Question de M. HAMEL Emmanuel (Rhône - RPR) publiée le 04/06/1998

M. Emmanuel Hamel attire l'attention de Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité sur l'article d'un professeur de l'université Paris-I paru à la page 2 du quotidien Le Figaro du 19 mai 1998 dans lequel son auteur constate que " pour la première fois depuis l'après-guerre, des milliers de jeunes, parmi les plus qualifiés et les plus dynamiques, quittent la France ". Ce flux d'expatriés a récemment été évalué à 40 000 ou 50 000 personnes chaque année, tandis qu'entraient en France quelque 100 000 immigrés sans qualification, originaires du tiers monde. Il lui demande quelle est sa réaction face à ces évaluations et si elles sont exactes.

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Réponse du ministère : Emploi publiée le 19/11/1998

Réponse. - L'attention de la ministre de l'emploi et de la solidarité a été appelée sur un article paru dans un quotidien, relatif aux flux migratoires. Selon l'article, des jeunes gens qualifiés, dont le nombre est évalué de 40 000 à 50 000 par an, s'expatrieraient tandis que, dans le même temps, une centaine de milliers d'étrangers sans qualification, originaires du tiers monde, entreraient en France. L'honorable parlementaire demande quelle est la réaction de la ministre face à ces déclarations et si elles sont exactes. En réponse, il convient de signaler que les énonciations contenues dans l'article cité appellent un certain nombre d'observations. Si l'expatriation est particulièrement abordée par les médias depuis quelque temps, il importe de rappeler qu'elle ne saurait être considérée comme un phénomène nouveau. En effet, elle est un des facteurs du maintien et du développement de l'influence française à l'étranger, et elle a été une préoccupation constante des gouvernements. A cet égard, il est à noter que l'ordonnance nº 45-2658 du 2 novembre 1945 relative aux étrangers et portant création de l'Office national d'immigration confiait à cet établissement, entre autres, le recrutement en France des travailleurs de toutes nationalités pour l'étranger. Depuis 1988, l'appellation d'office des migrations internationales s'est substituée à celle d'Office national d'immigration pour mieux souligner le double rôle confié à cet organisme : immigration, mais aussi expatriation. Parallèlement, depuis la même époque, l'Agence nationale pour l'emploi prospecte des emplois susceptibles d'être occupés par nos nationaux à l'étranger. Actuellement, et à la demande du Gouvernement, les deux établissements mettent au point des actions de partenariat en vue de faciliter l'expatriation. Celle-ci, d'ailleurs, est d'autant plus évoquée qu'elle s'inscrit souvent dans le cadre de l'Espace économique européen et de la liberté de circulation pour les ressortissants des pays le constituant. Il est à remarquer, en outre, que le vocable d'expatriation recouvre des situations différentes selon qu'il s'agit d'un départ définitif ou d'un séjour temporaire pour des études, des stages, des échanges professionnels, des missions de longue durée dans le cadre de l'activité professionnelle. Enfin, la présence française à l'étranger est appréciée à partir des immatriculations dans les postes consulaires et de l'estimation du nombre de ceux qui n'effectuent pas cette démarche. Le nombrre des immatriculés évolue autour d'un chiffre inférieur à un million, soit 1 022 000 au 1er janvier 1980, 924 711 au 1er janvier 1990, 924 000 au 1er janvier 1997. Il n'existe pas en revanche de mesure du flux d'expatriation, si bien que chiffrer à une quarantaine de milliers par an le nombre de nos compatriotes quittant la France à titre définitif est, dans ces conditions, hasardeux. Les estimations des flux d'entrées d'étrangers doivent faire l'objet d'une approche encore plus prudente. Trois séries d'éléments doivent être prises en compte. En premier lieu, sous la dénomination des entrées d'étrangers sont inscrits, d'une part, les résultats de l'addition des données statistiques produites par le ministère de l'intérieur, par l'Office des migrations internationales, par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et, d'autre part, une estimation de flux non entièrement mesurés, en particulier ceux des ressortissants des Etats membres de l'Espace économique européen bénéficiaires de la libre circulation. En second lieu, la rubrique des entrées comporte diverses catégories juridiques. En effet, il importe de distinguer l'immigration à caractère permanent de l'immigration sous statut temporaire. La première regroupe les étrangers recevant initialement une carte de séjour d'une durée au moins égale à un an (sauf les étudiants). La seconde est formée par les étrangers recevant une autorisation de séjour d'une durée comprise entre trois mois et un an, auxquels s'ajoutent les étudiants et les travailleurs saisonniers. La nature de ce titre ne permet pas aux intéressés d'envisager un séjour permanent en France, sauf changement de statut, par exemple pour les demandeurs d'asile obtenant le statut de réfugié. En troisième lieu, les chiffres ainsi enregistrés ne correspondent pas toujours à des entrées physiques sur le territoire. En effet, les titres de séjour délivrés pendant une année peuvent correspondre à des entrées réelles, à des régularisations, à des changements de statut d'étrangers en situation régulière sous couvert de leur document de voyage, à l'accession à la majorité d'étrangers mineurs au moment de l'entrée au titre du regroupement familial et qui se présentent en préfecture à dix-huit ans pour obtenir un titre de séjour. Une fois exclus les bénéficiaires de la libre circulation, ressortissants des Etats parties à l'Espace économique européen visés précédemment, et en mettant à part l'opération de réexamen de la situation de certaines catégories d'étrangers au titre de laquelle 15 900 titres de séjour avaient été délivrés au 31 décembre 1997, les effectifs sont les suivants. Dans l'immigration temporaire, les catégories les plus importantes sont représentées par les demandeurs d'asile (17 405 en 1996, 21 416 en 1997), les étudiants et stagiaires (16 470 en 1996, 19 708 en 1997), les travailleurs saisonniers (8 766 en 1996, 8 210 en 1997) en constante diminution depuis 1992, les bénéficiaires d'une autorisation provisoire de travail (4 832 en 1996, 4 674 en 1997) souvent cadres de haut niveau. Les entrées à caractère permanent sont constituées par les visiteurs (8 905 en 1996, 15 127 en 1997) dont la hausse récente est imputable en partie à la comptabilisation statistique, les membres de familles de Français (15 641 en 1996, 14 419 en 1997), les membres de familles d'étrangers venant par la voie du regroupement ou de l'accompagnement familial (13 889 en 1996, 15 535 en 1997), les réfugiés et apatrides et membres de leur famille (5 208 en 1996, 4 214 en 1997), les travailleurs permanents (4 267 en 1996, 4 582 en 1997). Le rappel de ces chiffres et des catégories dans lesquelles ils peuvent être classés, conduit à formuler quelques remarques. Tout d'abord, la moitié des entrées, hors Espace économique européen et hors réexamen, correspond à des séjours temporaires en France. Ensuite, les entrées à caractère permanent sont l'aboutissement, en très grande majorité, de la mise en uvre, ou d'un droit constitutionnel, ce qui est le cas pour les bénéficiaires du regroupement familial, les réfugiés ou les apatrides, ou du droit de vivre en famille (membres de familles de Français). Très souvent, dans ces hypothèses, les nouveaux arrivants rejoignent des membres de leur famille déjà intégrés, disposant de ressources et d'un logement. Enfin, les entrées de travailleurs permanents sont formées souvent par des cadres de haut niveau, tout comme pour les travailleurs temporaires, ou des ressortissants d'Etats ayant des accords particuliers avec la France. Dans ces conditions, les assertions contenues dans l'article mentionné sont à considérer avec circonspection.

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