Question de M. HAMEL Emmanuel (Rhône - RPR) publiée le 12/02/1998

M. Emmanuel Hamel attire l'attention de Mme le garde des sceaux, ministre de la justice, sur la proposition faite dans le rapport des inspecteurs des affaires sociales, de l'administration et des services judiciaires sur l'évaluation des unités à encadrement éducatif renforcé et rapportée à la page 8 du quotidien Le Monde du 18 janvier dernier de " renforcer la spécialisation d'une partie des juges des enfants sur la prise en charge des mineurs les plus difficiles ". Il lui demande quelle est sa réaction face à cette proposition et si elle envisage d'agir en ce sens.

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Réponse du ministère : Justice publiée le 22/10/1998

Réponse. - Le garde des sceaux, ministre de la justice, fait connaître à l'honorable parlementaire que la prise en charge des mineurs les plus difficiles est aujourd'hui au c ur des préoccupations des pouvoirs publics et du ministère de la justice en particulier. Le rapport des inspections générales des affaires sociales, des services judiciaires et de l'administration, relatif aux unités à encadrement éducatif renforcé et leur apport à l'hébergement des mineurs délinquants, déposé en janvier 1998, préconise, en sa proposition nº 16, de renforcer la spécialisation de certains magistrats en direction des mineurs délinquants. A ce titre, la mission souligne que les juges des enfants doivent être en mesure de s'impliquer davantage dans le suivi des mineurs qui leur sont confiés et notamment de ceux repérés comme devant relever d'un suivi éducatif intensif. Le principe de spécialisation des juridictions pour mineurs est déjà très présent en droit français. Il a été consacré par le conseil constitutionnel qui, dans une décision du 13 août 1993, a subordonné le prononcé de mesures de sûreté à l'égard des minneurs de moins de treize ans à différentes garanties dont " la décision et le contrôle d'un magistrat spécialisé dans la protection de l'enfance ". Il répond, en outre, aux prescriptions des textes internationaux, ratifiés par la France, tels que les règles minima des Nations-Unies de 1985 (règles de Beijing), relatives à l'administration de la justice pour mineurs, la convention internationale des droits de l'enfant, les principes directeurs des Nations-Unies pour la prévention de la délinquance juvénile (principes de Ryad) et, au plan européen, la recommandation R (87) 20 du comité des ministres du conseil de l'Europe. Grâce à cette spécialisation, le juge des enfants peut acquérir une bonne connaissance de la personnalité du mineur et se trouve ainsi à même, aidé en cela par les équipes éducatives intervenant dans le champ judiciaire, de prononcer à son égard la mesure éducative la plus appropriée. Parce qu'il en assume le suivi, il peut également en modifier l'orientation, ordonner une mesure éducative plus adaptée ou choisir la voie de la sanction. La spécialisation de certains magistrats dans le traitement des mineurs les plus difficiles serait de nature à stigmatiser encore davantage des jeunes déjà bien repérés et paraît, en outre, peu aisée à mettre en pratique en raison de l'imprécision du critère : un mineur ne s'avère présenter de sérieuses difficultés de comportement souvent qu'après plusieurs interpellations. De plus, cette mesure apparaît peu opportune. En effet, en vue d'optimiser l'intervention judiciaire, l'appréhension de l'ensemble de la famille est souvent nécessaire afin de mieux comprendre les passages à l'acte d'un de ses membres. Dès lors, il semble peu judicieux et source de confusion de confier le suivi de mineurs appartenant à une même famille à deux magistrats différents en fonction de leur degré d'ancrage dans la délinquance ou de leurs difficultés respectives. Dans l'hypothèse où un mineur, déjà suivi en assistance éducative, se livrerait à des actes de délinquance, cette mesure entraînerait l'intervention d'un second magistrat, le même mineur étant alors suivi par deux magistrats différents, les privant du même coup d'une parfaite connaissance du mineur. Enfin, le législateur a souhaité, en 1958, confier au juge des enfants, magistrat spécialisé compétent à l'égard de l'enfance délinquante depuis l'ordonnance du 2 février 1945, la compétence en matière de mineurs en danger, consacrant ainsi le principe d'unité de la juridiction pour mineurs. Ainsi, la nécessaire spécialisation des magistrats chargés des affaires de mineurs, telle qu'elle est d'ores et déjà appliquée apparaît suffisante dans le cadre des interventions auprès des mineurs les plus difficiles et il semble souhaitable de conserver la double compétence du juge des enfants en assistance éducative et au pénal.

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