Question de M. BLIN Maurice (Ardennes - UC) publiée le 27/06/1997

Question posée en séance publique le 26/06/1997

M. le président. La parole est à M. Blin, pour deux minutes et demie.
M. Maurice Blin. Je n'utiliserai pas ces deux minutes et demie, monsieur le président.
Depuis votre arrivée à l'hôtel Matignon, monsieur le Premier ministre, vous avez demandé expressément aux membres de
votre gouvernement de « pratiquer le dialogue, la concertation et de respecter les droits du Parlement ».
En l'espace de quelques jours, dans trois domaines au moins, cette recommandation, au demeurant tout à fait opportune,
semble avoir été oubliée.
Tout d'abord, le projet de loi de finances rectificative, un moment annoncé par M. le ministre de l'économie, des finances
et de l'industrie, pourrait, dit-on, ne pas voir le jour.
Le Parlement en sera donc réduit à avaliser en fin d'année les annulations ou les ouvertures de crédits décidées sans débat
par le Gouvernement.
Par ailleurs, Mme le ministre de l'environnement a annoncé, dès sa prise de fonction, l'abandon d'un nombre
impressionnant de programmes de travaux qui avaient fait l'objet d'études et d'engagements de crédits importants,...
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il fallait lire notre programme !
M. Maurice Blin. ... sans concertation préalable...
M. Serge Vinçon. Aucune !
M. Maurice Blin. ... ni, semble-t-il, avec ses collègues du Gouvernement, ni avec le Parlement, ni avec les responsables
des collectivités locales intéressées.
Nous pensons tous à la liaison fluviale Rhin-Rhône, à Superphénix, à l'EPABERRE, l'établissement public d'aménagement
de l'étang de Berre, au tracé du TGV-Est, à l'autoroute A 51 Grenoble-Sisteron.
Troisième point d'inquiétude et de surprise : le versement des allocations familiales sous conditions de ressources constitue
l'exemple d'une décision prise sans que les partenaires sociaux intéressés aient été ni consultés ni même informés.
La remise en cause d'un élément aussi essentiel d'une politique familiale, vieille aujourd'hui de plus d'un demi-sicècle, et qui
pourrait annoncer demain celle de la couverture des dépenses de santé méritait, nous semble-t-il, davantage
d'explications.
Certes, monsieur le Premier ministre, gouverner c'est décider, c'est-à-dire trancher. Mais cela suppose préalablement une
écoute particulièrement attentive du pays.
Pouvons-nous espérer, monsieur le Premier ministre, que cette leçon, votre leçon, sera mieux entendue à l'avenir des
membres de votre Gouvernement ? (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Je vous remercie, monsieur Blin, vous tenez vos promesses.
M. Jean-Louis Carrère. Non, il avait dit qu'il n'utiliserait pas tout son temps de parole ! (Sourires.)

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Réponse du ministère : Premier ministre publiée le 27/06/1997

Réponse apportée en séance publique le 26/06/1997

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Lionel Jospin, Premier ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je ne sais pas si M.
Blin a dit qu'il poserait sa question en moins de deux minutes et demie, mais, pour ma part, il me sera difficile de répondre
dans ce laps de temps si les questions posées sont aussi larges - il est vrai qu'aujourd'hui c'est la première fois que le
dialogue se noue.
M. le président. Ne répondez pas sur tous les points ! (Rires.)
M. Lionel Jospin, Premier ministre. Très bien : avec votre autorisation, monsieur le président, je serai donc très
lacunaire, et M. Blin me le pardonnera !
Un sénateur de l'Union centriste. Il n'y a qu'une question !
M. Lionel Jospin, Premier ministre. Pour ne répondre que sur la méthode, je dirai que c'est celle de la concertation :
concertation au sein du Gouvernement, concertation entre les membres du Gouvernement et le Parlement, concertation
avec les acteurs de la vie économique et sociale et avec les citoyens.
Néanmoins, mesdames, messieurs les sénateurs, engager la concertation ne signifie pas que l'on ne doit pas respecter,
notamment dans sa déclaration de politique générale, les engagements majeurs et les annonces claires qui ont été exprimés
dans une campagne électorale. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur certaines travées du
RDSE.)
Il n'est pas forcément recommandé de ne tenir aucune des promesses que l'on a faites et il est possible que, lorsqu'on se
livre à cet exercice, on ait à subir quelques inconvénients ! (Sourires sur les mêmes travées.)
Il me paraît donc juste que des indications aussi claires que la volonté d'arrêter le surgénérateur Superphénix ou la
réalisation du canal à grand gabarit Rhin-Rhône...
M. Emmanuel Hamel. Deux décisions catastrophiques !
M. Lionel Jospin, Premier ministre. ... puissent être confirmées dans une déclaration de politique générale.
Au demeurant, je le précise, en ce qui concerne les grands équipements, à ce stade, ce sont les deux seules annonces qui
relèvent d'une décision gouvernementale. (Murmures sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains
et Indépendants.)
Les ministres remplissent leur rôle en étudiant les dossiers, et le Gouvernement arrête ensuite des décisions. Je réponds
donc à M. Blin et, ce faisant, j'informe le Sénat sur l'état d'avancement de ces dossiers.
En outre, compte tenu de la complexité de l'outil que représente Superphénix - un équipement qui, cela mérite d'être tout
de même rappelé, n'aura fonctionné normalement que onze mois en douze ans et aura coûté 60 milliards de francs à la
collectivité - les choses se feront progressivement et les concertations nécessaires seront conduites.
Pour ce qui concerne le canal Rhin-Rhône, il faut reconnaître honnêtement, monsieur le sénateur, que le débat a eu lieu. Je
me suis moi-même rendu à plusieurs reprises dans la région. Au moins pour les élus, les représentants du mouvement
associatif et les citoyens de cette partie de l'est de la France, la cause est entendue. C'est une décision que nous avions
annoncée et nous la mettrons en oeuvre. Une grande partie de la population de cette région s'en trouvera soulagée.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Absolument !
M. Lionel Jospin, Premier ministre. J'en viens, monsieur le sénateur, à la partie de votre question qui avait trait au
collectif budgétaire.
Bien sûr, il est utile de lire les journaux, mais je relève qu'il m'arrive de découvrir dans les gros titres des journaux - et,
parfois, ceux-ci reprennent des « informations » parues dans un journal économique et financier étranger - l'annonce de
décisions qui seraient, paraît-il, celles d'un Gouvernement que je dirige mais qui n'ont pas encore été prises ! (Sourires.)
Cela relève évidemment des rapports avec une presse libre et attentive, mais parfois inventive. Il ne faut donc pas prendre
forcément pour argent comptant ce qui est imprimé.
Ainsi, il n'a pas été décidé par le Gouvernement de présenter un collectif budgétaire. Nous nous sommes posé la question
mais, compte tenu des contraintes de temps que j'évoquais tous à l'heure, en raison de la dissolution et de la campagne
électorale, ce collectif budgétaire n'aurait pu être prêt avant la seconde quinzaine de juillet. De tout façon, nous voulions
attendre les résultats de l'évaluation des comptes publics, qui seront connus le 21 juillet. Si, donc, nous avions
effectivement décidé de présenter au Parlement un collectif budgétaire, nous l'aurions obligé à sièger pendant la seconde
quinzaine d'août.
M. Jean-Louis Carrère. Ils ont besoin de repos ! (Sourires.)
M. Lionel Jospin, Premier ministre. Il nous est apparu que vous ne nous l'auriez pas pardonné, (Murmures sur les
travées du RPR) et vous auriez eu raison !
Nous avons donc retenu une autre méthode. Quoi qu'il en soit, à l'automne, les droits du Parlement seront parfaitement
respectés.
Je ne reviens que rapidement sur les allocations familiales. C'était un engagement clair, pris en 1995, lors d'une autre
campagne que j'ai eu l'occasion de mener. Cela a été rappelé dans nos propositions, notamment celles de la formation
politique à laquelle j'appartiens. J'ai moi-même évoqué cette mesure et Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité s'est
exprimée à plusieurs reprises très clairement à ce sujet.
Une décision de principe est prise. Un certain nombre de parlementaires appartenant à votre champ politique (M. le
Premier ministre désigne le centre et la droite de l'hémicycle) ont d'ailleurs approuvé cette mesure. Nous la croyons
juste. Elle est comprise par l'opinion.
M. Emmanuel Hamel. Non ! (Si ! sur plusieurs travées socialistes.)
M. Lionel Jospin, Premier ministre. La concertation va s'ouvrir sur les modalités de sa mise en oeuvre. Celles-ci
seront décidées et concertées, parfois concertées avant la décision, parfois concertées après la décision : c'est l'art du
gouvernement ! (Exclamations sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
Au niveau de responsabilité qui est le mien, je prends cette décision. Je m'efforcerai d'être moins maladroit ou peut-être
même d'être plus adroit que mes prédécesseurs, si c'est possible ! (Vifs applaudissements sur les travées socialistes
ainsi que sur certaines travées du RDSE et du groupe communiste républicain et citoyen.)

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