Question de M. CHABROUX Gilbert (Rhône - SOC) publiée le 11/06/1998

M. Gilbert Chabroux attire l'attention de M. le ministre des affaires étrangères sur la perspective de création d'une Cour pénale internationale de justice. Alors que la commission européenne vient de voter une aide de 390 000 écus à une organisation non gouvernementale qui milite pour que les Nations unies créent une Cour pénale internationale de justice, alors que cette même commission a annoncé son soutien à une telle initiative le 11 mai, il lui demande quelle est la position du Gouvernement concernant cette Cour et si, dans la perspective d'une telle création, la France entendait participer directement afin de rendre justice aux peuples brisés par des génocides, des crimes de guerre et contre l'humanité.

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Réponse du ministère : Affaires étrangères publiée le 17/09/1998

Réponse. - Ainsi que le note l'honorable parlementaire, la conférence diplomatique chargée d'adopter le statut d'une cour pénale internationale permanente s'est tenue à Rome du 15 juin au 17 juillet et la France a participé activement tant au processus préparatoire qu'à l'ultime négociation. Notre pays a signé ce texte dès le 18 juin. Nous nous étions donné pour objectif la création d'une cour efficace, complémentaire des ordres judiciaires nationaux, bien insérée dans le système international existant et répondant au besoin de justice des victimes. La convention adoptée le 17 juillet est selon nous satisfaisante. Elle a toutefois fait l'objet d'un vote à la demande des Etats-Unis : 120 pays dont les membres de l'Union européenne ont voté pour ; sept ont voté contre (Etats-Unis, Chine, Israël, Inde, Bahrein, Vietnam, Qatar) et vingt et un se sont abstenus. La cour sera compétente pour juger les personnes responsables de crimes qui heurtent la conscience même de l'humanité : génocide, crimes contre l'humanité, crimes de guerre. Elle se saisira dès lors que les Etats refuseront ou seront incapables de juger véritablement les auteurs présumés. La cour est dotée de la faculté d'autosaisine. La France a toujours prôné l'élaboration d'un statut détaillé, rigoureux, garantissant à la cour une stabilité juridique qui a manqué, il convient de le reconnaître, aux tribunaux pénaux internationaux pour l'ex-Yougoslavie et le Rwanda, créés dans l'urgence. Initialement divisée, l'Union européenne a toutefois retrouvé sa cohésion à Rome en se rapprochant des positions françaises. Elle s'est prononcée pour que les principes essentiels de la procédure soient inscrits dans le statut et fassent une synthèse des traditions juridiques existantes : ainsi, un véritable équilibre institutionnel est établi au sein de la CPI entre les juges d'une part et le procureur d'autre part. Les juges se voient conférer un rôle de contrôle des actes du procureur pendant la phase d'instruction, et une vraie responsabilité dans la conduite des procès. Enfin, les victimes se voient reconnaître un droit d'accès à la cour, à toutes étapes de la procédure, et un droit à réparation. Là encore, l'évolution par rapport au statut des tribunaux pénaux internationaux, reflet de la seule common law, est sensible. L'Union européenne a surtout accepté l'insertion dans le statut d'une disposition transitoire sur les crimes de guerre, qui autorise les Etats, pour une brève période de sept ans, à décliner la compétence de la cour. La France était attachée à ce régime provisoire : nous tenons en effet à éviter que la cour ne soit saisie en ce domaine de plaintes abusives, teintées d'arrière-pensées politiques, auxquelles seraient particulièrement exposés les personnels servant sur des théâtres extérieurs, notamment dans le cadre d'opérations de maintien de la paix. Le recul et l'expérience permettront d'apprécier si la juridiction est à l'abri de tels excès. La France a toujours accordé une importance prioritaire au dialogue avec ses partenaires européens pendant ces négociations. Parmi les points qui ont pu donner lieu à des appréciations différentes entre Européens avant Rome, la France a notamment uvré pour que l'action de la future cour soit toujours cohérente avec celle du Conseil de sécurité, notamment dans les situations d'atteinte ou de menace à la paix. La cour sera ainsi un véritable instrument de lutte contre l'impunité des auteurs de violations des droits de l'homme dans le monde et pourra contribuer aux processus de règlement et de conciliation dans les régions déchirées et meurtries par les conflits et les atrocités. Nous avons la conviction que la convention adoptée à Rome répondra à ces attentes et nous entendons faire tous les efforts pour assurer la mise en place rapide de la cour.

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