Question de Mme POURTAUD Danièle (Paris - SOC) publiée le 01/10/1997

Mme Danièle Pourtaud rappelle à M. le secrétaire d'Etat à l'industrie que le projet de loi de finances pour 1998 prévoit que la taxe intérieure sur les produits pétroliers sera uniformément relevée de 8 centimes le litre, quel que soit le carburant, essence ou gazole. L'arbitrage qui a été récemment rendu n'a donc pas tenu compte des inquiétudes légitimes suscitées par la responsabilité du gazole dans la pollution atmosphérique et les conséquences de celle-ci sur la santé publique. Les rapports se succèdent qui établissent clairement la gravité du risque sanitaire que fait courir le gazole. Dans les grandes villes, le nombre annuel de décès prématurés attribuables à la pollution d'origine automobile est estimé autour de 870 pour la mortalité associée aux particules. Par ailleurs, pour Paris et la petite couronne, les chercheurs ont évalué à hauteur de 1 milliard de francs par an le coût médico-social lié aux particules fines essentiellement produites par les moteurs Diesel. Aujourd'hui, près d'une voiture sur deux vendue en France est désormais équipée d'un moteur Diesel. Le régime de taxation privilégié dont bénéficie le Diesel par rapport aux autres carburants n'est certainement pas étranger à ce succès. Un rééquilibrage de la fiscalité au profit des carburants les moins polluants, dès le budget 1998, serait un signe fort pour les Français et notamment les Parisiens qui jugent que la lutte contre la pollution est une priorité. Après les pics de pollution enregistrés en particulier à Paris cet été et dans le courant du mois de septembre où le seuil symbolique du niveau 2 fut plusieurs fois atteint, elle considère que ce serait une erreur de sous-estimer à la fois la réalité des risques que nous courons à continuer d'encourager le diesel et l'ampleur de la prise de conscience des Français quant à ce problème majeur dans les grandes métropoles. Elle lui demande de préciser la politique du Gouvernement dans ce domaine et en particulier de dire si, à défaut de taxer le diesel, le Gouvernement envisage d'aider au développement des carburants non polluants.

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Réponse du ministère : Industrie publiée le 29/10/1997

Réponse apportée en séance publique le 28/10/1997

Mme Danièle Pourtaud. Monsieur le secrétaire d'Etat, le projet de loi de finances pour 1998 prévoit que la taxe
intérieure sur les produits pétroliers sera uniformément relevée de huit centimes par litre, quel que soit le carburant, qu'il
s'agisse de l'essence ou du gazole.
L'arbitrage qui a été récemment rendu n'a donc pas tenu compte des légitimes inquiétudes suscitées par la responsabilité
du gazole dans la pollution atmosphérique et les conséquences de celle-ci sur la santé publique.
Ce problème est plus particulièrement sensible à Paris et en région parisienne, où la pollution est devenue la première
préoccupation des habitants, la récente alerte de niveau III n'est pas faite pour les rassurer, bien évidemment. Or, en
Ile-de-France, la première cause de pollution est la circulation automobile.
Dans les grandes villes, les dernières études estiment à près de neuf cents le nombre annuel de décès prématurés
attribuables à la pollution d'origine automobile. Par ailleurs, pour Paris et la petite couronne, les chercheurs ont évalué à un
milliard de francs par an le coût médico-social lié aux particules fines. En outre, on évalue que 90 % des émissions de
particules attribuables aux transports urbains sont issues des véhicules à moteur diesel.
Aujourd'hui, monsieur le secrétaire d'Etat, 41 % des véhicules vendus en France sont équipés d'un moteur diesel. Par
ailleurs, en 1996, en Ile-de-France, 49 % de la consommation totale de carburant a porté sur le gazole. Le régime de
taxation privilégié dont bénéficie celui-ci par rapport aux autres carburants n'est certainement pas étranger à ce succès.
Le rééquilibrage de la fiscalité au profit des carburants les moins polluants, dès le budget de 1998, aurait été un signe fort
pour les Français et notamment pour les Parisiens. Rappelons que l'écart fiscal entre le super sans plomb et le gazole dans
notre pays est de loin le plus élevé d'Europe.
Par ailleurs, l'encouragement du diesel est également un handicap pour l'industrie pétrolière française. Notre industrie du
raffinage, qui a massivement investi pour fabriquer des essences sans plomb, est pénalisée car l'évolution du marché,
artificiellement distordu par la fiscalité, diverge de plus en plus de ses possibilités de production.
Lors du récent débat budgétaire, l'Assemblée nationale a adopté trois amendements concernant les droits à déduction de
la TVA sur les carburants. Ces amendements favorisent le gaz pétrolier liquéfié, le gaz naturel pour véhicules et les
moteurs électriques. Par ailleurs, la déductibilité partielle de la TVA grevant la consommation de gazole des entreprises a
été supprimée.
Force est néanmoins de constater que, malgré ces avancées, le diesel demeure plus avantageux. En effet, en dehors du
différentiel de taxe intérieure sur les produits pétroliers, le diesel bénéficie d'autres avantages. La vignette et la carte grise
dépendent de la puissance fiscale, qui est calculée selon une formule favorisant considérablement les véhicules diesel.
A la demande du Parlement, le Gouvernement s'était engagé à présenter, avant le 30 juin 1997, un rapport sur ce sujet. A
ce jour, celui-ci n'est pas encore paru.
Pouvez-vous nous dire, monsieur le secrétaire d'Etat, si le Gouvernement poursuit une réflexion sur ce point ?
Par ailleurs, en tant qu'élue parisienne, vous me permettrez, monsieur le secrétaire d'Etat, de m'étonner, d'une part, que le
GPL ne soit pas autorisé pour les transports collectifs, d'autre part, qu'aucune mesure spécifique n'incite les chauffeurs de
taxi parisiens à utiliser des carburants non polluants.
Pouvez-vous nous dire, monsieur le secrétaire d'Etat, ce que le Gouvernement envisage de faire pour remédier à ce qui
est devenu un problème de santé publique pour les Parisiens ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie, auprès du ministre de l'économie, des finances et de
l'industrie. Madame le sénateur, je vous sais très attentive à ces questions de pollution parisienne, à la fois en tant que
membre de la Haute Assemblée et en tant qu'élue au Conseil de Paris. Aussi, je vous remercie très sincèrement de votre
question, qui va donner l'occasion au Gouvernement de préciser un certain nombre de points évoqués dans celle-ci et qui
sont tout à fait fondamentaux pour conduire la réflexion relative à la lutte contre la pollution dans les grandes cités.
Concernant, tout d'abord, la fiscalité pesant sur les carburants, celle-ci doit prendre en compte un certain nombre de
contraintes environnementales, industrielles et financières.
En ce qui concerne les contraintes environnementales, l'impact sur l'environnement et la santé de la pollution a vocation à
être intégré dans la réflexion et l'orientation de la fiscalité sur les carburants, nous en sommes bien d'accord. C'est votre
proposition et le Gouvernement la met en oeuvre dans la préparation de la loi de finances pour 1998.
Pour ce qui est des contraintes industrielles, les moteurs à essence et diesel sont de conception très différente et les
constructeurs automobiles français, dont la production de véhicules diesel, vous l'avez souligné, est d'environ 40 % de
véhicules diesel, ont besoin de temps pour faire face à toute évolution substantielle de la demande.
L'industrie ne peut pas réagir en quelques mois, ni même en quelques années ; il s'agit, en effet, d'un processus long de
réadaptation de l'offre à l'évolution de la demande.
Enfin, s'agissant des contraintes financières, la taxe intérieure sur les produits pétroliers contribue de manière significative
au budget de l'Etat : plus de 150 milliards de francs de recettes.
Par ailleurs, et c'est le deuxième aspect de votre question, l'équilibre économique et social du secteur des transporteurs ne
peut pas être ignoré par les pouvoirs publics.
Il est donc apparu préférable au Gouvernement d'aborder ces sujets dans un cadre européen.
Les réponses aux questions environnementales seront, en effet, plus solides si elles sont validées par la communauté
scientifique européenne. De plus, les risques de distorsion de concurrence entre transporteurs routiers seront ainsi
amoindris. Par ailleurs, les constructeurs automobiles, eux-mêmes seront de la sorte mieux armés pour apporter des
réponses industrielles applicables dans tous les pays de l'Union européenne.
Le Gouvernement a donc proposé au Parlement une hausse de huit centimes par litre de la taxe intérieure sur les produits
pétroliers, tant sur le gazole que sur l'essence.
Pour autant, le Gouvernement ne se désintéresse pas de la lutte contre la pollution atmosphérique, dont il entend faire une
de ses priorités, je le répète très clairement au Sénat aujourd'hui. Il a montré, en instituant pour la première fois, le 1er
octobre dernier, la circulation alternée dans l'agglomération parisienne, l'importance qu'il accordait à ce sujet. Cette
mesure a d'ailleurs été reçue positivement par les habitants de la région, l'esprit de responsabilité ayant en effet présidé à
leur comportement.
Vous savez que le Gouvernement étudie, pour l'avenir, un plan de limitation de la circulation, la fameuse vignette verte, qui
repose sur des critères tenant compte de la contribution réelle des véhicules à la pollution et qui sera donc plus adapté que
celui qui a été décidé par le précédent gouvernement.
Une politique vigoureuse devra également être entreprise en faveur du renouvellement progressif de la flotte d'autobus de
la RATP. Les bus fonctionnant au GNV sont aujourd'hui techniquement opérationnels et réduisent significativement la
pollution urbaine. Ils doivent donc être utilisés. La RATP doit à cet égard consentir des efforts importants pour que les
autobus roulant au GNV soient plus massivement utilisés qu'aujourd'hui, puisqu'ils ne le sont actuellement qu'à titre
expérimental.
Le Gouvernement a, en outre, accepté, lors du débat sur le projet de loi de finances, des amendements allégeant la
fiscalité des carburants alternatifs. Je songe à la déduction à 100 % de la TVA afférente aux achats d'électricité, de GPL
et de GNV, ainsi qu'à la diminution de la TIPP sur le GPL et le GNV.
En effet, au-delà du débat sur le choix entre l'essence et le diesel, tous les deux polluants, la véritable solution au problème
de la pollution urbaine passe par le développement de transports publics propres - GPL, GNV, électricité - et par une
nouvelle répartition modale en agglomération entre les transports individuels et les transports collectifs.
C'est dans ces directions que le Gouvernement oriente ses réflexions. Il vous remercie de la question que vous venez de
poser. Elle lui a en effet permis de mettre au clair une fois de plus une stratégie réelle qui concilie l'impératif économique et
industriel avec l'ardente nécessité de lutter plus efficacement en milieu urbain contre la pollution atmosphérique.
Mme Danièle Pourtaud. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme Pourtaud.
Mme Danièle Pourtaud. Monsieur le secrétaire d'Etat, je tiens à saluer les efforts du Gouvernement, que vous venez de
souligner, s'agissant de sa détermination dans la lutte contre la pollution.
Je veux également saluer l'initiative que vous avez prise quant à la flotte de la RATP, puisque vous avez incité le secrétaire
d'Etat à l'équipement, aux transports et au logement à demander à cette société de s'équiper en véhicules utilisant du
GNV.
Je souhaiterais néanmoins revenir sur deux aspects du problème qui concerne plus particulièrement les Parisiens. Je veux
parler des taxis et des véhicules des administrations.
Pour ce qui est des administrations, l'article 24, alinéa 3, de la loi sur l'air imposait aux administrations de renouveler, dans
un délai de deux ans, 20 % de leur parc automobile avec des véhicules non polluants. Un décret devait préciser les
conditions d'application de cet article. A ma connaisance, il n'a pas encore paru.
S'agissant des 15 000 taxis parisiens, ensuite, il me semble que des mesures spécifiques pourraient avoir un impact
considérable étant donné tant leur importance dans le trafic parisien que leur rôle de prescripteurs.
Une faible minorité de taxis utilisent aujourd'hui l'essence ; ils pourraient être incités à s'équiper d'un kit GPL permettant
une double carburation. Permettez-moi à cet égard de rappeler qu'une disposition, insuffisante à notre avis mais allant
dans ce sens, figure dans la loi sur l'air et que, là aussi, à ma connaissance, aucun décret d'application n'a encore été pris.
Je me permets également d'attirer votre attention sur le fait qu'aujourd'hui les taxis qui utilisent le gazole bénéficient d'une
détaxation fortement incitative. La majorité d'entre eux utilise donc ce carburant. Il me semble que des mesures les incitant
à renouveler leur véhicule et à choisir des carburations moins ou non polluantes pourraient être prises. Je rappelle à cet
égard que les taxis de Rome ou de Tokyo utilisent tous le GPL.
Monsieur le secrétaire d'Etat, en vous remerciant de l'intérêt que porte le Gouvernement à la lutte contre la pollution,
particulièrement dans les grandes agglomérations, je peux vous assurer que les Parisiens vous seront reconnaissants de
bien vouloir engager de nouvelles réflexions sur ce sujet.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. Monsieur le secrétaire d'Etat, si vous souhaitez compléter votre réponse, il serait préférable de vous
adresser à Mme le sénateur en dehors de l'hémicycle.

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