Question de M. HAMEL Emmanuel (Rhône - RPR) publiée le 14/05/1998

M. Emmanuel Hamel attire l'attention de M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation sur l'article d'un député du Val-de-Marne paru à la page 2 du quotidien Le Figaro du 7 avril 1998 dans lequel son auteur estime indispensable " d'ouvrir aux élus le droit de saisir directement les autorités compétentes pour dire le droit - telles les cours administratives d'appel - et, pour les problèmes de gestion courante, de consulter pour avis les chambres régionales des comptes. ". Il lui demande quelle est sa réaction face à ces propositions et si le Gouvernement envisage de prendre des mesures allant dans ce sens.

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Transmise au ministère : Intérieur


Réponse du ministère : Intérieur publiée le 12/11/1998

Réponse. - L'article R. 242 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel a prévu la mise en uvre, devant la juridiction administrative, d'une procédure consultative réservée à la seule compétence des préfets. Aux termes de cette disposition, les questions relevant des attributions des préfets de région de la métropole sont soumises par ces derniers à la cour administrative d'appel, les autres au tribunal administratif. Les représentants des collectivités territoriales décentralisées ne peuvent recourir à cette assistance que par le canal des préfets. L'élargissement du champ d'application de l'article R. 242 du code précité n'apparaît pas opportun, tant pour des considérations de fait que de droit. Les réformes successives intervenues en matière d'organisation juridictionnelle, dont en dernier lieu la loi du 8 février 1995 et le décret du 29 mai 1997, ont eu pour objet d'accélérer le cours de la justice en facilitant le traitement rapide des instances. Or l'extension des cas de saisine serait incontestablement de nature à accroître le stock d'affaires pendantes devant la juridiction administrative, déjà condamnée à diverses reprises par les instances juridictionnelles européennes en raison de la méconnaissance du " délai raisonnable " de jugement prévue par l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par ailleurs, il y a lieu de rappeler que la décentralisation, en organisant la substitution au contrôle administratif assuré par les représentants de l'Etat d'un contrôle juridictionnel a posteriori n'a, en aucune façon, conduit à supprimer les fonctions de conseil et d'assistance juridique exercéees par les préfets vis-à-vis des élus. Cette dimension essentielle de l'exercice du contrôle de légalité, dont l'importance a été soulignée par le Gouvernement dès l'entrée en vigueur de la loi du 2 mars 1982, tend d'ailleurs aujourd'hui à prendre une place croissante. Il faut souligner de surcroît que la recherche d'une meilleure sécurité juridique passe par la clarté des règles juridiques fixées par les lois et règlements en vigueur. A cet égard, la volonté affirmée par le Gouvernement de conduire à son terme la codification des textes législatifs et réglementaires, à l'instar de ce qui a été fait avec le Code général des collectivités territoriales, contribuera à une meilleure accessibilité de tous à la règle de droit. Il convient cependant d'indiquer qu'il existe une différence fondamentale de nature entre la mission de conseil et d'expertise juridique assurée par les préfets et les attributions spécifiques des juridictions. A cer égard, quelle que soit l'efficacité du dispositif que l'Etat mette en place, le représentant de l'Etat ne saurait se substituer au juge qui, seul, est investi du pouvoir de dire le droit avec force de chose jugée. S'agissant de la possibilité de développer la mission de conseil ou d'avis préalable des chambres régionales des comptes (CRC) sur des questions de gestion courante, elle appelle les mêmes réserves que pour la juridiction administrative. Les CRC assistent et conseillent le représentant de l'Etat dans au moins trois cas : le contrôle des actes budgétaires des collectivités locales (art. 211-8 du code des juridictions financières), le contrôle des actes des sociétés d'économies mixtes (art. 235-1 du CJF) et l'examen d'un marché public ou d'une convention de délégation de service public (art. 234-1 du CJF). Le groupe de travail sénatorial sur les chambres régionales des comptes et les élus locaux a indiqué dans son rapport que, bien que séduisante, l'extension au bénéfice des élus locaux de la fonction consultative des CRC était difficilement applicable en raison d'un risque d'encombrement et de mise en cause de l'impartialité des chambres. En effet, à l'instar des autres juridictions, les juridictions financières pourraient se trouver " juge et partie " si la généralisation des demandes de consultation devait les amener à se prononcer sur des actes de gestion dont elles pourraient avoir à connaître lors du jugement des comptes des comptables des collectivités locales. Il convient enfin d'ajouter que, comme pour le contrôle de légalité, l'assistance juridique aux collectivités locales est une dimension essentielle de l'exercice du contrôle budgétaire par les préfets, qui en informant les élus sur l'état du droit, leur donne l'éclairage nécessaire dans les prises de décisions qui leur incombent.

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