Question de M. ESTIER Claude (Paris - SOC) publiée le 07/02/1997

Question posée en séance publique le 06/02/1997

M. le président. La parole est à M. Estier.
M. Claude Estier. Monsieur le Premier ministre, je suis heureux de votre présence au banc du Gouvernement, car c'est
à vous que s'adresse ma question.
Depuis des mois et des mois, et plus particulièrement ces dernières semaines, chaque jour nous apporte les nouvelles
d'horribles massacres perpétrés en Algérie par des groupes terroristes contre des civils, hommes, femmes et enfants, ces
actes n'épargnant pas des personnalités de premier plan, comme on a pu le constater, la semaine dernière, avec
l'assassinat du leader syndicaliste Abdelhak Benhamouda.
Le premier réflexe doit être de s'incliner devant les victimes de ces crimes abominables, mais aussi de rendre hommage au
courage de la population algérienne, qui continue à vivre, à sortir, à travailler, en dépit des menaces permanentes qui
pèsent sur elle.
Cependant, les liens qui unissent la France et l'Algérie par l'histoire, la géographie, la culture, l'économie, les hommes, sont
trop profonds pour que l'on s'en tienne à un simple constat.
Il ne s'agit pas - nous savons les Algériens très sourcilleux à ce sujet - de se mêler des problèmes intérieurs de ce pays, et
encore moins, pour nous Français, de dresser, par exemple, la liste des partis qui devraient participer aux élections
annoncées pour le printemps prochain, dont on peut seulement se demander si elles pourront se tenir normalement dans
un tel climat.
Vous avez dit fort justement cette semaine, monsieur le Premier ministre, que l'avenir de l'Algérie ne se décide plus à
Paris. Mais il est tout aussi vrai que Paris ne peut être indifférent à l'avenir de l'Algérie.
Ni ingérence ni indifférence, mais solidarité avec le peuple algérien, qui refuse la violence des groupes islamiques et qui
aspire depuis si longtemps à une vraie démocratie. Si les Algériens attendent quelque chose de la France, c'est bien cette
solidarité, et nous l'exprimons, quant à nous, avec toutes les forces démocratiques qui existent en Algérie.
Je vous interroge, monsieur le Premier ministre : le Gouvernement est-il prêt à manifester cette solidarité en toutes
occasions, ce qui peut signifier aussi - et cela nous rapproche d'un débat que nous avons engagé mardi dernier dans cet
hémicycle - se montrer plus généreux pour accueillir en France des Algériennes ou des Algériens menacés dans leur vie ?
Est-il prêt à s'associer à toute démarche internationale, et notamment à toute initiative qui émanerait de pays de l'Union
européenne pour aider à ramener la paix civile dans ce pays aujourd'hui martyrisé ?
En dehors de tout clivage partisan, il est évidemment de l'intérêt de la France que l'Algérie retrouve le plus rapidement
possible les conditions d'une vie démocratique et d'un développement pacifique qui lui permettent de jouer le rôle qui lui
revient, en particulier dans ce bassin méditerranéen qui nous est commun. (Applaudissements sur les travées
socialistes, sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées du RDSE
et de l'Union centriste.)

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Réponse du ministère : Premier ministre publiée le 07/02/1997

Réponse apportée en séance publique le 06/02/1997

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Alain Juppé, Premier ministre. Au risque peut-être de vous surprendre, monsieur Estier, je vous dirai que je n'ai
pas grand-chose à changer à votre intervention,...
M. Claude Estier. Cela ne me surprend pas !
M. Alain Juppé, Premier ministre. ... qui constituait davantage une déclaration qu'une question.
Nous ressentons tous ici un sentiment d'horreur devant tant de barbarie et nous sommes unanimes pour exprimer au
peuple algérien notre sympathie, car c'est un peuple qui souffre dans sa chair, dans sa culture et dans son esprit.
Nous sommes d'accord pour estimer que le destin de l'Algérie ne se décide pas à Paris et qu'il nous faut peut-être «
dépouiller le vieil homme » dans ce domaine et rompre avec des habitudes qui appartiennent définitivement au passé.
Nous sommes d'accord pour dire qu'il ne faut pas laisser le peuple algérien isolé, car ce serait ajouter au drame qu'il vit
d'autres difficultés, notamment de caractère économique.
Nous sommes d'accord pour dire que le seul parti que nous défendons en Algérie, c'est le parti de la démocratie. Celui-ci
doit s'exprimer dans des élections aussi transparentes et incontestables que possible.
C'est le langage que tiennent la France et sa diplomatie depuis de nombreuses années.
Aller au-delà, nous ingérer dans le choix de ceux qui doivent participer à ces élections, ce serait confondre notre
responsabilité morale et une ingérence qui n'est plus de mise.
Voilà les quelques idées sur lesquelles nous pouvons, aujourd'hui, tous nous retrouver. N'en faisons pas un prétexte à
polémique, parce que le sujet est trop grave, pour l'Algérie et pour nous.
Il est vrai que nous ne pouvons pas être indifférents, compte tenu de tout ce que vous avez rappelé, à ce qui se passe de
l'autre côté de la Méditerranée.
La France a tenu ce langage depuis plusieurs années et elle continuera à le tenir.
Elle est prête, bien sûr, à s'associer à toute initiative internationale qui, dans le respect de ces principes, et notamment de
la souveraineté de l'Algérie, pourrait apporter du réconfort et une perspective de paix et de réconciliation au peuple
algérien. (Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants. -
MM. Michel Dreyfus-Schmidt et Paul Girod applaudissent également.)

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