dates que vous avez citées. Cependant, la situation actuelle exige davantage. Nous ne
sommes pas les seuls à l'affirmer. J'ai pris connaissance d'un livre écrit par une femme député RPR des Yvelines et intitulé
: L'Enfance en détresse.
M. Charles Descours. Excellent !
Mme Marie-Claude Beaudeau. Dans ce livre figurent des constats que nous faisons nous-mêmes dans nos communes
et qui appellent, de notre part, de votre part, madame le ministre, ainsi que de celle du Gouvernement des réponses
capitales.
La pauvreté touche de plus en plus les enfants : 15 % des jeunes de moins de dix-sept ans vivent dans un ménage pauvre
; beaucoup souffrent de malnutrition.
Nombreuses sont les personnes qui reconnaissent que le problème posé par les cantines scolaires des collèges doit être
pris à bras-le-corps : de moins en moins d'enfants bénéficient d'un repas le midi. Il est urgent de prendre des mesures.
Trop d'enfants ne reçoivent pas les soins nécessaires, ne vont pas, par exemple, chez le dentiste ou l'oculiste. Le
saturnisme et le scorbut réapparaissent dans certaines cités. Ne pensez-vous pas que la gratuité des soins pour les enfants
de moins de dix ans permettrait de préserver l'égalité des chances ?
La violence et la délinquance touchent des enfants de plus en plus jeunes. Ainsi, des bandes d'enfants de dix à douze ans
tiennent la police en respect dans certaines cités de banlieues. Les armes entrent dans les collèges et dans les lycées.
N'est-il pas urgent d'organiser, en faveur de l'enfance, une grande campagne de prévention et d'éducation qui associerait
l'école, les services sociaux, les services sportifs, la justice et la police ?
Ne faut-il pas, madame le ministre, se montrer plus entreprenant dans le domaine de la luttre contre la pédophilie ou
contre le proxénétisme, qui utilisent l'enfant comme objet ?
Je n'ai pris que quelques exemples car je manque de temps. L'enfant est le plus touché par la crise, et nous ne sommes
pas les seuls à le dire. C'est un fait auquel il convient de remédier. Il ne faut pas seulement le dénoncer. C'est l'avenir de
notre pays qui est en cause. Il faut faire plus et beaucoup plus vite !
Mme Hélène Luc. Très bien !

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