Question de M. DUSSAUT Bernard (Gironde - SOC) publiée le 21/01/1998

M. Bernard Dussaut appelle l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de la pêche sur la situation des retraités agricoles. Lors de la discussion du projet de loi de finances pour 1998 notamment, des dispositions ont été annoncées permettant la revalorisation des plus basses retraites et plus particulièrement celles des conjoints et des aides familiaux. L'effort budgétaire consenti doit, pour être rendu effectif, donner lieu à la publication de décrets d'application. Il lui demande de bien vouloir lui en faire connaître la teneur et les délais de publication. Il souhaiterait par ailleurs vivement que lui soient précisées les mesures qu'il entend prendre pour permettre à tous les retraités agricoles de bénéficier rapidement d'une retraite agricole égale au moins à 75 % du salaire minimum interprofessionnel de croissance.

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Réponse du ministère : Aménagement du territoire publiée le 25/02/1998

Réponse apportée en séance publique le 24/02/1998

M. Bernard Dussaut. Madame la ministre, plusieurs parlementaires ont déjà appelé l'attention de M. le ministre de
l'agriculture sur la situation des retraités agricoles. Si je me permets à mon tour de l'interpeller à ce sujet, c'est que, loin de
ne pas reconnaître les efforts significatifs qui ont été consentis par le Gouvernement, il me semble de mon devoir de
continuer à être le porte-parole de ces retraités.
On estime que 7 millions de personnes vivent dans notre pays sous le seuil de pauvreté. Cette situation ne concerne pas
que les villes : nous avons malheureusement tous des exemples pour illustrer cette précarisation rurale, qui touche plus
particulièrement le troisième âge de l'agriculture.
Ces agriculteurs sont fiers et courageux. Ils attendent depuis longtemps une reconnaissance ; ils sont las d'attendre et ils
sont animés d'un profond sentiment d'injustice : ils ont travaillé toute leur vie, souvent à partir de quatorze ans, voire plus
jeunes, mais ils n'ont, pour certains, cotisé à la caisse de retraite qu'un nombre minime d'années par rapport aux années
travaillées.
La plupart de leurs enfants ont quitté les campagnes, sont salariés et cotisent pour d'autres régimes de retraites.
Un effort budgétaire a été consenti à l'automne dernier. Il va permettre un relèvement de 425 francs mensuels pour les
retraites les plus faibles, et le dégrèvement des cotisations de sécurité sociale portera cette augmentation à 500 francs.
Nous devons saluer ce premier effort, qui, au regard des mesures toutes symboliques du précédent gouvernement, est
significatif.
Cependant, aucun versement n'a encore été effectué. Le décret d'application est annoncé, mais il n'est toujours pas paru.
Les retraités de l'agriculture réclament des précisions quant au contenu de ce décret et à sa date de parution.
Confrontés à une situation transitoire, puisque les exploitants actuellement en activité acquièrent des droits à la retraite au
moins équivalents à ceux des salariés, nous devons aujourd'hui accomplir cet effort.
Par ailleurs, d'après ce que j'ai pu constater, l'avant-projet de loi d'orientation agricole ne contient pas de dispositions
relatives à la revalorisation des retraites agricoles, contrairement à ce que nous étions en mesure d'espérer.
Il est vrai que nous connaissons le coût d'une revalorisation des retraites : M. le ministre de l'agriculture avait lui-même
précisé que les porter à 75 % du SMIC aboutirait à un doublement des dépenses du BAPSA, soit 45 milliards de francs.
En outre, il a souligné que cette revalorisation demeurait l'une des priorités du Gouvernement et que les dispositions allant
dans ce sens s'échelonneraient sur la durée de la législature.
Pourriez-vous nous donner quelques indications sur les étapes d'un échéancier, ainsi qu'un « avant-goût » des mesures qui
pourraient figurer, par exemple, dans le projet de loi de finances pour 1999 ?
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Monsieur le sénateur,
comme vous le savez, M. Le Pensec est actuellement en Autriche pour s'entretenir avec son homologue de la réforme
envisagée de la politique agricole commune. Il m'a donc demandé de répondre à sa place à votre question.
Depuis 1990, le régime d'assurance vieillesse agricole est harmonisé avec le régime général, tout en restant plus favorable
que ce dernier pour les titulaires de faibles revenus, inférieurs au SMIC. En effet, en aucun cas, depuis cette date, même
lors d'une année déficitaire, un exploitant n'acquiert, au titre de cette année, des droits à retraite inférieurs à 75 % de ceux
d'un salarié rémunéré au SMIC.
En outre, au terme d'une carrière entière de chef d'exploitation, il bénéficiera de la garantie d'un relèvement de sa retraite à
un niveau proche de celle d'un salarié ayant cotisé au SMIC.
Pour ce qui est des périodes antérieures à 1990, la garantie d'une retraite minimale généralisée à 75 % du SMIC
déconnecterait en fait la pension des revenus d'activité sur lesquels les agriculteurs cotisent. Elle modifierait ainsi la logique
contributive sur laquelle se fonde notre système d'assurance vieillesse.
Néanmoins, si les exploitants actuellement en activité acquièrent des droits à retraite au moins équivalents à ceux des
salariés, le Gouvernement considère que les pensions servies aux anciens exploitants qui sont à la retraite restent, en
général, extrêmement faibles, même si cela s'explique parce qu'ils ont cotisé au cours de leur carrière sur de faibles
revenus d'activité.
C'est pourquoi le Gouvernement a décidé la mise en place d'une première mesure de revalorisation des pensions des
retraités les plus modestes. La majoration profitera aux anciens aides familiaux, aux conjoints d'exploitants et à ceux
d'entre eux qui ont été chefs d'exploitation pendant quelques années, dès lors qu'ils auront consacré la totalité ou
l'essentiel de leur carrière à l'agriculture. Cette disposition concerne 274 000 agriculteurs.
La majoration très substantielle arrêtée et financée dès la loi de finances pour 1998 permettra ainsi d'attribuer une
revalorisation aux agriculteurs ayant accompli entre trente-deux ans et demi et trente-sept ans et demi de carrière dans
l'agriculture, atteignant 5 100 francs par an pour ceux qui auront effectué une carrière de trente-sept ans et demi.
Le décret d'application de cette disposition est en cours de signature par les ministres concernés. Il sera, bien sûr,
applicable aux pensions versées début avril au titre du premier trimestre de 1998.
Par ailleurs, je rappelle que la substitution de la CSG aux cotisations d'assurance maladie entraîne la suppression de ces
cotisations pour les retraités de l'agriculture non imposables. Ainsi, 700 000 petits retraités de l'agriculture bénéficient de
la suppression de la cotisation d'assurance maladie de 2,8 % appelée sur leur avantage vieillesse sans contrepartie de
CSG, ce qui représente une revalorisation supplémentaire de leur pouvoir d'achat pouvant atteindre 75 francs par mois.
Pour conclure, monsieur le sénateur, je tiens à rappeler que le Gouvernement s'est engagé à assurer une pension décente
aux agriculteurs sur la durée de la législature. Le ministre de l'agriculture et de la pêche s'attache à définir les catégories de
retraités dont la situation demande à être encore améliorée.
M. Bernard Dussaut. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Dussaut.
M. Bernard Dussaut. Madame la ministre, je vous remercie de m'avoir transmis la réponse de M. le ministre et des
précisions qu'elle contenait quant aux engagements pris par le Gouvernement.
Au demeurant, je pense que la possibilité de vivre et de vieillir dignement tient de la responsabilité collective. Il faudra
donc faire jouer la solidarité nationale. Peut-être serons-nous amenés à réfléchir à un éventuel rattachement des retraités
du régime agricole au régime général pour qu'ils puissent bénéficier, au même titre que tous, de cette solidarité ?

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